Chapitre onze

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J'étais au téléphone avec ma soeur depuis presque une heure. Cette dernière n'en démordait pas, et exigeait de savoir qui était mon coéquipier. 

— Cass, c'est mon collègue. 

— À d'autre, entendis-je à l'autre bout de la ligne. Raconte-moi. Je ne raccrocherai pas tant que tu ne m'auras pas tout dit. 

Je regardais son numéro affiché sur mon écran, avant de pousser un profond soupir. J'avais fait une sieste d'environs deux heures avant de prendre la douche la plus glaciale possible. Je refusais encore de toucher l'eau chaude, lié à l'accident. 

Je devais l'admettre, c'était revigorant. Je me sentais mieux, mais ne pouvais ignorer la boule d'anxiété qui serrait mes entrailles. 

Samael ne m'avait pas donné de nouvelles.

Rien de surprennant, bien sûr. Nous nous étions quittés le matin même et il n'était que minuit. Peut-être qu'il n'avait pas encore eu le temps de faire quoi que ce soit, ou peut-être... Je ne pouvais me débarrasser de cette terrible mauvaise impression. Comme si quelque chose allait terriblement mal.

Je me laissais tomber sur mon canapé, la tête basculée en arrière. 

— D'accord, d'accord, marmonnais-je. C'est un mage, et sérieusement c'est juste mon collègue.

— Un mage ? 

— Oui. 

— Tu travailles sur une enquête avec... un mage ? 

L'incrédulité dans sa voix ne me surprit pas. Il y avait une véritable distance entre le public et le monde de l'ombre. Parfois, certains craignaient qu'une guerre civile éclate.

Pas moi. 

Surtout pas depuis que je côtoyais Samael. Il était terriblement insupportable et arrogant... Mais n'avait pas une once de méchanceté en lui.

Pour une raison que j'ignorais, les mages décidaient de gérer calmement la situation avec nous. Sans doute car ils se savaient plus puissants. En tout cas, je l'espérais. 

Je ne pouvais me débarrasser de cette terrible idée. Celle que notre enquête était liée à ce sujet-là, et quoi que ce soit qu'ils essayent d'invoquer... Bref. Je n'aimais pas y penser. 

— Comment s'est passée ta journée ? lui demandais-je finalement après quelques minutes de silence. 

— Bien, me répondit-elle.

Il y eut un silence, et je pus deviner les dizaines de questions qu'elle n'osait pas me poser. Liées à mon accident, à la place que j'occupais dans le monde de l'ombre. Toutes ces choses que je ne pouvais aborder qu'en surface avec elle. 

Au moins, je l'espérais, elle ne me parlerait plus de Samael. 

— En fait, non, se reprit-elle. Je ne sais pas si je t'avais raconté, mais un des parents d'élèves... 

Et juste ainsi, elle repartit. Je lui en étais reconnaissante. Je n'avais pas réellement envie de mener la conversation, mais pas non plus de raccrocher. La peur me serrait les entrailles, et rester seule allait sans aucun doute aggraver cela. 

Puis, finalement, quelque chose arriva. Au début, je cru à un mauvais tour de mon imagination. Mais, le bruit devint de plus en plus intense. 

Poc.

Ce dernier provenait de ma salle de bain. 

— Attends, Cassandra...

Poc

Discret, mais pourtant bel et bien présent. Similaire à quelque chose qui tombait... Quelque chose de tout juste solide, de l'eau peut-être ? Non, le liquide devait être plus épais. 

Je me mis debout, et lançai un regard circulaire à mon salon. J'avais tout juste rangé après la nuit dernière, mais à part cela il n'y avait rien hors de l'ordinaire. La porte de mon balcon était verrouillée, comme toujours, tout comme ma porte d'entrée. 

Poc

Le son provenait de ma salle de bain. Cela devait être une fuite, sans aucun doute. Il ne pouvait pas en être autrement, n'est-ce pas ? 

— Je te rappelle, Cass. 

Sans attendre sa réponse, je raccrochai. Puis, me penchai pour attraper une bouteille vide qui gisait au sol. Une piètre arme, mais je ne voulais pas aller chercher mon pistolet. Car après tout, il s'agissait uniquement d'une fuite d'eau. 

Lentement, sur la pointe des pieds, je m'approchai de la porte. 

— Quoi ? 

La question m'étais adressée, bien sûr. J'avais la fâcheuse tendance de me parler pour me rassurer. Le son qui provenait de l'autre côté du battant était presque... Humain.

Tout en retenant mon souffle, j'ouvris enfin la porte.

— Mon dieu, Samael ! 

Il était là. Comme tout droit sorti de mes pires inquiétudes, gisant sur le sol. Le son que j'entendais était son sang qui coulait sur le sol, en longue goutte sur le carrelage. 

Samael était tout juste conscient, je m'approchai de lui tout en le secouant pour essayer de le réveiller. Mon téléphone en main, je m'empressai de composer les secours. Mais, sa paume se posa sur la mienne et, à bout de force, il secoua la tête. 

— N... 

— Non ? Samael, tu as besoin de soin urgent ! 

— M... Ma...

— Magie ? 

Je fronçais les sourcils tout en l'examinant. Il avait une longue coupure sur le bras droit, mais ne semblait n'avoir aucune autre plaie. Pourtant, sa peau était si pâle qu'elle prenait des teintes bleues. 

Ses yeux entre-ouverts étaient gonflés, exténués et blessés. 

— Samael, qu'est-ce qu'il s'est passé ? 

La panique se diffusait en moi en longue vague. Si quelqu'un lui avait lancé un sort, alors je ne pouvais rien pour lui. Pourquoi avoir pris refuge ici ? Seigneur, et si ses attaquants venaient chez moi pour le retrouver ? 

Et s'il mourrait ? 

— Dis moi comment t'aider, Samael !

Il ouvrit à nouveau les yeux, tentant de me regarder. Pendant quelque seconde seul le Poc se fit entendre. Puis finalement un seul et unique mot sorti de sa bouche. 

— Piège. 

Déchéance [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant