KAIROS | PLK

dix.

Je venais de forcer le DJ à mettre pour la troisième fois Le bruit des Applaudissements et on pouvait multiplier par le même nombre les verres de jagger bomb que j'avais ingurgité depuis ma banale discussion avec Mathieu.

9 verres et j'avais le corps en feu.

J'étais pas la seule dans cet état, je voyais notamment Mathieu, dont les yeux peinaient à fixer devant lui tant il avait fumé. À ses côtés, Lisko se marrait à gorge déployée. Mon frère avait disparu et ce n'était pas plus mal parce que vu comment j'avais des difficultés à me tenir, j'aurais été capable de lui foutre une claque. En soit, je n'étais pas un déchet, je n'avais tout simplement plus aucun filtre.

« Tiens, Sadam arriva un verre d'eau à la main alors que je bougeais dans tous les sens sur son morceau avec PLK
— Merci beau gosse, je l'avalai cul sec, putain l'eau c'est vraiment la vie.
— Tu penses que tu vas pouvoir retrouver un semblant de sobriété d'ici cinq minutes ?
— Pourquoi ?
— Tu me promets de te contenir ?

Sous son air sérieux, j'agrippai son bras pour aller jusqu'à la table et perçai un caprisun pour le descendre entièrement à la paille en une aspiration. Je volais deux frites dans une barquette puis me tournai vers lui.

Bizarrement, je me sentais moins euphorique d'un coup.

— C'est bon, dis-moi.
— Y a Booba qu'arrive. »

Mes yeux faillirent sortir de leur orbite face à son annonce. Il était en train de se foutre de ma gueule, ce n'était pas possible. Booba n'allait pas débarquer à 2h du matin, si ? C'était donc ça la vie de star ? Débarquer une fois que la fête était bien entamée et que la moitié des convives gobaient les mouches et riaient niaisement, avachis sur la banquette ?

« Je suis comment ? Demandai-je en baissant les yeux sur ma tenue
— Non mais arrête toi, il me poussa, t'es pas là pour le pecho cousine.
— Je veux pas le pecho ! Il est daron oh. Mais je veux pas ressembler à rien non plus, j'ai une gueule de bourrée ?
— En vrai ça va, il rit, t'as juste les yeux un peu rouges.
— Bah file tes lunettes de soleil ! »

Il explosa de rire et secoua la tête de gauche à droite. Ses yeux étaient certainement pire que les miens, lui provoqué par la drogue, moi par l'alcool. Je n'avais fumé que mon joint. Je préférais éviter de mélanger les deux, ça me fracassait toujours le crâne.

Je rejoignis Lesram qui était appuyé à la rambarde. Je vis ses yeux fixer quelqu'un en contrebas et je reconnus très rapidement la jolie robe de Luna qui scintillait sous les jeux de lumière. Je la regardais quelques instants jouer de ses cheveux en rythme avec le mouvement de ses hanches. Son corps était collé à celui d'un homme et la proximité entre les deux traduisait quelque chose qui était loin d'être platonique.

Je me retournais presque instinctivement vers Mathieu qui semblait se marrer avec Peli.

« Faut pas lui dire, Lesram m'avait agrippé le bras pour me parler dans l'oreille
— Mais pourquoi ? M'indignai-je C'est ton pote, tu peux pas lui mentir !

Il secoua la tête doucement et on se concentra sur l'échange que Luna avait avec cet inconnu. On assistait à une tromperie. On la regarda glisser sa main dans la nuque de cet homme, agripper la racine de ses cheveux et caresser le cou de l'inconnu du bout des lèvres. J'agrippai la rambarde à deux mains. Si l'annonce de Sadam avait enclenché ma sobriété, là, avec les actions de la copine du Polak, j'avais le cerveau bel et bien éveillé.

— Tu le connais pas encore assez toi, il ricana. Il va retourner la boîte.
— Donc on la laisse le tromper ? Gueulai-je
— C'est pas la première fois, et ça ne sera sûrement pas la dernière... C'est une salope, il veut pas comprendre. »