Point de vue de Marie-Félicie
1827. Après la mort de père, il y a cinq ans, Mère a porté le deuil pendant deux ans. Père -Jean-Baptiste de Maupertuis- était colonel d'infanterie dans les troupes de Napoléon I. Ce qui a assuré une bonne rente pour Mère, Catherine de Maupertuis. Désormais, elle s'était mise en tête de me marier à un riche aristocrate. Elle me répétait qu'elle devait m'éduquer à la perfection et que je devais suivre mon rang. Celui d'une jeune fille unique de haute bourgeoisie.
La porte claqua et je ressentis la vibration jusque dans ma colonne vertébrale. Je soupirai et commençai à me parler toute seule.
« Mademoiselle vous devriez mieux vous tenir! Mademoiselle il faut lever le petit doigt! Mademoiselle faites attention à ne pas vous tâcher! »
Et quand le gâteau avait atterrit sur ma jolie robe blanche, un soufflet de Mère s'était abattu sur ma joue potelée. J'avais quitté la table de suite et avais grimpé l'escalier du plus vite que j'avais pu. C'est alors que je m'étais réfugiée ici. Ma chambre était mon antre. J'avais beau avoir que neuf ans, je n'aimais pas suivre les règles qu'on tentait de m'imposer.
« Marie-Félicie?
- Je ne suis là pour personne! Me mis-je à crier.Déjà que je n'aimais pas mon prénom, ce n'était pas pour l'entendre une énième fois.
- Marie-Félicie ouvrez votre porte tout de suite! C'est un ordre!
Je soufflai et je tapai du pied. Mes petits poings se serrèrent.
- Oui Mère..
J'avançai vers la porte et je l'ouvris en baissant les yeux face à elle.
- J'attends quelque chose, allons!
- Je..je suis désolée Mère..
- Redescendez tout de suite terminer votre leçon avec Henriette. Notre gouvernante n'est pas payée pour supporter vos caprices comme je le fais depuis cinq ans!Mes yeux se portèrent sur ses doigts qui se crispaient quand elle évoquait la période où Père était toujours avec nous. Je mordis ma lèvre nerveusement et joignis mes mains derrière mon dos. Je me forçai à respecter ses dires.
- J'y retourne Mère.
- Bien. Je serai dans le petit salon. Veuillez m'y rejoindre quand vous aurez terminé votre leçon.Je relevai la tête et j'allai pour descendre mais Mère me surpris en posant une main dans mes boucles d'or.
- Marie-Félicie.. Si vous saviez ce que j'espère pour votre vie future. Je prie chaque soir pour qu'il vous arrive le meilleur. Veuillez ne pas me décevoir.
- Je..je ferai mon possible Mère.. » Répondis-je sans rien montrer. Puis je descendis le grand escalier pour aller retrouver la gouvernante.Après ma leçon de maintien, je rejoignis Mère dans le petit salon où elle me fit travailler l'écriture et l'arithmétique pendant très longtemps. Deux tours de la petite aiguille sur la pendule que Père avait ramenée, un jour de pluie.
Enfin, je pus m'éclipser et sortis dehors après avoir enfilé ma cape. Je courus jusqu'à l'écurie.~~~~~~~
Je l'avais cherché partout et pourtant, il m'avait semblé entrapercevoir un chaton il y a deux jours. Mais voilà, maintenant j'étais toute crottée. Henriette arriva vers moi et ses yeux s'agrandirent comme deux grosses cerises.
« Mademoiselle!! Où êtes-vous donc allée pour vous salir comme ça?
- Dans l'écurie...mais s'il vous plaît, ne dites rien à Mère!Je joignis mes mains en prière et sur mon visage s'étala une moue triste. Notre gouvernante leva les yeux au ciel, tout en mettant ses poings sur ses hanches.
- Suivez-moi jusqu'au cabinet de toilette que je vous débarbouille. »
~~~~~~~
Arriva l'heure du souper. Je redescendis le grand escalier et rejoignis ma mère dans la salle à manger. Un domestique qui nous servait les plats me tira ma chaise. Et je le remerciai.
« Marie-Félicie!! Cessez d'être aussi familière avec notre personnel de maison.
- Mais il faut bien que quelqu'un les remercie pour leur travail.
- Ils sont remerciés chaque fins de mois par leur maigre salaire. Mangez maintenant! »Je regardai cette femme aigrie. Brune avec de jolies boucles complètement cachées dans un chignon strict. De nombreux prétendants s'étaient massés en bordure des grilles du manoir, notre résidence. Jamais elle n'avait daigné en recevoir un. Par amour pour son mari décédé, elle s'était jurée en elle-même qu'elle ferait tout pour que moi, son unique amour, trouve un bon parti.
Heureusement que je laissais traîner mes oreilles indiscrètes auprès de notre lingère. Elle adorait s'occuper de répandre des commérages parmi notre personnel de maison.Droite, faisant preuve des manières qu'on lui avait enseignées étant enfant, elle mangeait sa viande et les légumes bouillis que nous avait préparé notre cuisinier. Quand elle eut fini son repas, et alors que je n'avais même pas fini mon assiette, des mots sortirent de sa bouche.
« J'ai réservé pour vous une après-midi au château de Fontainebleau.
- Comment?
- Ne faites pas l'enfant et cessez vos caprices! C'est un endroit où de nombreuses familles se retrouvent pour faire en sorte que leurs enfants se rencontrent. Vous jouerez au croquet avec eux et participerez au goûter. Je verrai de loin si vous savez vous tenir !Ma fourchette tomba dans mon assiette et des larmes montèrent à mes yeux.
- Je.. Mère.. Je vous en prie!
- Pas de caprice Marie-Félicie.. Elle s'essuya la commissure des lèvres avec sa serviette.
- Pourrais-je au moins décider de ma coiffure si vous décidez de la robe que je porterai?
- Entendu. »Je replongeai mes yeux vers mon plat et je passai le revers de ma main dessus. Si c'était comme ça que se déroulerait la suite de ma vie, je pensais avoir raison de demander quelques privilèges.
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Henriette arrangea ma coiffure. Elle glissa la dernière pièce qui sublima ma coiffure relevée. Un simple couronne de quelques mini-roses blanches. Je trouvai que mes yeux bleus étaient mis en valeur de la sorte. Et cela allait très bien avec la robe en brocart bleu et or choisie par Mère.
« Marie-Félicie de Maupertuis! Nous allons être en retard! Hâtez-vous donc! Je commence à m'impa.. »
Mère fut sous le choc quand elle me vit apparaître sur le perron du manoir. Mains croisées sur ma bourse. Toute apprêtée comme elle le voulait, avec ma touche personnelle.
Elle ouvrit son éventail et s'éventa, de peur de tomber dans les pommes. Le cocher ouvrit la porte et lui tendit la main. Je montai derrière elle et pris place sur le siège d'en face. Je triturai ma bourse, mes doigts pris dans des gants en dentelle fine. Mère toussota et lâcha.« Vous êtes ravissante Marie-Félicie ~ »
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Histoires Mêlées
Narrativa StoricaDeux autrices. L'histoire se passe au XIXe siècle et mêlent les deux personnages principales. Suivez leurs péripéties au cours de ces années où elles connaîtront l'amour et d'autres sensations.