KAIROS | PLK

six.

Calés dans la voiture du polonais, nous étions rentrés depuis quelques temps au Plateau mais aucun de nous n'avait daigné sortir de l'habitacle. Jude avait élu domicile sur mes genoux, je caressais son pelage du bout des doigts tout en écoutant une musique du polak. Il semblerait que les gars étaient fan des uns des autres, ça me faisait rire. « Dans les clips » soit la musique préférée de Sadam dans le projet ENNA, venait de se terminer.

« C'est quand même assez fou que t'aies pas capté qu'il vivait à Clamart alors qu'il dit 92 sous toutes les formes dans ses couplets, pouffa Peli qui s'était détendu depuis l'embrouille en voiture
— Je savais même pas qu'on était dans le 92 hein.
— Mais 100 moins 8 voyons ! gueula Sadam  »

Les autres lui lancèrent des regards complices que je ne compris pas. Certainement un délire entre eux. Enfin, j'étais suffisamment intelligente pour comprendre que 100 moins 8 faisait 92. Puis, Lisko lança Yakalelo de Sadam et on continua de s'ambiancer en parlant de tout et rien. Je leur racontais mon entretien d'embauche et le travail que je venais de décrocher. Ils semblaient sincèrement ravis pour moi.

« Tema la voiture de petite meuf riche ! nous interpella Peli en montrant la Fiat 500 qui entrait dans le quartier Y a moyen qu'elle soit bonne.
— On dirait grave la voiture de ta meuf Polak, non ? »

Mathieu se mit à rire comme un dauphin puis se coupa subitement. D'abord, je fus étonnée d'entendre que le monsieur avait une copine, c'était assez cocasse après l'annonce qu'il m'avait fait dans le Bois de Clamart. Ensuite, je bloquais sur la beauté de la petite meuf qui débarquait au volant de sa citadine. Ses cheveux blonds lisses coupés au carré enveloppaient son visage de poupée, un teint pale, des lèvres rouges et de jolies billes bleues : des caractéristiques qui feraient tomber n'importe quel homme. Même moi, j'étais prête à tomber là. Sa meuf ressemblait à ça ? Et moi je lui plaisais ? C'était une blague ?

« Baissez-vous, lança subitement le polonais »

Je fronçai les sourcils mais on s'affaissa tous au fond de notre siège, ma tête penchée sur le siège du milieu à côté de celle de Sadam. La musique fut coupée et on resta dans un silence de mort en attendant que la voiture passe devant nous.

Cela aurait été le meilleur scénario pour Mathieu mais cela n'arriva pas. On entendit le moteur de sa voiture passer devant nous puis s'arrêter là. On n'avait pas besoin de se relever pour comprendre que le véhicule de la meuf se trouvait juste là.

On resta dans cette même position puis quelqu'un vint toquer à la fenêtre du conducteur. Si Mathieu voulait fuir sa meuf, c'était raté pour lui car la petite bombe le fixait, son poing sur la hanche. Il lâcha un "putain" puis baissa sa vitre.

« Tu te cachais ? attaqua la blonde
— Grave pas, je cherchais mon briquet.
— Il est là, rajouta Lisko en brandissant l'objet

Elle haussa les sourcils, doutant certainement de la véracité de cette excuse, sans jamais quitter les yeux de Mathieu. Elle snobait très clairement Peli qui se trouvait juste à côté. Puis elle secoua la tête avant de sourire. Elle passa son bras à l'intérieur et caressa la joue de son copain.

— Qu'est-ce que tu fous là, Luna ? souffla le polonais en retirant la main de sa copine
— Je viens te voir, dummy !
— Ça fait des mois que tu fais la morte, arrête de me prendre pour un con.

Avec mes deux acolytes, on gardait le silence, presque mal à l'aise d'être témoin de cette échange. Surtout qu'elle ne nous avait même pas jeté un coup d'œil, comme si on n'existait pas.