Prologue

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Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir.

J'allais définitivement mourir.

Mon corps entier me hurlait de partir, tandis que mon cerveau peinait à assimiler les informations que je voyais. Comment tout avait pu dégénérer autant ? Nous avions fait une descente dans un bar de la ville, contrôlé par les mages. Et maintenant, je me retrouvais bloquée dans un incendie, aucune issue visible.

J'avais toujours cru que je partirai vieille, fatiguée, entourée des miens. À supposer, bien sûr, que j'étais parvenue à fonder une famille, ce qui n'était pas nécessairement évident. Peu importe, je ne pensais certainement pas mourir ainsi.

Je dérivais. La folie, l'angoisse et l'instinct de survie faisait battre mon coeur. Mon cerveau tournait aussi rapidement qu'il le pouvait à la recherche de... N'importe quoi. Une solution.

Je n'avais jamais été croyante, mais c'était peut-être le bon moment pour partir chercher une prière au plus profond de mes souvenirs. Ma mère était une fervente chrétienne, je devais bien pouvoir retrouver quelques uns de ses enseignements au fond de ma mémoire. Quitte à quitter ce monde, autant le faire en étant en bons termes avec Dieu.

Notre Père, qui est aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,

En un geste vain, je resserrais les doigts autour de mon arme. Cette dernière devenait brûlante à cause des vapeurs de chaleur qui s'échappait des flammes. Un nouveau cri de douleur m'échappa tandis que je m'efforçais de monter le long des escaliers de la boite de nuit. Ces derniers me paraissaient interminables, insurmontables. Seigneur, pourquoi étais-je l'une des seules à essayer de sortir ? 

La réponse m'apparut comme une évidence, ils étaient tous morts. Leurs corps gisaient sur le sol, au milieu du brasier insurmontable.

Ce soir nous venions faire une descente de police dans une des nombreuses boites de New York. On y suspectait un trafic de drogues, sans savoir que c'était pire que cela. À peine étions-nous arrivés que les gérants avaient faits évacués leur personnel avant de mettre le feu. C'était une méthode courante pour faire disparaitre les preuves, mais cette fois-ci j'étais coincée à l'intérieur.

que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

Une grosse quinte de toux coupa le fil de mes pensées tandis que j'atteignis enfin le second étage. Je savais que j'aurais dû me jeter sur le sol, et me couvrir de n'importe quels vêtements ou tissus que je trouvais pour me protéger de la fumée, en attendant les secours. Mais au fond de moi je savais qu'ils ne viendraient pas. Ou en tout cas, pas à temps.

La boite autrefois si belle, l'une des plus luxueuse de New York, s'enflammait désormais en des relents insatiable. Les canapés en velours brûlaient, le bar aussi. L'alcool sur le sol et dans les bouteilles relançaient la vivacité des flammes. 

Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses

J'essayais d'utiliser mes dernières forces pour prier. Ma mère, profondément croyante, aurait été fière de moi. Je secouai la tête pour chasser ces pensées tout en essayant de m'appuyer sur la rambarde pour continuer d'avancer. Un long cri de douleur m'échappa, cette dernière était brûlante. Une cloque se formait déjà sur ma paume.

Je levai les yeux, j'avais presque atteint mon objectif. 

Les bureaux de la boite. 

Ces derniers se cachaient derrière deux portes en bois sombre, dans un coin du second étage. Généralement cachés par des danseuses à la vue du public.

Peut-être que si je pouvais les atteindre, il y aurait une fenêtre. Quelque chose, n'importe quoi pour me permettre de sortir de là. À cette pensée, je lançai un regard désespéré aux flammes qui bloquaient l'entrée.

Où en étais-je ?

Oh oui, Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.

Puis ma réflexion fut coupée par quelque chose. Un bruit, un song. Des voix ? De l'autre côté, derrière ces si lourdes portes. Presque en m'écroulant je poussais l'une d'entre elles. Et dieu merci pour moi, elle s'ouvrit sous mon poids.

Mes bras ne tenaient plus mon corps. Je faiblissais, la fumée m'empêchait de respirer, l'oxygène me manquait. Je failli m'écrouler sur le sol brûlant. Je fronçai les sourcils à cette pensée, le sol n'était pas brûlant sous mes pieds calcinés.

Non, quelque chose était différent. Plus de douleur, plus de chaleur, plus de tremblements ni d'étouffement. Étais-je morte ?

Et ne nous laisse pas entrer en tentation
mais délivre-nous du Mal.

Les vapeurs de douleur qui bloquaient ma vue se dispersèrent. Je le devinai plus que je ne le vis, mais il me semblait y avoir trois hommes dans la pièce. L'un d'entre était assis sur quelque chose, une chaise peut-être ? Je fronçais les yeux, tout m'apparaissait si flou. Il me semblait qu'il était ligoté.

Les trois têtes se tournèrent vers moi.

L'odeur putride de la mort et du sang parvint à mes narines, remplaçant celle de la fumée. Comment cela était-il possible ? Je devais être en train d'halluciner. Si les hommes parlaient, je ne les entendais pas. Un sifflement sonore et assourdissant m'empêchait d'entre ou de discerner clairement ce qu'il se passait.

— Lâchez-le, dis-je d'une voix faible.

J'ignorai si les mots firent du sens, mais je me senti m'écrouler sur le sol. Incapable de comprendre ce qu'il se passait, ma chute parut durer des heures, je ne pouvais pas atteindre le sol, je ne sentais pas la résistance de l'air sur mon corps. J'étais comme bloquée dans le temps, en suspend, et mon cerveau fonctionnait rapidement, trop rapidement pour un cerveau obstrué par la fumée.

— Et merde, entendis-je.

Tout devint si flou, perdue dans les vapeurs de ma douleur. J'entendis un lourd craquement qui résonna comme un cri, semblable à des bruits d'os qui se brisaient. S'agissait-il des miens ? Pourtant aucune douleur, j'étais vidée.

J'étais morte.

Il me sembla que quelque part dans mes hallucination, un homme apparut dans mon champ de vision, une hallucination. Il ne pouvait pas en être autrement.

—Tu ne vas pas bruler vive, me dit-il.

Il inclina légèrement la tête. Les mots qu'il venait de prononcer sonnaient presque comme une promesse. Il se pencha encore un peu plus, et ses chemins mi-long formèrent un rideau autour de mon visage.

C'était terminé. 

Déchéance [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant