Histoires Mêlées

Chapitre XVII

Je n'avais pensé qu'à Alexandre depuis mon premier bal et voilà que Mère était intervenue pour me demander si je n'avais pas un de mes prétendants qui me plaisait. Ô quelle joie j'allais me faire de lui conter comment je voudrais encore et encore danser dans ses bras rassurants. Malheureusement, quand je prononçai son nom, son visage se tordit en une grimace affreuse.

« Marie-Félicie mais vous n'y pensez pas? Je ne vais en aucun cas lui permettre de vous faire la cour! Il est beaucoup trop jeune et n'a aucune situation! En plus, son père ne le permettra pas puisqu'il espère le marier à la fin de ses études à l'Académie. Avant qu'il ne prenne la mer et parte dans les colonies afri.. Marie-Félicie, où allez-vous? »

Je n'attendis pas qu'elle prononce l'entièreté de sa phrase que je lâchai ma broderie et courus à l'étage. Je m'effondrai sur mon lit et je serrai mon oreiller de plumes le plus fort que je pus. Des larmes silencieuses prirent place sur mes joues, pendant que j'appelais Louise-Victoire à la rescousse. Je me devais de lui en parler. Certes, je ne pouvais m'opposer aux dires de Mère, mais peut-être que ma meilleure amie et sœur de l'homme qui faisait battre mon cœur pourrait encore une fois organiser un rendez-vous caché?

Après m'être calmée, je me levai et pris place à mon secrétaire. Je cueillis mon outil d'écriture et ouvris mon encrier. J'y trempai ma plume et commençai à étaler l'encre noire sur le papier.

Ma chère et tendre amie,

Aujourd'hui, Mère a brisé mon rêve. Elle voulait que je lui dise quel prétendant du bal m'avait plu. Et bien sûr, je me suis empressée de lui faire des éloges sur ton frère. Quelle ne fut pas ma déception! Mère m'a dit qu'elle ne lui permettrait pas de me faire la cour.. Qu'il était trop jeune, encore en études et n'avait pas encore de fortune.. Je me suis enfuie dans ma chambre quand elle a parlé de ton père. Ton père qui s'est entretenu avec elle à Vaux-le-Vicomte, quand elle a failli tourner de l'œil.
D'ailleurs, sais-tu que j'ai passé le dîner aux côtés de ta mère?

Dans mon cocon, je me suis laissée aller. Ô ma tendre Louise-Victoire, j'aurai tellement voulu que tu sois là pour que je pleure dans tes bras..

S'il te plaît, garde ce message pour toi. N'informe pas ton frère! Au contraire, si tu pouvais organiser un rendez-vous secret entre nous.. J'aimerais tant le revoir! Le revoir une dernière fois... avant de me ranger aux prétendants que ma mère aura choisie pour moi.

Alexandre m'avait dit qu'il m'emmènerait faire une balade en barque. Est-ce-que tu penses que ce serait possible? J'aimerais tellement que tu lui en parles.. Ensuite, je me chargerai de parlementer avec lui.

Merci infiniment pour tout ma chère Louise-Victoire.
Je voudrais te serrer dans mes bras pour te transmettre toute mon affection.

Avec toute mon amitié sincère,

Marie-Félicie de Maupertuis

Ma lettre cachetée et donnée à Henriette, je redescendis souper.

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Ce matin, alors que j'étais en pleine leçon de chant, Henriette vint me trouver pour me dire qu'une lettre était arrivée pour moi. Je la remerciai et terminai ma leçon de chant.
J'aimais beaucoup chanter. Mère appréciait le son haut perché de ma voix. Ma voix s'envolait et je pouvais atteindre des octaves assez élevées. J'aimais les chants religieux. Les Gloria et les Alléluia. Les partitions étaient pleines de croches noires et de clés de fa. Je bénissais les compositeurs d'avoir noircis ces feuilles car il me plaisait de les faire vivre.
Je préférais user de mes cordes vocales, plutôt que de faire jouer mes doigts sur la harpe qui trônait dans le salon vert. Celle-ci était haute et les cordes étaient dures à pincer. J'avais moins de mal avec le clavecin. J'aimais beaucoup le son de ce petit piano. Louise-Victoire, elle, jouait très bien du pianoforte. Elle était très douée et je ne l'avais entendu qu'une seule fois, mais je savais qu'elle pourrait devenir artiste et faire la tournée des châteaux si on lui donnait la permission.