Je pouvais deviner le feu, semblable à une bête qui s'engouffrait dans la salle de réception. C'était trop tard, des mages s'affolaient autour de nous, cherchant à prendre la fuite aussi rapidement que possible. Je lançais un regard autour de moi, mais j'étais déjà incapable de voir ce qui m'entourait.
Car j'étais de retour là-bas. Cette nuit qui avait faillit me couter ma vie. Et le feu était là. Comme un animal, une énorme créature au pouvoir destructeur qui emportait tout sur son passage. J'allais mourir, une peur latente se réveilla en moi.
Cette fois-ci, c'était terminé. Je ne pourrais pas y échapper deux fois de suite.
Puis, soudainement j'étais chez moi.
À genou contre le parquet glacé de mon salon. Samael était là, couvert de suie et visiblement sous le choc. Il se tenait les épaules voûtées, juste à côté de mon foyer désormais éteint.
Désorientée, je me redressais pour essayer de comprendre ce qui s'était passé. Samael reprit plus rapidement ses esprits que moi et s'agenouilla pour prendre ma tête entre ses mains. Il détailla mes traits du visage pendant quelques minutes.
— Es-tu blessée ? me demanda-t-il.
— Non... Non... Je...
Je bégayais, incapable de former une suite de mot compréhensible. Paniqués, mes yeux continuaient de chercher des traces de fumée.
— On est chez moi, parvins-je finalement à articuler.
— J'ai ouvert un portail pour nous emmener ici, m'apprit-il. Je savais qu'on serait en sécurité.
Samael se laissa tomber sur les fesses, désormais assis en tailleur. Sans trop y réfléchir, il enleva le premier bouton de sa chemise et prit une profonde inspiration.
— Je suis désolé, finit-il par dire. Je pensais qu'on... Je ne pensais pas te mettre en danger. Sinon je ne t'aurai jamais emmené là-bas.
Il marqua une pause, tandis que je peinais à calmer ma respiration paniquée.
— Il y a eut une attaque. Demain je contacterai Kyros pour savoir ce qu'il s'est passé. Malheureusement ce genre de choses ne sont pas rare, surtout pas dans le monde de la nécro... Hey, est-ce que ça va ?
Samael posa une main sur mon épaule, il la serra doucement.
— On est sortis de là, tout va bien.
— Je sais, dis-je.
Je retenais tout juste les larmes qui menaçaient de me submerger. La panique, la peur étranglante, ne disparaissaient pas si aisément. J'avais beau me répéter que j'étais chez moi, rien n'y faisait.
J'avais l'impression de sentir la chaleur brûlante des flammes sur ma peau.
— Jade, est-ce que ça va ? Insista Samael.
— Je déteste les flammes, lui dis-je finalement.
Cette fois-ci, je ne pus les retenir. Les larmes se mirent à couler sur mes joues. Je pus lire la confusion de Samael sur son visage, il ne savait visiblement pas comment réagir.
— Qui ne les déteste pas ? me rétorqua-t-il avec un sourire rassurant. C'est chaud, ça crée de la suie, ça détruit tout sur son passage... À part le feu de bois, ça fait toujours de la bonne cuisine.
Sa tentative désespérée pour me faire sourire fonctionna.
— Tu as un terrible humour, lui dis-je.
— C'est vrai.
Nous restions dans le silence quelques minutes de plus. Éventuellement, les larmes se calmèrent. Et Samael posait sur moi un regard inquisiteur.
— Un incendie, il y a quelques années, expliquais-je. Toute mon unité est morte.
— Je suis désolé. J'ai failli perdre la vie dans un incendie également.
Cette remarque attisa ma curiosité, mais par respect je n'osai pas lui en demander plus. Pendant une fraction de seconde, son regard rencontra le mien. Et je pus lire qu'il me comprenait. Sincèrement, pas par simple politesse.
Il connaissait ma souffrance.
— Le Coven Ambré, hein ? finis-je par demander.
— Toujours l'esprit au travail, pas vrai ? C'est une qualité, mais c'est exténuant.
— Il y a plus de corps que je ne le pensais. Tout ça c'est... Tellement pire. Tellement grave.
— Je sais. Les mages sont des victimes aussi, mais comme tu le sais ils ne se tournent pas vers la police humaine.
Oui, et je comprenais pourquoi. J'étais fière de mon travail, mais pas du traitement que nous offrions au monde de l'ombre.
Heureusement, j'avais bon espoir que tout cela change.
— Le Covent Ambré est puissant, m'expliqua-t-il. Ils contrôlent tout la partie Est de la sous-ville.
La sous-ville était l'appellation que les mages donnaient à leur quartier.
— Ils sont dangereux ? demandais-je.
— Question naïve, rétorqua-t-il. Tous les couvents sont dangereux. Chez nous, c'est une guerre de pouvoir permanente.
— Qu'est-ce qu'on peut faire ?
Ma question était sincère, et profondément désemparée.
— Pour l'instant ? On peut boire.
Sur ces mots, Samael se mit debout et se dirigea dans ma cuisine. J'avais les jambes encore trop faibles pour me mettre debout.
— Whisky, me dit-il en revenant dans le salon la bouteille à la main.
— As-tu la tête à faire la fête ? lui demandais-je.
— Non, répondit-il en fouillant dans mes placards à la recherche de verres.
Il revint s'assoir, à nouveau par terre, et me sourit.
— Mais j'ai envie d'oublier tout ce qu'il s'est passé ce soir.
Samael se servit un verre qu'il but d'une traite, puis il en refit deux nouveaux. Cette fois-ci, il m'en tendit un.
— Et je suis sûr que toi aussi.
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Déchéance [Terminé]
ParanormalJade Slyrander est une jeune recrue de la police de New York. Quelques années après l'intervention qui a failli lui couter la vie, la jeune femme est chargée d'enquêter sur une série de disparition inquiétante, et pour se faire, doit infiltrer le ré...