Chapitre XIII. Deuxième partie

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Point de vue de Marie-Félicie

Aussitôt assise dans la calèche, j'avais pris les douces mains de ma chère amie et je lui avais conté combien je m'étais amusé auprès de son frère aîné. Combien il avait été charmant et galant, allant jusqu'à me tendre son bras pour que je m'y accroche.

« Ô ma tendre Louise-Victoire... Tu aurais vu comment la ville est belle et grande ! J'ai vu des édifices que j'avais seulement découvert dans les livres ! L'hôtel de ville avec son beffroi immense ou la cathédrale à l'architecture néo-gothique. Nous avons traverser un fleuve où votre frère m'a dit que plus au sud, ses rives sont propices aux pique-niques. Oh et nous avons fait un tour en calèche lorsque nous mangions. Il m'a payé un cornet de marrons grillés. »

Je ris doucement.

« Il m'a même proposé de nous revoir lors d'une future promenade en barque ! Ô Louise-Victoire, j'ai tellement hâte ! »

Mes yeux brillaient intensément tant j'étais perdue dans mes pensées. Je ne fis pas attention au sourire de ma confidente qui se fanait. Je la serrai juste dans mes bras en lui soufflant que c'était la plus belle journée de ma courte vie. Lorsque je m'écartai d'elle, je fouillai dans mon sac et sortis l'écrin de velours que le fils de Cléry m'avait offert. Je lui montrai le bijou et lui expliquai que je le gardais pour mon premier bal. Je caressai les trois perles rouges et soupirai. J'avais dans la tête son visage et l'aplomb qu'il avait arboré en m'offrant ce bijou. Il l'avait choisi avant. Pour moi. Rien que pour moi. Mes lèvres s'étirèrent et les battements de mon cœur accélérèrent.

Louise-Victoire me prit la main et entremêla ses doigts en me rassurant sur l'intérêt que me portait son frère. Elle me rassura aussi en me confiant que je serai la plus jolie des débutantes. Je lui demandai expressément d'être là elle aussi. Je lui dis que j'avais prié aussi Alexandre, mais son aide et sa bienveillance me seraient nécessaires de surcroît. Elle hocha la tête en me faisant le plus joli des sourires. Ravie, j'embrassai sa joue rebondie par l'étirement de ses lèvres et posai ma tête sur son épaule en soupirant.

« Si vous êtes tous les deux à mes côtés, je sentirai moins l'influence et le poids de Mère sur mes épaules. Vous êtes bénis des dieux et chaque jour, lors de mes prières, je remercie le Ciel de vous avoir mis sur mon chemin.. »

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J'étais retourné dans la boutique du tailleur et j'étais bouleversée par son travail sur ma robe. Le vieux monsieur au monocle avait fait travailler ses couturières qui me livraient là une splendide robe de bal. J'allais certainement être regardée de tous côtés. La présence d'Alexandre et de Louise-Victoire de Cléry me rassurait amplement.

En cette venteuse soirée, je me préparai avec ma bonne. J'enfilai mes bas de soie blanche et je les fixai à l'aide d'une jarretière. Je mis mes petits talons richement décorés. Henriette me passa mon corset et s'assura de ne pas trop le serrer. Elle m'ajusta le jupon fait de trois cerceaux. Puis, je me vêtis de ma robe de bal en organza. Elle était blanche et respirait la pureté. Les manches soyeuses étaient longues et transparentes. Elles étaient brodées de dentelle aux extrémités. De la dentelle de Calais m'avait assuré le tailleur. La ceinture serrait ma taille juste parfaitement. Le décolleté était juste au-dessus de ma poitrine et j'avais les épaules dénudées.

J'allai vers la table de ma coiffeuse et fis attention en m'asseyant. Là, je passai le bijou que m'avait offert Alexandre de Cléry. Je le nouai à mon poignet et l'agitai, faisant s'entrechoquer les deux petits grenats. Je souris en me rappelant le moment où je l'avais découvert.

Henriette s'occupa de ma coiffure. Elle me fit deux chignons hauts avec une partie de mes cheveux. Entre, elle mit de jolies fleurs, présentes dans un petit vase. Elle coiffa le reste de mes cheveux assez sobrement et laissa quelques anglaises de chaque côté de mon visage. Enfin, je soignai ma peau avec un linge imbibé d'eau que j'essuyai à la suite. Je posai un léger rouge sur mes lèvres et me parfumai. Je souris à ma bonne dans le reflet du miroir et lui demandai comment je me rendrai au bal.

« Votre Mère a fait demander au cocher de sortir le fiacre. C'est la voiture parfaite pour protéger votre robe et votre coiffure, Mademoiselle.

- Parfait ! »

J'attrapai un petit pochon dans lequel j'avais rangé mon mouchoir de soie. Je me saisis de mon éventail et de mes gants blancs. Enfin, je couvris mes épaules d'un châle en coton. Je pris une bonne respiration, ayant entendu Mère me héler dans l'escalier. Je tournai la poignée de ma porte et je jetai un dernier regard à Henriette. Un dernier sourire. J'avais l'impression que je m'en allais vers l'inconnu.

Sur les marches en chêne de notre grand escalier, résonnait le bruit de mes pas. Je fis bien attention, soulevant ma robe d'une main, mon pochon et mon éventail de l'autre. Je fixai mes yeux dans ceux de ma mère, émerveillée. Lorsque je touchai enfin le sol de pierre, je m'exprimai timidement.

« Est-ce-que la robe vous plaît Mère ?

- Ma chérie.. Je me trouve bouleversée par votre apparition ! Vous êtes radieuse !

- Merci Mère..

- Allons-y ! »

Nous montâmes dans le fiacre rapidement et nous nous dirigeâmes vers le château de Vaux-le-Vicomte. Quand nous arrivâmes après un long trajet, le cocher vint nous ouvrir la porte. Nous descendîmes et rentrâmes dans le château par de magnifiques arcades, aux verrières transparentes. Des domestiques prirent nos capelines et les rangèrent dans le vestibule. Puis nous avançâmes dans la pièce en enfilade qui était un grand salon de forme elliptique et qui pouvait servir de salle de bal.

Ma respiration s'affola tant le monde présent parlait fort. De la musique s'échappa et je tournai la tête pour y voir un quatuor à cordes et un clavecin, dirigé par des hommes en perruques. Je cherchai du regard ma chère amie et son frère, mais je sentis la main pressante de ma mère au bas de mon dos.

« Marie-Félicie, les danses attendront. J'ai des messieurs à vous présenter.

- Ô Mère, attendez s'il vous plaît ! J'en informe Louise-Victoire de Cléry. La voilà justement qui vient vers nous.. »

Un long soupir d'apaisement sortit d'entre mes lèvres quand celle-ci avança vers nous et s'inclina devant ma référente maternelle. Elle parla un peu et je n'écoutai pas ce qu'elles dirent. Mes yeux papillonnèrent. Je venais d'entrecroiser le doux regard d'Alexandre. Louise-Victoire me pris délicatement le bras, me soufflant à l'oreille qu'il allait falloir que je suive Mère le temps qu'elle s'occupait de ma présentation, mais qu'Alexandre se tenait prêt. Il souhaitait demander à Mère de bien vouloir m'accorder une danse. Comme il m'avait promis dans sa lettre. J'acquiesçai en hochant la tête. Mon regard toujours brillant. Mes doigts s'emmêlant. Mes lèvres rouges s'étirant. Et ma mère de conclure.

« Qu'il en soit ainsi.. »

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