Chapitre VII

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Point de vue de Marie-Félicie

« Marie-Félicie?
- J'arriveeee!!! »

Je fis couler un peu de cire et plantai dessus le blason de notre famille pour cacheter la lettre. Je repoussai ma chaise et en descendis pour courir de ma chambre dans les escaliers, la lettre à la main.

Aujourd'hui, Mère s'était absentée pour aller en ville. Elle ne m'avait pas dit ce qu'elle allait faire, mais elle avait confié mes cours de la journée à Henriette. Aussi, en arrivant en bas de l'escalier, je la vis faire les gros yeux et je tentai un petit rictus gêné.

« Désolée~ »

Elle soupira et leva les yeux au ciel. Je pouffai.

« Si Mère me voyait faire ça, elle me ferait une remontrance..
- Heureusement que votre mère est absente alors. Puis-je savoir ce que vous tenez dans votre main?
- C'est une lettre pour ma très chère amie Louise-Victoire. Je prends de ses nouvelles. Elle s'est foulé la cheville quand nous avons couru ensemble.. Ô mon Dieu, elle était si triste de rester avec nos parents par la suite... »

Je m'évadai en partant dans mes songes et nous revîmes échangeant à ce sujet. Je voulais arrêter moi aussi pour me retrouver avec elle, mais elle a voulu que je continue avec Alexandre. D'ailleurs, au fil de la journée, j'avais appris à le connaître et ses rêves étaient plus qu'ambitieux, mais j'étais certaine qu'il les atteindrait car il était intelligent, fort et rusé. Je pouffai encore en me rappelant comment il m'avait dit de m'allonger derrière le buis pendant la partie de cache-cache.
Vous devez faire la morte Marie-Félicie! Et je l'avais pris aux mots, m'effondrant d'une manière théâtrale qui nous avait amenés à éclater de rire. Si bien que Césarine nous trouva facilement.

« Marie-Félicie, vous êtes dans la Lune!! » s'inquièta ma bonne.

Henriette me prit la lettre et s'empressa de la fourrer dans la poche avant de son tablier. Elle me saisit par la main comme une vulgaire poupée de chiffon et m'entraîna vers le petit salon où je m'installai pour commencer mes cours. Un éclair de génie me vint et je l'interpellai à nouveau.

« Henriette? Si je finis vite, vous pensez que je pourrai aller demander à notre cuisinier de m'apprendre la recette des petits sablés? J'aimerais bien en préparer quelques uns pour la famille de Cléry. Ainsi, vous les joindrez à ma lettre pour Louise-Victoire, comme un présent de remerciement pour être venus au manoir.
- C'est une excellente idée Mademoiselle! Allez, terminez vite vos leçons pendant que je vais demander à Georges s'il a le temps de vous apprendre.. »

Elle me couva d'un regard bienveillant. J'exultai en lâchant un cri de joie et Henriette me fit taire en me montrant la somme de travail qu'il me reste à faire. Elle me quitta avec un petit sourire aux lèvres.

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Aujourd'hui, je me préparai avec hâte pour aller retrouver Louise-Victoire et ses frère et sœurs à Fontainebleau. J'espérais aussi y voir Éléonore de Manville . Nous nous étions bien amusés la dernière fois. À présent, je savais désormais comment me vêtir pour pouvoir profiter avant tout de mes nouvelles connaissances sans craindre de tacher mes précieuses robes.

Ma bonne s'affaira donc à m'habiller d'une grande jupe à la coupe et au tissu fluide dans les tons crème qui me permettra de courir vite. Elle ceintura ma taille fine par deux lanières de cuir, anciennement un licol pour nos chevaux qu'elle avait transformé sur mes conseils.

« Vous êtes certaine que votre mère ne dira rien? M'interroge-t-elle, dubitative.
- Certaine! C'est mon choix et c'est moi qui participe à cet après-midi récréatif.

Je frappai dans mes mains plusieurs fois, le sourire aux lèvres.

- Je suis tellement heureuse de retrouver ma chère Louise-Victoire!
- J'espère que vous allez bien vous amuser Mademoiselle..
- Je l'espère aussi. »

Je lâchai un soupir de bien-être car je me sentais mieux dans ses habits. Je boutonnai mes petites bottines de cuir et j'allai m'installer à ma coiffeuse. Là, Henriette me coiffa et me releva les cheveux en un chignon qu'elle attacha avec plusieurs épingles. Elle me dit que j'avais les cheveux fins et qu'elle ne savait pas si ma coiffure tiendrait toute la journée, vu mon espièglerie. Je pouffai derrière ma main. J'aimais énormément ma bonne car depuis dix ans qu'elle s'occupait de moi, elle avait appris à me cerner et contrairement à Mère, elle était bien plus attentive à mes besoins.

Arrivées au château de Fontainebleau, je sautai du carrosse, sous les remontrances de Mère et j'allai à la rencontre de Louise-Victoire. Je l'avais entraperçue par la fenêtre car sa grande voiture venait d'arriver. On était tellement heureuses de se retrouver que l'on se prit les mains et qu'on se les serra très fort. J'avais les yeux qui brillaient d'excitation car je ne pus m'empêcher de montrer ma joie de la revoir.

« Ô ma tendre amie~ Que je suis heureuse de te revoir~ Comment te portes-tu? »

Elle me répondit que sa cheville était complètement guérie grâce aux bons soins de son docteur et au repos largement conseillé par ses parents.

« J'en suis plus que ravie ma chère! Viens, allons rejoindre les autres et amusons-nous~ »

Je crochetai le bras de mon amie et nous nous mimes à courir pour rejoindre les autres demoiselles présentes à cet après-midi récréatif. Louise-Victoire me félicita d'avoir choisi, cette fois-ci, une tenue plus confortable.

Les garçons avaient décidé de faire un colin-maillard. Entre eux. Pourtant, quelque chose me poussait pour que l'on y participe. Je m'excusai auprès de mes amies et courus voir Alexandre. Lorsque j'arrivai, ils étaient prêts à commencer le jeu et c'était justement lui qui s'apprêtait à se cacher les yeux d'un bandeau de velours.

J'étais si essoufflée quand je me présentai devant lui qu'il me fallut un temps avant de reprendre mon souffle. Ma main sur le cœur et les joues légèrement rosies, je saisis ma robe et fis une petite révérence.

« Ex-Excusez-moi Alexandre, mais...est-ce-que vous...vous accepteriez que nous nous joignions à vous? Je sais que ce jeu se joue avec un bandeau sur les yeux et que vous devez connaître tous les gens qui jouent avec vous, mais accepteriez-vous ? »

J'osai enfin le regarder, mon souffle s'étant atténué. Il paraissait gêné et se grattait l'arrière de la tête en détournant le regard. Il serra le bandeau qu'il avait dans son autre main. Puis là, il m'expliquait qu'il préférait jouer entre garçons car il ne se voyait pas poser les mains sur le visage d'une demoiselle. Il insistait sur le fait que ce n'était pas correct et jeta un coup d'œil aux adultes qui discutaient entre eux.

Je souris grandement et je montai mes doigts fins et de couleur albâtre à son visage pour le faire me regarder. Je lui apportai ma réponse posément, mes grand yeux bleus plongés dans les siens, marrons.

« Je ne sais pas pour les autres demoiselles car seule j'ai eu cette idée là, mais je ne serais pas gênée que vous découvriez mon visage du bout de vos doigts.. »

Histoires MêléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant