Préambule

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« Parfois, les ténèbres du passé ne sont que l'aube d'une grande transformation. »

La chaleur de Ngazidja n'était jamais douce. Elle pesait sur la ville comme un voile suffocant. À travers les fenêtres de la petite maison en tôle, le soleil dardait ses rayons impitoyable, rendant l'air aussi chaud qu'un four allumé. Houda se tint dans le salon, immobile, ses yeux fixés sur le sol, un poids dans la poitrine.

Sa mère, assise dans un fauteuil, la regardait avec des yeux pleins de reproches, les joues creusées par des larmes déjà séchées. La douleur dans ses yeux faisait plus mal que tout ce qu'elle aurait pu dire. Mais sa voix, quand elle parla, fut pourtant plus tranchante que n'importe quel cri.

___ Houda... comment tu as pu ?

C'était une question sans espoir de réponse. La honte brûlait le visage de la jeune femme et les mots se coinçaient dans sa gorge. Elle ne savait même pas par où commencer. Comment expliquer l'inexplicable ? Comment justifier ce qu'elle avait fait quand elle-même ne comprenait pas bien ses raisons ?

Elle avait l'impression que la pièce se refermait sur elle, qu'il n'y avait plus d'air pour respirer. Elle baissa les yeux, incapable de soutenir le regard de sa mère, de toute manière elle savait ce qu'elle y verrait. La tromperie. L'incompréhension. Peut-être même la peur.

___ Je... je... Sa voix était tremblante, brisée. Mais elle ne réussit à dire rien de plus.

___ Je ne sais plus quoi te dire.

Son père entra dans la pièce, les traits marqués par une colère contenue. Il s'arrêta à quelques pas d'elle, et les mots qu'il prononce eurent l'effet d'un coup de fouet.

___ Nous n'avons pas élevée une fille pour qu'elle fasse ça.

Ses paroles la frappèrent comme un marteau, mais elles étaient aussi d'une vérité dévastatrice. Ce qu'elle avait fait ne correspondait à rien de ce qu'ils attendaient d'elle. Rien du tout.

___ Tu sais ce que ça signifie ? continue son père, sa voix plus basse, mais pleine de gravité. On est dans une impasse maintenant. Toute la famille va souffrir à cause de ça.

Elle n'avait pas pensé à la famille, à la honte qu'elle infligeait à ses parents. Elle n'avait pas pensé à l'avenir. Seul l'instant avait compté et maintenant, tout était détruit.

Sa mère se leva d'un mouvement soudain, comme si elle avait pris une décision dans son esprit. Elle la regarda une dernière fois et sa voix résonna dans la pièce.

___ Il va falloir que tu assumes.

C'était une phrase lourde de sens. Une phrase qui disait à Houda qu'elle n'avait plus de place dans cette maison, que ses erreurs étaient plus grandes que tout le reste.

___ Je suis désolée, maman... papa... murmura-t-elle, mais cela semblait dérisoire. Elle était désolée, mais ce mot ne suffisait pas à effacer ce qu'elle avait fait.

La réponse de son père ne se fit pas attendre. Il la regarda un instant, puis son regard se détourna. Il était épuisé par cette situation, comme s'il avait perdu toute illusion.

___ Nous devons partir. Il n'y a pas un plus d'autre choix.

La phrase était prononcée : ils partiraient. Anjouan serait leur refuge, où ils espéraient reconstruire ce qui pouvait l'être. Houda ne répondit pas. Que dire face à un tel renversement de tout ce qu'elle avait connu ?

Sans un mot, elle se dirigea vers la chambre, qu'elle partageait avec ses sœurs. Là, dans l'intimité de ce lieu, elle se laissa tomber sur le lit, le corps trop lourd pour bouger. Elle ferma les yeux un instant, mais les images du passé revenaient sans cesse. Ce qu'elle avait fait. Les conséquences. C'était trop. Elle en avait assez.

Mais une chose la poussait à se relever. Un seul espoir. Une seule pensée persistante dans son esprit : peut-être qu'il était encore temps.

Elle se dirigea vers le tapis de prière dans le coin de la pièce. À genoux, elle ferma les yeux et, pour la première fois depuis longtemps, elle pria. Non pas pour que tout soit effacé, non pas pour que tout soit facile, mais pour une chance de recommencer, de trouver un chemin moins douloureux.

___ Ô Allah, donne-moi la force.

C'était tout ce qu'elle pouvait dire.

Elle resta là, les yeux fermés espérant qu'enfin elle trouverait un moyen de se racheter.

Un Coup du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant