Chapitre 27 🌙

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« Vaut mieux dire une vérité douloureuse qu'un mensonge qui réconforte. »

Nasma était plongée dans un sommeil profond, son esprit apaisé par le calme de la nuit. Cependant, son repos fut brusquement interrompu lorsqu'elle sentit un liquide frais sur son visage. Elle sursauta, encore ensommeillée, et discerna la silhouette d'Houda dans la pénombre.

___ Réveille-toi, il est l'heure, chuchota Houda. On t'attend dehors.

Son esprit encore engourdi par le sommeil, elle se redressa brusquement. Elle se leva et se dirigea silencieusement vers la petite salle de bains, où elle fit sa toilette en hâte. Ensuite, elle attrapa son sac à dos contenant ses maigres affaires et se dirigea vers l'extérieur. Elle vit l'homme qui était venu la prévenir plus tôt, de ce voyage et le suivit silencieusement jusqu'à l'endroit où l'embarcation les attendait.

D'autres personnes étaient déjà présentes, mais elle ne reconnaissait aucune d'entre elles. Les questions se bousculaient dans son esprit :
« Allait-elle survivre ? »

Ils attendirent patiemment que le commandant les appelle. L'heure était venue d'embarquer sur le kwassa-kwassa, un petit navire utilisé pour ce voyage clandestin. Elle se demandait pourquoi elle avait accepté et si elle risquait de perdre la vie comme son ex. La boule au ventre, elle se raccrocha aux précieux conseils de sa mère et elle pria sur le Prophète ( que la paix et la bénédiction soient sur lui ) pour un voyage en toute sécurité.

Ils montèrent.

Nasma s'installa dans un coin et rabattit sa capuche sur son visage pour se protéger du vent. La mer était calme en apparence, mais les vagues secouaient le petit navire, le faisant tanguer de manière inquiétante. Elle observait l'île s'éloigner lentement, disparaissant à l'horizon, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent au milieu de nulle part, entourés par l'immensité de l'océan.

Elle se recroquevilla sur elle-même, écoutant attentivement de temps en temps les discussions des autres passagers. La traversée se poursuivit sous le soleil brûlant. Par moments,elle buvait un peu d'eau pour rester hydratée, bien qu'elle redoutât de manger, sachant qu'il n'y aurait nulle part où s'abriter pour satisfaire ses besoins.

Vers quinze heures, le commandant leur ordonna à tous de s'allonger silencieusement sur le navire. Ils approchaient de Mayotte, mais pour éviter d'être détectés, ils devraient attendre à la tombée de la nuit pour accoster. Ils restèrent alors immobiles dans cette position, leurs corps serrés les uns contre les autres et trempés jusqu'aux os.

*      *
*

Mounia tordait ses doigts nerveusement en faisant face à Hafsoit, les larmes coulant tandis qu'elle se mouchait. Elle se sentait comme une condamnée à mort devant son bourreau. Tout était de sa faute, entièrement de sa faute. Lorsque son père a contacté le Qadi pour les marier en sa présence, il avait insisté pour que le mariage soit consommé de peur que son élève ne divorce d'elle tout de suite après sa mort. Il voulait juste s'assurer que sa fille était bel et bien son épouse. Personne d'autre que sa mère n'était au courant de son petit mariage.

___ Tu comptes appeler ta femme ?

___ Oui, je dois lui expliquer ce qui s'est passé.

___ Je m'en chargerai. s'empressa-t-elle de dire. Laisse-moi lui parler en personnellement, ne lui dit. rien, s'il te plaît Fayal. Et à personne d'autre avant que je lui parle.

___ D'accord, mais ne prends pas trop de temps.

___ Compris.

Son père décéda le lendemain et c'est au quatrième jour qu'il vit son époux lui adressait ses condoléances. Elle en profita pour lui parler.

___ Je voulais te dire que j'avais prévu d'assister à un mariage à Mohéli....Je suis obligée d'y aller pour quelques jours...car dans la famille de ma mère, il y'a une célébration du mariage...

___ Très bien, tu as mon accord. Mais n'oublie pas de parler à Hafsoit avant de partir. Je comprends qu'après la mort de ton père tu n'as pas eu le temps d'y repenser et de mon côté j'étais obligé de me taire et de rester à ses côtés comme tu me l'as demandé.

___ Merci beaucoup....Bien sûr, je lui en toucherai un mot. Mais avant, il y a aussi une autre chose que je dois te dire.

___ Quoi donc ? demanda Fayal, scrutant le visage de Mounia avec attention.

Mounia hésita un instant, sentant ses mots lui échappait.

___ Je sais que cela peut sembler soudain, mais...

Elle s'interrompt, décidant de ne pas encore divulguer ses sentiments.

___ Ce n'est rien de sérieux.

Quelques jours plus tard, elle oublia d'en parler à son amie. Elle fut tellement absorbée par les festivités qu'elle oublia complètement son récent mariage. Fayal ne l'appela que le premier jour de son arrivée, mais elle ne le rappela jamais. Elle n'enregistra même pas son numéro, qui se perdit parmi les autres appels de la famille, souvent passés depuis des numéros empruntés faute de crédit.

Deux semaines plus tard, elle commença à se sentir mal, pensant que c'était dû à ce qu'elle avait mangé. Au bout de la troisième semaine, n'y tenant plus, elle se rendit à l'hôpital où on lui dit qu'elle était enceinte. Elle fut alors très perturbée, se demandant comment il se faisait qu'elle fût enceinte et c'est là que tout lui revint.

En sortant de l'hôpital, elle composa le numéro de sa mère, pressée de partager la nouvelle. Celle-ci se réjouit et lui fit promettre de ne le dire à personne, pas même à son mari. Puis, lui suggéra de rester à Moheli car les légumes étaient moins cher là-bas qu'à Anjouan.

Après avoir raccroché avec sa mère, elle composa le numéro de Hafsoit.

___ Tu es malade ? s'enquit-elle dès qu'elle répondit.

___ Oui, j'ai trop mal à la tête. J'ai l'impression que ma tête va exploser, répondit-elle d'une voix faible.

___ Je suis navrée. Repose-toi bien et prends soin de toi, lui dit-elle avec empathie.

Après avoir échangé quelques mots de réconfort, elle raccrocha. Cette conversation avec Hafsoit marquait la dernière fois qu'elle l'entendait pour un certain temps.

Quand elle donna naissance à Wahid, elle était vraiment heureuse. Sa mère a rapidement informé Fayal, qui était furieux de découvrir la nouvelle si tardivement. Il lui ordonna de rentrer immédiatement, se sentant trahi. Même s'il savait qu'il était aussi fautif qu'elle, il avait oublié qu'il était remarié et avait reprit une vie plutôt normale.

___ Qu'est-ce que tu as fait, Mounia ? Tu n'as pas dit à Hafsoit au sujet de notre relation ?Questionna Fayal après avoir proposé à la jeune femme de prévenir son ami de son accouchement .

___ Je suis désolée. Je...Dit elle à cours d'arguments.

Fayal réfléchissait déjà à ce qu'il allait dire à sa première épouse.

___ Allons la voir, suggéra-t-il.

___ Je ne veux pas,...pas maintenant. J'ai honte de me présenter devant elle. Vas-y toi avec le bébé...Non, tu vas passer pour le méchant. dit Mounia, pâle et tremblante.

Fayal compatit.

La pauvre, se dit-il.

___ Je vais y aller avec Adam pour lui expliquer. Je t'enverrai un message si elle se calme.

Mounia hocha la tête.

___ Merci et pardon de t'avoir mis dans une situation gênante.

Fayal sortit ensuite, ne sachant pas ce par quoi il allait commencer.

En rentrant chez lui, il vit dans les yeux que sa femme avait pleuré, même si elle prétendit que tout allait bien.
Il était certain d'une chose, qu'en divulguant la vérité il allait provoquer à nouveau ses larmes. Néanmoins, il estimait que cela était préférable qu'un mensonge réconfortant.

Un Coup du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant