KAIROS | PLK

vingt-et-un

Je pensais qu'on avait trouvé notre équilibre après cette semaine passée sur Paris. Andrew était officiellement devenue ma meuf et on était totalement raide dingue l'un de l'autre. Évidemment, on avait notre manière bien à nous de se le montrer, ni trop canard, ni trop mignon, on avait tous les deux une street cred à préserver mais une chose était sûre, on était devenu inséparables. Les gars captaient pas grand-chose parce que personne misait sur nous et tout le monde était persuadé que j'allais me refoutre avec Luna, ça me faisait bien rire. S'ils savaient ce qu'on faisait dans leur dos...

Je m'étais réveillé en sursaut en sentant mon téléphone vibrer contre ma cuisse. Je mis quelques courtes secondes à comprendre que je m'étais une nouvelle fois endormi face à mon écran d'ordi, la tête sur le bureau. Instinctivement, je tournai la tête vers le canapé-lit dans lequel Andrew passait toutes ses nuits dorénavant.

Je me rendis alors compte que mon téléphone avait cessé de vibrer et que c'était le sien qui s'y mettait maintenant, raisonnant bien plus fort enfoncé sous les couvertures entre les coussins. Elle sursauta et brandit son téléphone à son oreille sans même ouvrir les yeux, comme si elle était habituée à ce qu'on la réveille en pleine nuit.

J'avais sorti mon iPhone entre temps pour voir que c'était Tenerife qui m'avait appelé et qu'il était sûrement en ligne avec sa soeur maintenant. Ça ne me rassurait pas du tout de savoir qu'il cherchait à nous joindre aussi tôt, le soleil ne s'était même pas encore levé. Le regard paniqué d'Andrew finit de m'achever alors que je me collais à elle pour écouter les propos de son grand-frère.

« Passe-moi Mathieu, faut que je lui parle. Et Selva, pour une fois, fais ce que je te dis s'il te plaît.

Il y avait, dans sa manière de parler, un indice sur la gravité de la situation. Je m'étais suffisamment entraîné à analyser les situations pour savoir que si Tenerife appelait et que s'il souhaitait me parler, à moi, c'était pour m'annoncer que soit le bateau était en train de couler, soit qu'il était sur le point de se manger un giga iceberg.

— Il y a une rumeur de descente. Un petit a été chopé et je pense qu'il a balancé. J'aimerais qu'Andrew revienne dormir à l'appart en attendant d'être sûr, c'est mieux si...
— Attends, le coupai-je, tu crois vraiment qu'ils vont me faire tomber ? Ça fait longtemps que je ne suis plus rattaché à tout ça. Mais toi tu devrais faire gaffe à ta gueule par contre.
— Je vais pas m'embrouiller avec toi je te dis juste que Selva va revenir dormir chez moi.
— Ta soeur est suffisamment grande pour prendre ses décisions toute seule, c'est quoi ça ?!

Je me tournais pour essayer de capter le regard de ma copine mais celle-ci était trop occupée à ranger ses affaires. Je raccrochai rageusement et balançai le téléphone sur le canapé.

— Tu fais quoi ? Lui demandai-je
— J'ai pas envie que vous vous preniez la tête, je vais écouter mon frère.

Ça me rendait fou de rage de la voir partir de chez moi. J'étais vraiment mordu, la regarder faire ça c'était comme si je faisais face à notre séparation. Je le prenais super mal et j'avais conscience que ma réaction était démesurée mais je n'arrivais pas à calmer mes pulsions. J'avais envie de tout renverser.

— D'habitude t'es la première à envoyer se faire foutre ton frère je comprends pas pourquoi là... marmonnai-je en m'approchant d'elle
— Je rigole pas avec votre business de merde Mathieu, cracha-t-elle, j'ai pas envie de revivre des choses que j'ai déjà vécues. Ça me plait pas, et si pour rassurer mon frère je dois retourner chez lui, alors je vais le faire.
— Et pour me rassurer moi alors ?

Elle haussa les épaules et je grinçai des dents tant j'avais l'impression qu'elle n'en avait rien à foutre de moi.

— Tenerife est mon frère, et c'est même ma seule famille ici. Je dois l'aider si c'est la merde, d'accord ?