— Tu es confus, lui dis-je.
Il avait, cependant, l'air d'aller mieux. Réellement mieux. Miraculeusement mieux. Comme si tout cela n'était jamais arrivé, qu'il n'était jamais apparu mourant dans ma salle de bain.
— Non, rétorqua-t-il.
Je ressentais le terrible désir de le frapper au visage. Fort, pour lui remettre les idées en place. Car la joie qui se lisait sur ses traits m'irritait au plus au point, couplée à la fatigue et l'angoisse que je ressentais. En bref, ce n'était pas un bon mélange d'émotions.
— Arrête de sourire, assénais-je sèchement.
Bien sûr, ses lèvres s'étirèrent encore plus.
Je me levais rapidement et entrepris de faire les cents pas dans mon appartement. Samael se mit debout à son tour.
— Tu es une mage, répéta-t-il.
— Non ! Si j'avais des pouvoirs, je le saurai.
— Tu le sais maintenant.
— Je suis sérieuse, Samael.
Il resta silencieux quelques minutes, me laissant paniquer. Je faisais les cents pas, tandis qu'un millier d'interrogations tournaient en boucle dans mon esprit. Il se trompait. Il devait se tromper. Je ne pouvais pas être une mage.
Je n'avais jamais eu de pouvoir, jamais rien d'extraordinaire ne m'était arrivée. Pas la moindre petite étincelle.
— J'ai dû réveiller tes pouvoirs, intervint-il finalement.
— Pardon ?
Quel arrogant, insupportable et borné...
— Quand je t'ai fait ressentir mon énergie. J'ai dû réveiller la tienne.
— C'est de la folie !
— Les guérisseurs sont rares, Jade.
Samael contourna mon canapé. C'était comme si rien ne s'était jamais passé. Il avait l'air en pleine forme, si ce n'était pour ses cheveux décoiffés et sa tenue. Son tee-shirt noir était, en effet, recouvert de sang.
Il se planta devant moi, sans toutefois stopper mon élan. Rien ne pouvait me calmer dans l'immédiat, je me rongeais les ongles tout en marchant en cercle.
Cette fois-ci, lorsque je fis volte-face, Samael se planta devant moi. J'essayai de le contourner, mais il m'arrêta sèchement. Nous restâmes un instant bloqués là, à se regarder droit dans les yeux.
Un avertissement brûlait dans mon regard. Je ne voulais pas qu'il me touche, ni même qu'il me parle. Cette homme était fou, tenait un discours décousu. Il avait perdu la tête.
— Les guérisseurs sont très rares, insista-t-il.
— Tant mieux pour eux, rétorquais-je. Car je n'en suis pas une.
— Alors comment tu expliques ça ?
Il se désigna des mains.
— Un miracle ! Je ne sais pas, sors de chez moi.
Ma dernière injonction était claire, et sèche.
— Jade, calme-toi, par pitié...
— Sors de chez moi ! répétais-je.
— Jade...
Il posa les mains sur mon visage tout en me regardant droit dans les yeux.
— Respire, me dit-il.
Puis, Samael prit une profonde inspiration exagérée. Lorsque je compris qu'il n'allait pas me lâcher tant je ne l'imitais pas, je me mis à mon tour à respirer calmement. Le pire fut que cela fonctionna.
— Tu te sens mieux ?
L'angoisse serrait toujours mes entrailles, mais je me sentais plus connectée à mon environnement. Samael venait de m'éviter une crise de panique.
— Tu te trompes, lui lançais-je.
— C'est terrifiant, je sais. Mais Jade, les guérisseurs sont rares. C'est un type de magie pur et unique, d'une beauté que tu n'imagines même pas.
— Mes parents ne sont pas des mages.
— Je sais, répondit-il. Un de tes ancêtres doit l'être. Quelle importance ? Tu es...
Il me regarda, une émotion nouvelle brillant dans son visage : de l'admiration.
— Formidable, termina-t-il finalement.
Samael me lâcha enfin, et mon monde parut soudainement froid sans son contact. Mes jambes tremblaient, flageolante sous l'émotion. Je décidais donc de retourner m'installer sur le canapé.
Tout autour de moi avait l'air d'être dans une brume. Comme si j'étais complètement déconnectée de la réalité.
— Que s'est-il passé ? demandais-je finalement.
Car après tout, je n'en n'avais aucune idée. Il était simplement apparu chez moi par un portail.
Samael me rejoignit et s'assit sur le sol en face de moi, à même mon tapis, en tailleur. Il ne répondit pas pendant quelques minutes et je pus lire le trouble dans son visage. Visiblement la découverte de mes "pouvoirs" nous avait tous les deux secoué.
— J'avais demandé un rendez-vous à Kyros, commença-t-il. Il m'a expliqué ne pas pouvoir agir contre le Covent Ambré à cause des alliances, mais je pensais qu'il aurait au moins pu m'aider à les rencontrer.
— Intelligent.
— Merci, sauf que...
Samael laissa son regard divaguer. Je ne le bousculai pas, lui laissant le temps de se remémorer les événements.
— C'était un piège. Quand je suis arrivé là-bas, trois hommes du Covent Ambré m'attendaient.
— Que voulaient-ils ?
— Tout savoir. Sur notre enquête, sur toi. Ils m'ont qualifié de traitre car je travaillais pour la police. Ils m'ont torturé, mais j'ai réussi à m'échapper.
— Samael, je suis désolée.
Je l'étais sincèrement. Il se savait en danger, c'était la raison pour laquelle il s'alliait à moi. Ainsi, cela lui permettait d'être protégé. Enfin... Nous avions visiblement échoué à cela.
— Je ne leur ai rien dit, continua-t-il. Mais, ils vont venir pour toi dès qu'ils trouveront ton identité. C'est peut-être l'heure de contacter tes supérieur.
— Bien sûr.
Nous avions assez d'informations et de preuves pour organiser une descente, et cela rapidement. Plus qu'ordinaire, au vu de l'urgence de la situation.
À nouveau, il y eut un long silence.
— Merci, me dit-il finalement.
Je ne répondis rien, sentant qu'il allait ajouter autre chose.
— Je suis venu ici, car je savais que tu me protégerai.
— Bien sûr, répondis-je. Toujours.
Samael me regarda, ému.
— Toujours, répéta-t-il.
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Déchéance [Terminé]
ParanormalJade Slyrander est une jeune recrue de la police de New York. Quelques années après l'intervention qui a failli lui couter la vie, la jeune femme est chargée d'enquêter sur une série de disparition inquiétante, et pour se faire, doit infiltrer le ré...