Chapitre 34 🌙

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« La vraie compréhension réside dans le fait d'accepter l'autre avec ses imperfections. »

Soilahedine interrompit un instant son geste en entendant les pas derrière lui. Il continua de laver les assiettes sans se retourner, ses mouvements devenant de plus en plus lents.

Houda se tenait dans l'encadrement de la porte, observant son mari en silence. Elle avait toujours été reconnaissante de la manière dont il l'avait acceptée, sans poser de questions, sans la juger. Le jour de leur mariage, il n'avait pas bronché en découvrant qu'elle n'était pas vierge. Il s'était contenté de lui dire doucement : « Je comprends. » Mais, qui l'avait particulièrement touchée, c'était la façon dont il avait insisté auprès de sa famille pour qu'ils n'exigent aucun drap blanc, aucun des rituels habituels. « Ce qui se passe entre nous, reste entre nous, » avait-il déclaré.

Mais maintenant, en repensant à tout cela, un doute l'envahissait tout comme un virus infecte un organisme. Ce « je comprends », était-ce simplement de la compréhension, ou est-ce qu'il savait déjà, bien avant cette nuit ?

Houda fut envahie par une étrange sensation, un mélange d'incertitude et de malaise, comme si tout ce qu'elle pensait connaître de lui venait soudainement de vaciller. De surcroît, le lien qu'il entretenait avec Zaher la terrorisait, ses menaces le jour de l'Eid résonnèrent en boucle.

___ Tu es revenu, interrompit-il le silence en lui faisant faisant face.

___ Oui, répondit-elle, je ne suis pas partie pour m'attarder. Soilah, j'ai besoin des réponses. Je veux savoir comment tu as découvert mon secret et pourquoi tu m'as épousée.

Soilahedine essuya ses mains sur un torchon puis s'arrêta devant sa femme, la regardant intensément dans les yeux. La détresse était visible dans son regard lorsqu'il prit sa main.

___ Je ne regrette pas d'être ton époux, Houda et je t'aime vraiment beaucoup, dit-il en caressant ses doigts. Je vais tout expliquer.

Ils s'installèrent sur le canapé et il entama son récit :

___ Depuis le jour où vous m'avez aidé à me rendre chez ma grand-mère, l'idée de t'épouser ne m'a pas traversé l'esprit. Je pensais que souvent les femmes comme toi, par exemple préféraient les hommes avec un travail bien payé. Donc, quand j'ai eu envie de me marier, j'avais déjà trouvé le type d'épouse qui m'approuverait.

Soilahedine se souvint comme si c'était hier. Il était prêt le jour de l'Eid à se rendre chez Binti, une veuve pour lui demander en mariage. C'est alors là qu'il vit Houda, qui ne l'avait pas oublié, mais en pleine discussion avec un homme.

L'expression de la jeune femme le fit hésiter de poursuivre son chemin. Il se demandait si cet inconnu l'importunait. En s'approchant à une distance de deux mètres, il l'entendit dénigrer l'homme qui répondait du nom de Zaher. Soilahedine n'eut pas le cœur de lui signaler à sa présence derrière elle. Cependant, il retint son étonnement en écoutant la suite de la conversation.

Zaher le regardait sans lui révéler son intrusion. Quand Houda eut terminé, elle s'en alla, laissant Soilahedine figé sur place, son cœur compatissant aux révélations secrètes qu'elle venait de faire. Il était en colère contre cet inconnu qui osait lui sourire avec arrogance.

___ Donc, c'est à cause de toi qu'elle refuse de se marier.

Au final, après qu'ils aient s'affronter verbalement, dans un élan de colère il prit la décision de partir à son tour, mais juste avant de s'en aller, il s'arrêta brusquement, se retourna pour lui souligner quelques derniers mots à cet homme sans scrupules.

___ Je voulais te dire que ta petite manigance de dévoiler son secret ne marchera pas, en tout cas pas avec moi. Aucun homme ne voudra d'elle, dis tu ? Tu te mets le doigt dans l'œil.... C'est de ce genre de femme que certains hommes se battent même pour avoir. Ton assurance sur ce point n'as fait que renforcer mon désir de faire d'elle la mère de mes enfants.

Ensuite, il rentra chez lui.

Le récit d'Houda l'intriguait, les répliques de cette femme lui avait plut. Sa réponse franche et son courage face à cet homme le firent réfléchir prudemment. Il décida donc de se lancer, de lui proposer de l'épouser, peu importe sa réponse. Il venait de trouver la femme qu'il désirait dans sa vie.

Il chercha avant tout à en savoir plus sur elle auprès des autres. Et le lendemain après-midi, il se trouvait devant sa maison, la boule au ventre à l'idée de la rencontrer.

En voyant Zam-Zam, la benjamine, sortir, il se sentit soulagé. La jeune fille accepta de discuter avec lui et de lui donner son avis. Puis, elle lui promit d'en parler à son aînée, qui était à la Grande Comore et ils convinrent de ne pas lui révéler son nom.

Plus tard dans l'après-midi, Soilahedine était au stade NAA pour jouer un match de football en tant que gardien de but. Pendant la deuxième mi-temps, il remarqua une foule se rassembler autour de quelqu'un en détresse. Il reconnut Zaher et on l'a aidé à le conduire aux urgences, où un lavage gastrique fut réalisé.

___ C'est ainsi que les événements se déroulèrent et il m'avoua après ses intentions,... des intentions qui finirent par se retourner contre lui. Ensuite, je lui trouva quelqu'un pour lui faire du roqya et il s'est remis sur pied avant de retourner à Ngazidja. Je lui ai donné mon numéro qu'il m'informe de son état car il n'était même pas capable de parler et j'ai oublié de prendre le sien et je n'ai pas eu de ses nouvelles jusqu'à présent.

Houda l'avait écouté attentivement du début jusqu'à la fin, et peu à peu, le puzzle prenait forme. Elle comprenait maintenant à quoi son ex faisait allusion dans son message et elle était soulagée que son mari ne soit pas ce qu'elle redoutait.

___Je lui ai tendu la main parce qu'on ne rend pas le mal par le mal. Allah Anza wa djallah a dit dans le coran : La bonne action et la mauvaise ne sont pas pareilles. Repousse le mal par ce qui est meilleur; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux.

___ Sinon, j'aurais pu le laisser là, mais ça n'aurait rien changé à ce qu'il t'a déjà fait, expliqua-t-il.

___ Oui, c'est vrai. Et je comprends maintenant que tu m'as épousée pour m'aider à cacher mes erreurs. Merci beaucoup, dit-elle, une lueur de reconnaissance dans les yeux.

Elle était heureuse d'être tombée sur lui et ne regrettait pas d'avoir dit oui à cette union.

___ Je t'aime encore plus aujourd'hui qu'hier. Et comme le disait le Prophète (que la paix soit sur lui), les partenaires sont comme des vêtements qui nous protègent de la nudité. Tu as été là pour couvrir mon péché. Tu es bien au-delà de ce que j'ai demandé à Dieu. Certes, à côté de la difficulté il y'a une très grande facilité.

Houda prit place sur les genoux de son époux, se lovant contre lui. À cet instant, elle se sentit enfin apaiser, comme si tous ses soucis s'étaient subitement volatilisés.

Un Coup du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant