Déchéance [Terminé]

Chapitre huit

— Vrai ou faux ? insistais-je.

— Vrai, admit-il contre son gré.

Sa réponse me fit rire aux éclats, tandis qu'il me regardait un brin vexé. 

Dehors, je pouvais deviner le soleil se lever. La lumière commençait à envahir mon salon, doucement mais surement. Nous avions passé toute la nuit à parler, et boire. Finalement, je ne pensais presque plus aux événements arrivés plus tôt. 

Je devais admettre être intoxiquée, mais moins que lui. Je parvenais encore à voir clairement, tandis que lui se trouvait allongé sur mon parquet, ayant visiblement de la difficulté à rester éveillé. 

— Mais ce n'est pas une pratique courante, m'expliqua-t-il. Enfin... Moi je ne l'ai jamais fait, mais après tout je ne pratique pas la nécromancie.

Samael était en train de m'expliquer comment fonctionnait certains sorts basiques. Et il venait d'admettre que certains sorciers se reposait sur le sacrifice comme vecteur de magie. Ce qui n'était pas une surprise du tout, mais j'aimais en apprendre plus sur ce sujet.

Après tout, j'étais assignée aux affaires surnaturelles. Et je n'avais aucune idée de leur fonctionnement. 

Je levais les yeux pour regarder par la fenêtre, dehors la ville commençait à s'éveiller. Le temps était passé vite. J'haïssais l'admettre, mais j'appréciais sa compagnie. Et j'étais reconnaissante qu'il soit resté avec moi. Après ce qu'il s'était passé... Je n'avais juste pas le coeur à rester seule. 

— Comment tu fais, alors ? Pour lancer un sort... Ou quoi que ce soit. 

Cette conversation était surréelle. 

— C'est comme un... Chatouillement. 

Son choix de mot me fit sourire. 

— Un chatouillement ? répétais-je, incrédule. 

— Comme une... Comme de l'énergie qui se déplace sous ta peau. Tu vois ? Quand je m'apprête à lancer un sort je la sens, de l'électricité qui se déplace jusqu'au bout de mes doigts.

Je pouvais deviner la concentration sur son visage tandis qu'il essayait de m'expliquer cela. 

— Et tu concentres très fort et... Boum ? 

— Non, soupira-t-il.

Samael se redressa pour me regarder, les yeux gonflés. Ses cheveux étaient désormais décoiffés, et je ne l'avais jamais vu ainsi. En cet instant, il semblait presque... Accessible. Vulnérable. Comme moi, sans doute. 

— Ça dépend, m'expliqua-t-il.

Il se laissa retomber. Je lui avais donné un oreiller une heure plus tôt, mais il s'obstinait à laisser sa tête à même le sol. 

— Je ne comprends pas, finis-je par lui dire.

— Non, marmonna-t-il. C'est compliqué quand on ne l'a jamais vécu. 

Il se redressa soudainement, si rapidement que je craignis de le voir tomber et basculer en arrière. Samael fit volte-face, s'assit en tailleur, et tendit ses deux mains vers moi. Paumes vers le plafond. 

— D'accord ...? finis-je par demander après une minute de silence. 

— Donne moi tes mains, dit-il avec un soupir. 

Je restais interdite pendant une seconde, puis sous son regard insistant, je me résolu à m'assoir face à lui dans la même position. Je lui tendis mes mains, et il les serra. Sa peau était chaude, et étrangement douce. 

— Attends, et concentres-toi.

— Sur quoi ? demandais-je.

— Tu verras. 

Au début, il ne se passa rien.

Je commençais même à croire qu'il se moquait de moi, et de mon ignorance. Puis, finalement, quelque chose naquit en moi. Dans ma poitrine, une étrange palpitation qui n'était pas douloureuse. Juste... Nouvelle. Présente, sans être étouffante. 

J'inspirais profondément, et elle sembla réagir à cela. Comme si elle se déplaçait dans mon sang, suivait les mouvements naturels de mon corps. Il s'agissait d'une forme de chaleur électrique qui crépitaient sous ma peau.

Je baissais les yeux, mais je ne la voyais pas. Pourtant je la sentais sans aucun doute. Elle devenait de plus en plus intense. Et je me sentais... Puissante. Oui, c'était le terme. Comme si une force nouvelle venait de naitre en moi. Elle était partout et nul part à la fois, et infusait quelque chose en moi. Une forme de calme que je n'avais jamais connu auparavant. 

Puis finalement, elle se déplaça jusqu'à mes paumes, là où ma peau rencontrait celle de Samael.

Une lueur s'émana de notre contact. Verte, surnaturelle, similaire à une pierre de jade. Tout mon appartement en fut rapidement emplit. 

— Assez cool, hein ? me dit-il finalement. 

— C'est fantastique, lui dis-je.

Je restais silencieuse quelques minutes, les yeux rivés sur la lumière que nous produisions. Samael me regardait également, je m'attendais à voir de l'amusement sur son visage, mais il semblait fier. 

— Ce que tu sens, m'expliqua-t-il. C'est mon pouvoir. L'essence de tout ce que je fais.

Incroyable, j'avais l'impression d'être un vecteur. Partageant mon corps avec cette force qui réagissait à ma personne. 

Nous levâmes les yeux en même temps, et nos regards se rencontrèrent. Je m'apprêtais à lui dire quelque chose, sans doute un remerciement, quand une sonnerie nous coupa. Il sursauta et rompit rapidement notre contact.

Soudainement, je me sentis vide. Et la douce lumière avait disparu. Malheureusement, je n'avais pas le temps de me concentrer là-dessus.

Je me relevais rapidement, essayant d'ignorer les vapeurs d'alcool qui me faisait tourner la tête, à la recherche de mon téléphone. Ce dernier se trouvait encore dans mon sac à main. 

— C'est le travail, m'exclamais-je. 

Je l'entendais pousser un hoquet de surprise. Moi aussi, j'étais étonnée qu'ils m'appellent aussi tôt. Puis, je réalisais qu'il était déjà sept heures du matin. Seigneur, le temps était passé si vite. 

— Tout va bien ? me demanda-t-il.

— Non. 

Je restais silencieuse, interdite, tandis que je lisais le rapport qui venait de m'être envoyé. Pendant ce temps, l'inspecteur Park m'appelait en boucle.

— Ça concerne notre enquête. Ils ont retrouvé trois nouveaux corps.