Point de vue d'Alexandre
Dans mon école, les meilleurs élèves, dont je faisais partie, étaient récompensés. Ainsi nous avions plus de congés et de visites de la famille. Le dernier point ne me concernait guère car ma famille habitait loin, dans la campagne, et n'avait pas l'occasion de venir me voir. Père le pouvait : il venait en ville régulièrement, seulement il ne le faisait pas, mais cela ne m'étonnait guère car il n'y avait jamais eu de réel lien père-fils entre nous. Nous n'étions pas assez proches pour qu'il vienne me rendre visite, et de toute façon, je ne voyais pas ce qu'il aurait pu me dire. Les seuls sujets qu'il abordait avec moi étaient de l'ordre des devoirs que je devais accomplir du fait de mon sexe et de ma naissance, du comportement que je devais avoir, et le sujet de mon futur était toujours entremêlé avec le sujet de ses affaires.
J'aimais bien cet endroit, quoiqu'un peu trop austère et strict à mon goût, un peu trop vide et trop sombre, dénudé de la chaleur d'un foyer familial comme dans lequel j'avais grandi. Ici on devait le silence et l'obéissance, la rigueur et la discipline. C'était vrai, ma vie d'avant me manquait parfois. Mes sœurs, mes parents, le manoir, la campagne, les jeux, les rires. Mais je savais qu'à mon âge ces choses n'étaient plus essentielles. Je devais me concentrer sur mes études qui fort heureusement me plaisaient beaucoup. Autant j'éprouvais une certaine aversion à l'égard du lieu et de l'ambiance de l'école, autant j'appréciais les cours et tout ce que j'y apprenais, ainsi que les entraînements. Je frémissais de hâte en pensant à mon futur qui je voyais à présent éclairé d'une lumière.
Je ne serais bientôt plus seulement le fils de mes parents mais un jeune homme avec une vie à moi, avec ma carrière à moi, avec une certaine liberté dont je pensais tous les jeunes hommes rêvaient à un moment. Et voir ces rêves devenir réalité, voir nos rêves d'enfant et les histoires qu'on nous avait contés devenir possibles était un des sentiments les plus agréables que je n'avais jamais connu.
Père m'avait aidé à enter dans cette école car il pensait que c'était un caprice qui n'irait pas plus loin. Que je finirais mon école et que je viendrais ensuite faire affaire avec lui. Il m'avait dit que de toute manière ce que j'apprenais dans cette académie me serait utile pour bien d'autres choses que pour l'armée. Mais moi je souhaitais faire carrière dans l'armée. Mon rêve enfantin était d'être capitaine d'un bateau. Mais j'hésitais à m'orienter plutôt dans l'armée de terre. Je craignais avoir du mal à être en mer pendant des mois sans voir mes proches... et je craignais de devenir fou à rester autant longtemps en mer. J'avais un ami, Charles d'Isenay, qui entrevoyait d'entrer dans l'armée navale, il essayait de me convaincre d'y aller aussi mais j'hésitais encore sur le choix à faire.
J'avais de bons camarades ici, alors je ne me sentais point seul. Nous discutions de ce que nous apprenions, des carrières auxquelles nous aspirions, ainsi que tous ces sujets qui animaient les jeunes étudiants. Avec les amis les plus proches nous évoquions nos enfances chez nous, nos familles et ce genre de choses. Certains se vantaient de leurs amourettes avec des jeunes filles dans leur campagne natale.
Nous venions pour beaucoup de la campagne, ayant grandis dans des manoirs et châteaux. Les autres venaient de familles habitants à la ville dans des résidences plus étroites, ceux-ci étaient les fils des familles de hauts placés dont la présence à la ville était une nécessité. La plus grande partie des familles nobles comme la mienne préférait vivre dans une propriété au calme dans la campagne, avec des terrains plus grands, car la ville avait des désavantages : elle était plus serrée, plus sale, plus bruyante. C'était très différent de ce que j'avais vécu jusqu'alors, et ce fut dur de m'y accoutumer au début, mais maintenant j'avais de la sympathie pour la ville. Le bruit m'y était devenu rassurant en un sens de par l'habitude que j'avais à l'entendre, et les foules de gens m'étaient presque attachantes. Toute cette effervescence donnait un côté attractif à la ville que la campagne n'avait pas.
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Histoires Mêlées
Historical FictionDeux autrices. L'histoire se passe au XIXe siècle et mêlent les deux personnages principales. Suivez leurs péripéties au cours de ces années où elles connaîtront l'amour et d'autres sensations.