huit.

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« Un café long s'te plait, genre même extra extra extra long. Un bol de café quoi, grognai-je en m'accoudant au comptoir

Tenerife resta planté devant moi quelques secondes avant d'hausser les épaules et de se tourner vers la machine à café. J'avais fait une halte au New Maryland avant de rentrer à l'appart parce que j'avais passé une journée de merde et que voir mon frère faisait partie des plaisirs simples de la vie qui me faisaient du bien.

La journée avait mal commencé parce que je ne m'étais pas réveillé chez moi, mais dans le canapé du studio. J'avais ouvert les yeux sur Sadam et Mathieu qui célébraient la finition de leur feat, un cigare dans chaque bec et une bouteille de Jack pour deux. Jude dormait encore à côté de moi, faisant des petits ronflements adorables. Bref, j'avais tellement été déboussolée, que même la vision de la chienne en plein sommeil à côté de moi ne m'avait pas adoucit. Surtout que j'étais dégoutée de m'être endormie avant la fin du morceau des deux garçons, qui eux, me regardaient en riant.

Puis, ça avait mal continué. Je m'étais barrée comme une voleuse, je puais surement de la gueule et peut-être que j'avais ronflé et bavé sur le canapé. Du coup, j'avais fui. En arrivant sur le parking en bas du bâtiment, j'avais crevé mon pneu en me prenant le coin d'un trottoir. Alors, je m'étais mise à chialer. J'avais laissé la voiture comme ça, complètement dans le déni. Je crois que je n'avais même pas de pneu de secours dans mon coffre, alors qu'est-ce que j'allais pouvoir faire ?

Exténuée, j'avais pris les escaliers pour entrer dans l'appartement vide. En sortant de la douche, je compris très vite mon trop-plein d'émotions et pourquoi je m'étais mise à chialer pour un pneu crevé. J'avais mes règles. Ensuite, je m'étais rendormie, sur le canapé, mon lit du moment.

J'avais affronté mon premier jour de travail avec un mal de bide qui me tordait de douleur par moment. J'avais dû jouer le grand méchant loup pour m'imposer face à des jeunes qui ne demandaient qu'à avoir un cadre.

Alors que je racontais ma journée à mon frère je me rendis compte que le travail à la maison de quartier n'avait pas été si catastrophique mais j'avais tellement été de mauvaise humeur dès que j'avais posé le pied sur le sol en me réveillant, que tout était paru nul.

T'es trop dans l'extrême toi, constata mon frère

J'hochais la tête, parce que j'étais d'accord avec lui. Je me tournais vers la grande vitre qui donnait une vue sur la rue. Des jeunes traînaient juste devant et leurs rires parvenaient à mes oreilles malgré la porte fermée. Je souris. Eux, ils squattaient la rue toute l'année, connaissaient la hess tous les jours, et ils passaient leur vie à rire. Moi, je me sentais comme une merde parce que j'avais mes règles.

Tu finis à quelle heure ? demandai-je en reposant ma tasse vide
À 19h, il regarda son téléphone, mais j'ai des trucs à faire ensuite.
D'accord, bon je rentre alors.

Il me chopa le bras alors que je me laissais mollement tomber du tabouret en hauteur pour que mes pieds rejoignent le sol.

Je m'en occupe de ta voiture, t'inquiètes. »

J'hochais la tête négativement puis ressortis du bar tabac, toujours avec la même mine déconfite que j'avais en rentrant. C'était une sale journée mais j'allais m'occuper de ce fichu pneu comme pour me donner l'impression que je réparais cette journée qui s'était mal déroulé. Ensuite, j'irai me coucher tôt pour l'écourter rapidement et affronter demain avec une autre humeur.

En passant devant les jeunes qui occupaient le trottoir, j'entendis l'un d'eux dire "souris wesh" et cela eut l'effet escompté puisque je lui montrais mes dents. Il hocha la tête en souriant à son tour. Vu sa petite bouille de bébé, il ne devait même pas avoir vingt-ans mais il avait réussi à faire switcher mon humeur le temps d'un instant.

KAIROS | PLKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant