— Kyros m'a dit que tu avais une dette, repris-je rapidement.
Je réfléchissais aussi vite que possible, en un espoir vain de comprendre, démêler le vrai du faux. Cette fois-ci Samael me lâcha. Sans sa poigne pour me retenir, je faillis perdre l'équilibre et fit un pas en arrière pour me retenir.
— Non !
L'injonction venait de moi tandis que lui se dirigeait vers la seule porte de la pièce. Une porte... Sans poignée. Sans serrure, juste un battant dans le mur. Tout ici était si étrange...
Il cessa de se diriger vers la sortie, sans toutefois se tourner vers moi.
— Non, répétais-je plus fermement cette fois-ci. C'est assez. Tu viens de détruire ma vie et de me trahir, tu me dois au moins la vérité.
Samael se retourna, un sourire étirait désormais ses lèvres.
— Des fois j'oublie que tu es enquêtrice, puis le naturel refait surface. D'accord, tu veux la vérité ?
Sa voix semblait me mettre en garde, mais j'ignorai cela. Son changement d'attitude m'alarma, je l'ignorais car je n'avais aucune autre option. Peut-être allait-il me dire quelque chose qui m'aiderait à me sortir d'ici.
Il s'appuya contre le mur, les bras croisés sur sa poitrine. La peau de son nez encore rougie de s'être frotté afin de se nettoyer. Il me suivit du regard tandis que je m'asseyais sur le lit.
— Tu es sûre ? insista-t-il.
Quelle étrange question. Cependant, j'avais appris à les ignorer. Samael avait le don de faire ces sous-entendus et de poser ces interrogations qui ne semblaient jamais aboutir. Juste me perturber.
— Quelle dette ? demandais-je.
Il poussa un profond soupir tout en baissant les yeux, une émotion indéchiffrable sur le visage.
— Droit au but, hein ?
Samael prit une longue inspiration, comme pour se donner du courage.
— J'étais jeune, et j'ai passé un accord avec le Covent Ambré.
— Donc tu les connais, compris-je soudainement.
— Oh, très bien oui.
Son ton était ironique.
— Alors quand ils t'ont torturé il y a quelques jours...
— Ils venaient chercher mon payement. Je t'ai menti, ils se foutent de notre enquête.
Ces mots me donnèrent un mal de crâne tandis que les réalisations s'entassaient. Je décidai de revenir à l'origine de notre conversation. Mensonge. Chaque mot qui sortait de sa bouche était un putain de mensonge.
— Un accord, pourquoi ? Me résolus-je à demander.
— Pourquoi ? Pour du pouvoir, bien sûr.
J'inclinai la tête, son ton était hautain mais je l'ignorai. Au moins, une chose n'avait pas changer : Samael était toujours aussi arrogant.
— Du pouvoir, dans quel but ?
— Me venger.
Un nouveau sourire éclaira son visage tandis que le trouble devait se lire sur le mien. J'essayai de rester concentrée, mais j'étais encore terriblement épuisée. Visiblement, le temps que j'avais passé inconsciente ne m'avait pas reposée.
— Ah... Intéressant n'est-ce pas ? continua-t-il tristement. J'étais jeune, et énervé. Je voulais me venger car un Covent ennemi avait tué Emily. Ma... femme.
Les mots flottèrent un instant dans l'air, tandis qu'il marquait une pause pour me laisser le temps d'assimiler ces mots.
— Tu aurais pu...
— Quoi ? m'interrompit-il. Aller voir la police ? Ils ne nous aideraient jamais et tu le sais pertinemment. Même pour une enquête aussi grosse que la nôtre, ils n'ont pas déployé de moyens. Tu sais pourquoi tu es la seule à t'en être occupée ? Ce n'est pas parce qu'ils voulaient garder le tout discret, c'est parce qu'ils s'en foutent.
Je ne répondis rien. Il y avait une telle rage qui brûlait dans sa voix que cela atténua un peu la colère que je ressentais. La douleur qui me serrait les entrailles en ce moment même semblait résonner en la sienne.
— Et le Covent Ambré t'a aidé ? finis-je par demander. À quel prix ?
— Tu sais ce que c'est, répondit-il simplement. Ils en voulaient toujours plus. Ça fait des années que je suis dans le pétrin avec eux.
— Est-ce que tu savais ?
Samael releva la tête pour me regarder.
— Pardon ?
— Est-ce que tu savais, reformulais-je, qu'ils étaient derrière les meurtres de notre enquête ?
Il y eut un long silence. La question me glaçait le sang, car elle avait tant d'implication. Samael m'avait trahi, c'était un fait. Mais s'il savait depuis le début, alors peut-être avait-il même prémédité son coup.
— Oui, admit-il.
— Alors... Pourquoi travailler avec moi ?
— Tu sais pourquoi.
Ce fut mon tour de froncer les sourcils. Je laissai ma tête reposer contre le mur froid de la chambre, assise en tailleur sur le lit.
— Non, je ne sais pas, dis-je finalement d'un ton las. Parce que tu voulais me trahir depuis le début ? Tu savais déjà que j'étais une guérisseuse ?
Il inclina la tête.
— C'est plus complexe que cela.
Nouveau silence. Puis il prononça un seul et unique mot :
— L'incendie.
Je frissonnai, la peur dans mes entrailles se fit encore plus lancinante et un autre haut le coeur me menaça.
— Rappelle-toi, continua-t-il.
Me rappeler... De l'incendie ? Je savais qu'il ne faisait pas référence à celui survenu chez Kyros quelques jours plus tôt. Non, lui parlait de l'accident qui avait eu lieu cinq ans plutôt. Le jour où j'avais presque perdu la vie, et toute mon unité.
Je refusais de m'y replonger. Je ne pouvais pas supporter cela.
Samael dut lire cette pensée dans mon regard, car il secoua la tête visiblement déçu.
— Je reviendrai te voir dans quelques heures. Tu as besoin de dormir.
— Attends, l'interpellais-je tandis qu'il se dirigeait à nouveau vers la porte, tu n'as pas répondu à mes questions.
— Je n'en n'ai pas besoin, tu connais déjà la vérité. Tu refuses simplement de la voir.
Et sur ces mots, la porte sans poignée s'ouvrit. Il disparut, me laissant seule avec ma terreur et mon trouble.
VOUS LISEZ
Déchéance [Terminé]
ParanormalJade Slyrander est une jeune recrue de la police de New York. Quelques années après l'intervention qui a failli lui couter la vie, la jeune femme est chargée d'enquêter sur une série de disparition inquiétante, et pour se faire, doit infiltrer le ré...