La fin d'un long voyage

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        Je n'étais pas restée bien longtemps à Erebor. A peine avais-je soigné mes blessures et m'étais-je assurée que le Royaume sous la montagne allait perduré que j'avais exprimé mon envie de retrouver le corps d'Azog et de m'assurer de son décès à Dwalin. Je m'étais rendue une dernière fois sur leurs tombes avant de partir avec le nain pour ma nouvelle quête. Nous avions suivit le fleuve gelé sur de nombreuses lieux, atteignant enfin la mer sans voir la dépouille ni aucune trace d'une possible échappée. Assurés que cette fois, l'orc ne pourrait pas revenir, et heureuse de savoir que son corps se trouvait perdu et oublié au fond des mers, nous revenions sur nos pas pour rejoindre la Comté et rendre visite à notre compagnon hobbit. Notre deuil avait passé et malgré le manque, nous passions la semaine à aider Bilbo dans ses occupations et l'accompagnions parfois à la taverne pour rire, boire et conter nos aventures aux autres villageois.

        Toutes ces aventures m'avaient presque fait oublier ma fuite, aussi il fallut que Bilbo me rappelle notre dangereuse proximité avec mon ancienne maison. On lui dit alors au revoir avant de repartir en direction d'Erebor. Mais à chaque pas qui me rapprochait de cette montagne pour laquelle on s'était tous tant battu, je sentais mon coeur se serrer un peu plus. Tout ça, ce royaume, cette montagne, cette vie... C'était le rêve de Kili. Celui de Thorin. Celui de Fili. Pas le mien. Je souhaitais voyager dans le monde et j'avais promis à Fili de vivre de palpitantes aventures avant de le rejoindre. J'allais réaliser mes rêves, voyager dans toute la Terre du Milieu, me trouver une petite maison d'où je pourrais regarder le ciel changer de couleur et mes fleurs pousser. Je ne m'enfermerais plus dans une montagne. Mes amis m'avaient montré la voie en mourant pour leur rêve, et je ferais de même. Mais pour l'instant je profitais d'une soirée passée dans la demeure de Beorn chez qui on avait fait une halte. Assise devant le feu, je fixais les flammes alors que Dwalin aiguisait son arme et que Beorn ronflait dans son lit.

-Demain, je reprendrais la route. Je devrais rejoindre Erebor rapidement, j'ai laissé la salle d'armes sans supervision trop longtemps et elle devrait maintenant être réparée. Alors je suppose que nos chemins se séparent maintenant.

-Pardon? Je tournai la tête si vite vers lui que je me fit mal au cou.

-Je vois bien que tu ne veux pas retourner à la montagne. Ce n'est pas ta maison, tout comme ce n'était pas ton rêve de la conquérir. Notre quête est finie, il est temps que la compagnie se sépare et que tu réalise ton propre rêve. Mais n'oubli pas que tu auras toujours une place parmi nous.

-Vous me manquerez tous. Tu leur diras que je viendrais vous voir?


***


        Trente longues années avaient passées depuis la conquête d'Erebor. J'avais parcourut pratiquement toutes les contrées de la Terre du Milieu. J'avais vu tant de choses, rencontré tant de gens, vécut tant d'aventures... Il était temps pour moi d'honorer une vieille promesse faite à un vieil ami au près d'un feu de cheminée. Un petit coup de talon sur les flancs de ma monture et on se lance sur les derniers mètres qui nous séparent des grandes portes d'Erebor. Je fus accueillie en grandes pompes, Dwalin et Bombur m'avaient pratiquement étouffée dans leur étreinte. Malheureusement, certains comme Balin et Oin avaient déjà quitté la montagne, mais je savais que le Royaume de la Moria vivait des temps heureux grâce à eux. Le soir même, les quelques restant de la compagnie s'étaient réunis pour un repas comme on en avait eut tant lors de notre quête. Les rires, la bière qui coule à flots, les chansons, les histoires enjolivées, les blagues douteuses... Cela m'avait tant manqué.

        Après une nuit plus courte que je ne l'avais espéré, je me rendis à nouveaux dans cette salle. Celle où mon coeur s'était brisé il y a trente ans. Et aujourd'hui je pouvais m'y rendre en ne ressentant que nostalgie, respect et amour profond pour ces gens qui avaient donné leurs vies afin que leur peuple renaisse. Une larme coula sur ma joue alors que je souriais doucement aux souvenirs des moments passés avec eux. Je dus rester longtemps, car Dwalin vint à ma rencontre, respectant mon silence.

-Je savais que tu viendrais ici.

-Ils étaient les premiers nains pour qui j'avais un réel respect. Vous avez été les premiers à m'accueillir pour ce que j'étais et pas pour ce que je pouvais apporter. Mais eux... ils ont fait tellement pour moi. Kili a été mon meilleur ami et je crois parfois le revoir dans le rire des gens que je rencontre. Fili m'avait redonné confiance en ce monde, il m'a montré le chemin pour réaliser mes rêves et aujourd'hui, je lui en suis plus que reconnaissante. Et Thorin... Il n'était plus un roi parmi tant d'autre pour moi. Il était devenu mon roi. Celui que j'aurais pu suivre dans la disgrâce car j'avais foi en lui. Je... Ils m'avaient offert une place, la promesse d'un avenir heureux. Une vie à leurs côtés.

-Tu étais importante à leurs yeux aussi. Tu as peut-être passé que peu de temps avec eux, mais tu étais toute aussi importante que nous pour eux. Surtout pour Fili. Tu sais... Tu n'étais pas qu'une amie pour lui. Je le sais, il ne t'aurait jamais laissée.

-Alors pourquoi l'a-t-il fait?

-Parfois, on préférait causer de la peine à une personne en l'abandonnant, plutôt que de causer sa mort. Fili a pu faire ce choix, et je sais qu'il ne le regrette pas.


***


        J'avais voyagé à travers les contrées pendant de longues années. J'avais revu Bilbo à son cent-onzième anniversaire et l'avait aidé à rejoindre Fondcombe pour le quitter pour la dernière fois. J'avais vu Sauron tomber sous le courage d'une compagnie. J'avais fêté la victoire dans un petite village de la Comté. J'avais reprit la route et retrouvé Beorn. Déjà bien âgé, le changeur m'avait accueillie à bras ouverts alors que je réalisais mon dernier rêve. Après avoir connu l'amour et parcourut le monde, il ne me restait qu'une dernière tâche. Je construisit une petite maison avec l'aide de mon ami. Elle était au milieu de la plaine, près de chez lui, sur le chemin que j'avais prit pour ma première aventure, au lieu même où j'avais finalement décidé de lier mon destin avec celui de cette compagnie. A l'endroit même où mon aventure avait réellement commencé, une petite maison de bois avec tout le confort dont j'avais besoin et un petit banc à l'extérieur pour pouvoir regarder le ciel. J'avais planté plein de fleurs de toutes les couleurs possibles. Je les observais parfois pousser pendant des heures. Je restais sur mon banc à observer tout les visages du ciel. Je laissais le feu dans ma cheminée m'hypnotiser, je souriais lorsque des poneys venaient galoper autour de chez moi, me rappelant Ptisi et notre amitié. Lorsque Beorn quitta ce monde, je ne le mis pas en terre. Je portai sa dépouille jusqu'à la mer, comme il me l'avait demandé. Je le mis sur une barque et le laissai partir au loin. Il avait vu le jour dans une cage enfermé dans une montagne, et il rendait son dernier soupir en voguant sur la mer, éclairé par la lumière du Soleil.


***


        Après une longue vie, emplie d'aventures, de combats, de rencontres fortuites et d'amitiés en tout genre. Je pus, en contemplant le coucher de Soleil depuis mon banc, me sentir enfin fière de ce que j'avais accomplit. Quand j'avais quitté en pleine nuit ma montagne, il y a bien des années de cela, je ne me serais jamais doutée que tant de choses se passeraient. Et pourtant, maintenant vieille et quittant enfin ce monde, je souris en repensant que j'avais vu tout ce que le monde avait à m'offrir.

        Mon corps, alourdit et ralentit par le temps, devint bien plus léger. Je me sentais flotter vers le ciel alors qu'un regard en bas me montra la mort la plus douce dont j'aurais pu rêver. Installée sur mon vieux banc, baignée par la lumière du Soleil couchant, entourée de mes fleurs colorées, je souriais doucement. Une main sur mon épaule me fit quitter des yeux ce spectacle si reposant et je tournai mon regard pour le plonger dans un autre qui hantait mes plus doux rêves. Sa chevelure d'or, son regard amoureux et son sourire si apaisant. Je pouvais enfin rejoindre Fili.

-J'ai tant de choses à te raconter.

-Alors il est tant que tu me rejoigne ma petite fleur.

Le voyage d'une naine libreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant