Esgaroth (2/4)

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        J'ouvrais peu à peu les yeux et vis un plafond de bois. Puis je sentis le matelas confortable et une main dans la mienne. Mes vêtements étaient encore humides de notre descente en tonneaux, mais cela devait tout de même remonter à un certain temps. J'observai autour de moi, tout les nains étaient là et Bilbon tenait ma main dans la sienne. Une famille d'humain proposait leur aide pour nous réchauffer alors que Thorin et Balin se tenaient près de la fenêtre. Si je comprenais bien, nous étions arrivés à Lacville, ou Esgaroth comme l'appelaient les gens d'ici. Mince, et me voilà allongée dans le seul lit de cette généreuse famille qui nous accueillait. Je devais faire bien mauvaise impression. Je tentai donc de me redresser mais la vive douleur dans mes côtes se rappela à moi et je gémis en retombant sur le matelas, attirant le regard de Bilbon et des autres.

-Fóvos! Tu es réveillée. Le hobbit se pencha vers moi inquiet.

-Où as-tu mal? Demanda Kili en venant à côté.

-Mes côtes. Je grognai.

        Je n'aimais pas particulièrement demander de l'aide, surtout que je devais avoir l'air d'une incapable pleurnicheuse aux yeux de ces guerriers. Ils se battaient sur des champs de batailles, se faisaient cent fois plus mal et se relevaient sans rien dire alors que je me retrouvais alitée pour une chute fortuite. Mais la douleur était intenable, aussi je restai sagement allongée alors que Oin venait poser ses mains sur mon flanc pour voir quel était le soucis. Je retins de justesse un cri, mais laissai tout de même un gémissement sortir. J'avais l'impression qu'il me brisait les os alors qu'il ne faisait que poser ses mains. Une larme coula contre mon avis et je fermai les yeux fortement pour ne pas éclater en sanglots. Ça faisait un mal de chien et ce n'était apparemment pas une bonne nouvelle.

-Ses os doivent être cassés. Annonça le nain. Mais au moins ils ont l'air d'être bien alignés. Elle ne doit plus bouger, et cela devrait se soigner dans quelques mois.

-Mais elle ne peut pas rester ici quelques mois. Coupa Dwalin.

        Mon coeur se brisa un peu. Je savais qu'il ne m'appréciait déjà pas beaucoup quand il me croyait nain, mais il devait me haïr maintenant qu'il savait que je leur avais mentit. Il ne voulait même plus de moi dans leur compagnie. Bilbon semblait être encore de mon côté,  Bofur et Balin aussi. Je savais que Bombur ne l'était pas, Dwalin non plus, Thorin était à coup sûr contre ma présence, Bifur était insondable alors que Dori et Ori n'avaient ni l'air contre, ni l'air pour. Gloin et Nori ne disaient rien, tout comme Oin. Même si j'avais un peu plus d'espoir pour le médecin. Kili et Fili par contre... Ils étaient peut-être ceux avec qui j'étais le plus proche avec Bilbon. Pourtant je n'arrivais pas à savoir, je n'osais pas les regarder dans les yeux de peur de ne pas y voir ce que je voulais. Ils étaient peut-être mes premiers amis ici, même si je leur avais caché des choses et mentis sur certains points. Pourtant Dwalin me coupa dans ma réflexion.

-On ne peut pas la laisser là toute seule.

-La déplacer pourrait aggraver son cas. Contra Gloin.

-Mais elle fait partie de la compagnie maintenant.

-On ne la laisse pas en arrière. Affirmèrent Fili et Kili.

        Un sourire naquit sur mes lèvres. Ainsi ils m'acceptaient encore? J'étais même encore plus intégrée dans le groupe maintenant que Dwalin semblait m'apprécier. Une larme coula sur ma joue alors que je sentais mon coeur se réchauffer. Puis une deuxième roula à son tour et ainsi de suite. Je ne les arrêtais plus, un mélange de douleur pour mes côtes et de joie pour la compagnie les faisait naitre aux bords de mes paupières et elles s'en échappaient les unes après les autres. Personne ne m'avait jamais acceptée comme eux. Mère me disait souvent qu'elle m'aimait, mais elle l'avait toujours fait et je n'avais jamais était en danger de perdre cet amour, tandis que c'était à peine si père me voyait. J'étais un trésor à ses yeux, tout comme ma mère. Un des plus grands trésor pour les hommes de notre espèce, mais un trésor vain. Vain car j'étais vouée à partir vivre chez un autre, alors il pouvait se lasser de moi puisqu'au final je ne lui appartiendrais plus. J'avais tenté de me faire aimer de lui mais je m'étais rendue à l'évidence, il n'aimerait de moi que l'or qu'il obtiendrait de mon mariage. Ou plutôt qu'il aurait obtenu.

        Mais ces nains... Rien ne les obligeait à m'apprécier, à m'accepter dans leur compagnie ou à être mes amis. Et ils avaient choisit de me considérer comme l'une des leurs alors que je leur avais caché mon identité. D'ailleurs ils ne connaissaient toujours pas mon véritable nom. Pour eux j'étais encore...

-Fóvos? Que se passe-t-il? Tes côtes te font autant souffrir? S'inquiéta Bilbon.

-Je... Je m'appelle pas Fóvos. Je souris en essuyant mes larmes. Autant vous dire la vérité. Je m'appelle Kaya. Fóvos est le nom de mon père.

-Kaya? Répéta Dwalin en réfléchissant. C'est pas hideux comme prénom.

-Ça veut dire qu'il aime bien. Me souffla Kili et je ris mais m'arrêtai vite à cause de la douleur.

-Bien, alors puisque Kaya est réveillée et en plein-... A peu près en forme. Se corrigea Thorin avant de se tourner vers l'homme. Nous avions payé pour des armes. Où sont-elles?

-Attendez ici. Demanda le père de famille avant de partir.

        Il revint avec un bric-à-brac d'armes bricolées à partir d'objets en tout genre. Je souris en repensant à la salle d'armes de ma montagne. Les femmes n'avaient pas le droit de se battre, de toute façon nous n'avions pas le droit de sortir de chez nous, pourtant je me souvenais de cette nuit alors que je n'avais que 20 ans. Mère m'avait réveillée en pleine nuit et m'avait dit de ne pas faire de bruit. Nous nous étions habillées de pantalons souples avant de sortir de la maison. J'étais apeurée car père était très strict sur le fait que je ne devais jamais sortir. La dernière fois que j'avais essayé, je m'étais pris une claque que je n'oublierais jamais. Pourtant, mère m'avait tirée dans les couloirs sombres, nous étions passées là où il n'y avait personne pour finir dans une salle remplie d'autres femmes. C'était une grande salle dont la porte était cachée dans la pierre et les naines qui étaient là se battaient entre elles. Elles s'entraînaient alors que mes yeux brillaient. J'avais toujours rêvé de combats épiques et de grandes escapades à l'extérieurs de chez moi. Petits à petits, au fil de nos venues ici, mère m'avait appris tout ce qu'elle savait sur le combat. Une autre naine plus agile m'avait entraînée à escalader, garder mon équilibre, à me battre dans les positions les plus délicates. A cheval sur une poutre, bien encrée au sol, sur des tapis si mous que je m'enfonçais dedans, debout sur un rondin... Puis j'avais appris à courir, à éviter les balles que me lançaient les autres, à sauter d'obstacles en obstacles, à grimper aux murs, à tirer à l'arc, à lancer des couteaux, à me battre à mains nues, à l'épée et à la hache. Nous n'avions pas d'armes forgées, nous les avions fabriquées avec ce que nous avions sous la mains. Des bâtons, des manches à balais, des cordes tressées à partir de laine à tricoter... C'était du bric-à-brac, exactement comme les armes de ce Bard.

        Cependant cela ne sembla pas plaire aux nains. Apparemment, ils voulaient de vraies armes. Il était vrai que se battre avec une tête de marteau de forgeron face à une lance forgée ne nous donnait pas vraiment d'avantage. Pourtant c'était déjà mieux que rien, mais allongée dans ce lit, totalement incapable de me battre  ou même de bouger, je n'allais rien dire. J'étais déjà un poids pour eux maintenant que j'étais dans cet état, je n'allais pas en plus leur faire des leçons de morales. Quand Bard leur expliqua où se trouvaient les armes forgées, je vis le regard qu'échangèrent Dwalin et Thorin. C'était une très, très mauvaise idée. Je comprenais maintenant comment ils faisaient pour toujours se mettre dans les pires situations. Ce n'était pas juste de la malchance, ils plongeaient carrément têtes baissées face aux dangers.

Le voyage d'une naine libreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant