Chapitre XXVII

4 0 0
                                    

Point de vue de Marie-Félicie

Le lendemain de ce rendez-vous à quatre, je faisais les cent pas dans ma chambre. J'avais bien sûr très mal dormi, pleurant sur mon sort si jamais je ne revoyais pas Alexandre.
J'avais lu dans ses yeux de la déception, de la tristesse, mais surtout de l'incompréhension. Et je m'en voulais. Horriblement.
Quelle idée j'avais eu de l'inviter alors que mon prétendant était là? Certes, Louis en connaissait beaucoup plus sur moi désormais, mais j'avais bel et bien détruit mon amoureux en m'affichant au bras du Capitaine de la Garde à cheval. Je n'avisais pas non plus si Louise-Victoire avait consolé son frère et si elle en avait même été capable. De part la perte de mon père, je ne connaissais pas les sentiments que pouvait éprouver un homme blessé dans son amour-propre. Je pouvais en estimer la douleur, seulement je ne la quantifiais pas à sa juste mesure.

Je me rongeais les sangs puisque mon prétendant avait été le dernier à partir du manoir. Après avoir remercié ma mère pour cette magnifique journée, il m'avait dit, les yeux brillants d'émotion, qu'il allait m'inviter à rencontrer sa famille prochainement.
Tout cela allait beaucoup trop vite pour moi et je me devais de réagir. Ainsi, je m'assis sur ma chaise, face à mon secrétaire, et en sortis de quoi écrire. Je rédigeai un courrier pour Monsieur Morel d'Arleux en priant qu'il ne se précipite pas car je me devais de lui parler avant toute chose. En effet, j'inscrivis dedans quelques conditions que je souhaitais qu'il applique si nous devions aller plus loin. Entre autre, je lui demandais de voir quand bon me chante ma tendre amie Louise-Victoire. Je savais que j'avais encore besoin de ses précieux conseils. Enfin, je gravai le papier de ma plume quelques mots qui, je l'espérais, lui apporteraient un brin de curiosité. Je voulais mettre au clair notre future relation en étant on ne peut plus sincère avec lui.

Par la suite, j'écrivis un courrier pour Louise-Victoire dans lequel je la suppliai de me donner des nouvelles de son frère. Je ne souhaitais pas prendre contact avec lui car je savais qu'il avait été blessé. Seulement, j'espérais au plus haut point qu'il ne doutât pas de mon amour qui était profond et grandissant au vu des sacrifices que je m'apprêtais à faire.

J'en informai la brune. Ma confidente. Je la mis au courant de ma future révélation envers Monsieur Morel d'Arleux. Je la priai de ne rien dire à son frère car tout dépendrait de sa réponse, mais j'espérais qu'il m'aimât assez pour me répondre positivement.

Les deux lettres partirent le même jour et je reçu une réponse de mon prétendant le lendemain. Il souhaitait que l'on s'entretienne sur Paris. Au cours d'une délicieuse promenade. Ses propres mots. J'avais une boule dans la gorge tandis que je relisais cette phrase.
Pour ma part, je m'apprêtais à ouvrir mon cœur et peut-être être rejetée par le seul prétendant qui convenait à Mère et à ma personne. Le seul prétendant qui m'appréciait autant pour mon caractère que pour ma beauté. Le seul prétendant légèrement timide en ma présence, qui croyait en Dieu plus que quiconque. Le seul prétendant qui avait un statut convenable et qui aurait plus à Père, tellement il vénérait son parcours.

Quand je me retrouvai sur notre belle capitale en ce début mars de l'an 1835, Mère était toute guillerette car elle espérait secrètement la mise en mots de nos futures fiançailles. Or, ce que je m'apprêtais à révéler à mon prétendant l'éloignerait certainement de moi et je me retrouverais de nouveau seule, à la merci de ma mère.

Je m'étais habillée dans une jolie robe blanche et j'avais coiffé mes cheveux en un chignon où Henriette avait torsadé mes boucles en trois tours qu'elle avait fixé avec des épingles, avant de mettre mon chapeau.
J'errais dans le parc où Monsieur Morel d'Arleux m'attendait. Je réfléchissais à ne pas m'embrouiller car je souhaitais avant tout ne pas le froisser quant à son opinion vis-à-vis de ma personne. Je m'adossai à un arbre et je soupirai lassement. Qu'est-ce que j'allais faire? Ce n'était peut-être pas la bonne solution, mais je me devais d'être sincère avec l'homme qui m'adulait.
Lorsqu'il arriva, Louis me surprit en m'effleurant la joue de son gant. Je sursautai légèrement. Après de légères salutations, il s'excusa d'être arrivé par derrière et me tendit son bras que je pris. Nous marchâmes lentement. Je baissai la tête, réfléchissant à mon propos. Je ne voulais pas le blesser, bien que j'éprouvais pour lui une grande sympathie ainsi que de l'admiration quant à sa foi.

" Vous avez l'air ailleurs Mademoiselle..
- Excusez-moi... Je...je vais me reprendre.
- Êtes-vous préoccupée quand à ce que vous souhaitez m'annoncer?
- Je.. Oui. Je suis partagée car je sais que mes mots peuvent vous blesser au plus haut point...
- Mademoiselle de Maupertuis, je pourrais tout entendre de vous. Je sais que vous êtes érudite et que vos mots sont profonds. Je me doute que votre propos vous préoccupe, mais sachez avant tout que je souhaite votre bonheur. "

Je stoppai mes pas et relevai mon regard. Je regardai ce bel homme à la chevelure ébène au plus profond de ses yeux.

" Vraiment? C'est avant tout ce que vous souhaitez pour moi?
- Oui. Votre bonheur m'importe plus que quiconque. Je...je voulais vous proposer une date car... Ô Marie-Félicie...je souhaite de tout mon cœur vous prendre en fiançailles. "

Il m'avait pris les mains pendant qu'il me déclamait sa proposition. Je me mordis la lèvre, tandis qu'une larme m'échappa.

" Je souhaiterai tellement vous dire que j'accepte seulement...seulement...
- Seulement?
- Seulement si vous faites une croix sur ma virginité... "

Monsieur Morel d'Arleux écarquilla les yeux et me lâcha les mains. Il resta coi face à ce que je venais de lui dire.

" Vous...vous...
- Je vous en prie... Je ne veux pas me répéter. C'est trop dur et ça me terrifie de connaître votre réponse. "

Il baissa la tête en serrant ses poings et en murmurant.

" Vous l'aimez plus que moi alors.."

Ce fut à mon tour d'être surprise. 

- J'avais bien vu comment vous le regardiez...
- Louis... Je... 

Il releva le regard.
- Vous l'aimez? Vous aimez ce jeune homme qui est votre ami d'enfance? 

Un silence, puis je prononçai ce mot qui l'achevait.
- Oui. "
J'enchaînai de peur de n'être pas complètement comprise." Après notre seule nuit ensemble, je vous appartiendrai. Je tairai mes sentiments pour lui et apprendrai à vous aimer...si...si vous acceptez cette seule requête... "

Il continua de me fixer inlassablement, tentant de percevoir comment je me sentais. Je me sentais mise à nue. Lui avouer que j'en aimais un autre était une chose. Cependant, je lui retirais le droit de me déflorer si un jour nous partagerions notre nuit de noces. J'avais choisi pour lui. Lui qui ne cessait de me courtiser si simplement. Certes, je l'avais choisi pour le futur qu'il m'avait laissé entrevoir lors de notre premier rendez-vous. Malencontreusement, mes doigts se tordaient sous l'intensité douloureuse de son regard, tandis que j'imaginais que jamais il ne me réponde.

" Vous n'exigez que cela? Juste cela? Ensuite, vous me promettez de ne plus avoir aucun contact physique avec cet homme?
- C'est cela. De toute manière, il souhaite s'engager et prendre la mer, alors vous sav...
- D'accord.
- Comment?
- Je suis d'accord. Mais faites au plus vite car je m'en vais de ce pas lui faire intégrer une compagnie qui part pour nos colonies.
- Louis...
- Au revoir Mademoiselle. Je vous enverrai un courrier pour vous annoncer nos fiançailles, mais sachez que je souhaite attendre votre dix-septième anniversaire. "

Il me tourna le dos et remit son shako qu'il avait posé sur le banc le plus proche. J'enlevai mon chapeau et m'effondrai contre l'arbre qui recueillit mes perles salées.

Une fois rentrée au manoir, je m'empressai d'envoyer un autre courrier à Louise-Victoire. Je ne savais comment aborder la chose avec son frère. Je tâchai le papier de mes larmes, réalisant désormais le poids que cela allait peser sur moi. Sur Alexandre. Et aussi sur Louis avant tout. Peut-être allait-il le regretter? Peut-être qu'Alexandre ne m'imaginait pas faire ce sacrifice? Seulement je le faisais pour moi, pour mon amour pour lui, pour lui offrir ce que j'avais de plus cher au monde, car partager une seule nuit entre ses bras me permettrait de connaître ce qu'est le véritable amour.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Oct 06 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Histoires MêléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant