Chapitre 21 🌙

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« La douleur est tel un océan sans fin, tandis que la volonté de vivre est une bouée de sauvetage. »

Elle était immergée dans la mer, où autrefois elle venait chercher la quiétude et réfléchir. Désormais, cette vaste étendue d'eaux était devenue la force qui allait lui ôter la vie. L'eau la pressait de toutes les côtés, une présence implacable qui l'étouffait lentement. Elle refusait de remonter à la surface, même si chaque fibre de son être criait pour l'air.

Au milieu de cette détresse, son esprit s'accrocha aux petits lambeaux de souvenirs qui flottaient dans sa mémoire. elle revit sa vie défilé devant ses yeux, en particulier ses sœurs, qu'elle aimait tant, et surtout Zam-Zam, avec qui elle a promis de l'aider à faire son exposé.

Non ! Non, elle n'était pas prête à sacrifier sa vie à cause d'un homme. Elle devait vivre, vivre pour elle-même, pour être heureuse. C'était sa forme de vengeance, lui montrer qu'il ne l'avait pas détruite.

Elle avait aimé, elle avait donné son amour et avait été blessée en retour. Alors pourquoi se punir ? Ce n'était pas elle qui méritait cela. Sa plus grande erreur avait été de croire en lui, de lui accorder sa confiance. Et elle savait que ce qui l'attendait après la mort serait pire. L'enfer serait bien plus infernal que tout ce qu'elle endurait en ce moment.

Avec un dernier effort de volonté, elle remonta à la surface, cherchant désespérément l'oxygène dont son corps avait besoin. Enfin, elle émergea de l'eau glacée comme une rescapée d'un naufrage, son corps secoué de tremblements sous l'effet du froid et de la douleur. Ses yeux le cherchèrent désespérément, mais il était parti, s'éloignant sans un regard en arrière. La réalité s'imposa à elle : leur histoire était terminée et sans retour.

Les souvenirs heureux qu'ils avaient partagés étaient maintenant souillés par la tristesse et la déception. L'amour avait commencé comme une promesse d'éternité, mais maintenant, il se terminait dans un silence glacial. Les mots doux et les caresses tendres étaient remplacés par le froid de l'abandon et la brûlure de la trahison.

Houda était trempée de la tête aux pieds. Des passants la regardaient curieusement, mais leur attention ne dépassa pas le stade de l'intérêt momentané. Après tout, elle venait de la plage, et il n'était pas rare de voir des gens mouillés dans ce lieu.

En rentrant chez elle, sa mère tenait le test de grossesse à la main. Elle en avait fait deux pour être sûre, dont l'un, elle l'avait jeté ce matin.

___ Dis-moi la vérité, lui dit-elle d'une voix brisée. Tu es enceinte ?

Houda ne répondit pas. Elle vit son père qui tenait une ceinture.

___ Pourquoi y a-t-il ça dans les toilettes après que tu sois sorti ? demanda son père à son tour, mais la jeune femme resta silencieuse.

Alors son père la frappa, encore et encore, le cuir de la ceinture sifflant dans l'air avant de s'abattre sur la peau de sa fille. Houda ne faisait que pleurer, ses larmes mêlées à l'eau salée de la mer. Elle ne vit pas ses sœurs car ce soir-là, elles étaient parties à un Maoulid, inconscientes du drame qui se déroulait chez elles.

___ Qu'est-ce qu'on va faire de toi ? S'interrogea sa mère, arrêtant son mari de se défouler sur la jeune fille. L'histoire se répète, tu es vraiment sa fille !

Houda savait déjà ce qu'elle allait faire.

À l'aube, au moment de la prière du matin, Houda attendait que sa mère soit en prière et son père à la mosquée, tandis que ses sœurs priaient côte à côte, pour se faufiler dehors. Elle fit semblant d'aller au toilette renouveler ses ablutions. Ouvrant doucement la porte, elle fila jusqu'à l'hôpital El Maenrouf.

Elle se dirigea vers les urgences.

___ Aidez-moi, disait-elle, sa voix se brisant d'effroi. Elle avait des fortes vertige. Un infirmier la remarqua et lui demanda ce qu'elle avait.

___ Je veux avorter, dit-elle, même si elle ne pouvait pas clairement voir son visage, son regard embué par la douleur et l'angoisse.

L'infirmier ne perdit pas de temps. Il l'aida et l'emmena rapidement à l'intérieur. Une fois installée, on la prit en charge. 

___ Donc, tu souhaites avorter ? lui demanda-t-il.

Houda acquiesça, son regard fixé au loin, son esprit rempli de pensées tourbillonnantes.
L'infirmière prit ses coordonnées, puis l'emmena pour l'échographie, après que les analyses urinaires et sanguines aient confirmé sa grossesse.

___ Voici l'embryon... Non, ce sont deux poches, s'exclama l'échographe en lui montrant les images en noir et blanc de l'écho. Tu es à deux mois de grossesse.... tu es sûre de toi ? Tu as quel âge d'ailleurs ?

__ Vingt-trois ans.

Une vague de sentiment contradictoire l'envahit aussitôt à la vue des petits êtres dans son ventre, mais elle resta catégorique sur sa décision. Elle avait assez causé de la peine à ses parents et ne voulait pas garder de preuve tangible de son erreur. Ces enfants ne seraient que des rappels constants de son péché.

Le médecin, voyant que la jeune femme souhaitait une intervention rapide, lui proposa l'Aspiration. Il lui expliqua que cette méthode était non seulement efficace, mais aussi la plus rapide pour interrompre une grossesse.

Houda acquiesça faiblement.

Peu après, il lui demanda de s'allonger sur la table d'examen, les jambes placées dans des étriers pour faciliter l'accès. Il inséra par la suite, un spéculum pour maintenir le col de l'utérus ouvert, un geste qui provoqua chez sa patiente, une sensation désagréable de froid et de pression. Il introduisit ensuite la canule à travers le col de l'utérus.

Houda ferma les yeux, des larmes roulant le long de ses tempes alors que la procédure se poursuivait. Chaque fois que la pompe de l'aspiration fonctionnait, elle éprouvait une pression intense qui semblait aspirer chaque fibre de son être. elle était sous anesthésie locale. Le bourdonnement de la machine résonnait dans ses oreilles, confirmant la gravité de son acte.

Lorsque le toubib retira enfin la canule, Houda se sentit soudainement vidée, tant physiquement qu'émotionnellement. Il lui donna ensuite des instructions pour les soins post-opératoires, lui recommandant du repos et de surveiller tout signe d'infection. Mais pour Houda, il ne s'agissait plus seulement de guérir physiquement; elle savait que la blessure émotionnelle mettrait bien plus de temps à se refermer.

Alors qu'elle franchissait le seuil de la maison, la lueur inquiète dans les yeux de sa mère l'immobilisa. Les rideaux, d'habitude dansants avec la brise, pendaient immobiles, comme retenant leur souffle. Sa mère ne dit rien, mais son regard rencontra le sien et dans cet échange silencieux, Houda comprit qu'elle avait deviné. Les éclats de sanglots qui s'échappèrent d'elle exprimaient une douleur bien plus profonde que les mots ne pourraient le faire. Son père, jusque-là muet, laissa échapper un soupir chargé de déception.

Ses sœurs étaient longtemps parties : l'une pour l'université et les deux dernières pour le lycée. La tension dans la maison était devenue palpable. Les gouttes de sueur perlaient sur son front et ses mains tremblaient légèrement tandis qu'elle s'efforçait de maîtriser ses émotions.

___ Comment... comment tu as pu faire ça ? Et sans nôtre permission ? demanda sa mère, qui passa sa main sur son visage, essuyant une larme qui y roulait sur sa joue déjà humide.

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