Point de vue de Louise-Victoire
Je me préparai pour Fontainebleau. J'y allais encore cette après-midi en compagnie de Mère, Césarine, Sophie-Charlotte et Alexandre. C'était comme ça presque toutes les semaines ! Mais moi cela ne me dérangeait guère, car j'aimais beaucoup le château de Fontainebleau. Il était plus joli que notre demeure et le jardin était fort fleuri! Mère insistait pour que nous y allions, car d'après elle il était impératif pour nous de rencontrer des enfants de notre âge et de créer des liens pour commencer à se former un cercle d'amis. Mère disait souvent qu'il était important de s'entourer des bonnes personnes.
Je mis ma robe prune, celle avec la dentelle noire au bout des manches et les motifs de carreaux. Puis j'attendis sagement ma gouvernante qui vint s'occuper de mes cheveux. Souvent c'était Mère en personne qui s'en chargeait, mais aujourd'hui elle était très occupée. C'était la première fois à Fontainebleau pour ma plus jeune sœur, Césarine, qui avait tout juste cinq ans. Ce n'était encore qu'un bébé à mes yeux et j'étais certaine qu'elle allait rester dans les jupes de Mère tout du long. Au moins cela me permettrait de pouvoir échapper un peu au regard vigilant de Mère.
Il faut dire que Mère avait peur de tout, tout le temps. Elle craignait qu'il ne nous arrive quelque chose, alors elle ne nous quittait pas des yeux, ne nous laissait rien faire sans surveillance, et elle se faisait un sang d'encre dès que l'on disparaissait une minute. Et qu'est-ce que cela m'horripilait ! Je l'avais entendue, un jour qu'elle discutait avec ma sœur ainée, mentionner un de ses frère dont je n'avais jamais entendu parler. Quand j'avais demandé à Joséphine, celle-ci m'avait dit que Mère avait perdu un frère dans son enfance. Je crois que c'était pour cela qu'elle était toujours si inquiète pour nous.
J'entendis des pas dans l'escalier. Je pariai que c'était Flavie, la gentille gouvernante qui s'occupait de moi et de ma jumelle Sophie-Charlotte.
Elle coiffa mes cheveux et agrémenta son travail sophistiqué de perles. J'avais reçu ces épingles à cheveux ornées de perles pour mon dixième anniversaire, il y avait un mois. Elles étaient magnifiques dans ma chevelure sombre. J'avais les cheveux foncés et bouclés comme Mère et elle en était très fière, car toutes mes sœurs avaient les cheveux raides de Père. Quand je fus prête je m'admirai dans le miroir finement sculpté qui trônait sur ma coiffeuse. C'était tout bonnement ravissant, mon reflet me satisfit. Je posai sur ma tête le petit chapeau pour me protéger du soleil que me tendit Flavie. Il était orné de fausses fleurs, avec de longs rubans mauves pour l'attacher autour du menton.
J'époussetai le bas de ma robe, vérifiai si tout était correctement en place et descendis rejoindre mon frère Alexandre qui faisait des allers-retours dans le couloir, impatient de sortir. Nous fûmes bientôt rejoints par les autres, et Mère, très jolie comme d'habitude, dans une robe vert pâle, regarda autour d'elle en s'agitant, et elle se tournait si vite dans tous les sens qu'elle ne nous voyait point bien.
« Alexandre, mais où est donc Alexandre ! Oh le voilà. Césarine ma chère petite ! Voilà Sophie-Charlotte oh misère où avez-vous mis votre chapeau ? Et Louise-Victoire ?? Où est passée Louise-Victoire ??
- Je suis là, Mère, lui répondis-je en relevant le bord de mon chapeau.
- Oh dieu merci ! Tout le monde est là, mettons-nous en route sans attendre. »
Mais elle vérifia encore une fois nos tenues, nos coiffures, nos chaussures puis nous nous dépêchâmes en direction de la voiture. Je détestais plus que tout prendre la voiture, cela me rendait malade.
J'étais serrée sur la banquette entre Sophie-Charlotte et Alexandre. Sur l'autre banquette Mère tenait la main de Césarine, qui était déjà en train de jouer avec sa coiffure.
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Histoires Mêlées
Historical FictionDeux autrices. L'histoire se passe au XIXe siècle et mêlent les deux personnages principales. Suivez leurs péripéties au cours de ces années où elles connaîtront l'amour et d'autres sensations.