Chapitre 22 🌙

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« La honte de nos décisions nous enseigne les plus dures des vérités. »

Houda accourut vers la maison pour que ses sœurs ne la voient pas pleurer. elle avait honte tellement honte de toutes les décisions qu' elle avait prise dans ces moments-là. Elle était tellement aveuglé par le chagrin au point de briser les liens qui l'unissaient à lui,... au prix de la vie de deux êtres innocents.

Pour sauver sa dignité, elle les a bani de sa propre vie. Elle aurait dû réfléchir ou laissé ses parents choisir à sa place. Mais non c'était tellement évident pour lui à l'epoque, il était imperatif de ne pas garder cette grossese de préserver l'honneur de ses parents et le sien. Son égoïsme l'avait poussée à prendre cette mesure extrême. Les jours qui suivirent furent marquées par des relations superficielles et des regards pleins de jugements silencieux. Sa mère, le visage fermé lui rappelait constamment le prix de son choix. Son père, quant à lui, était devenu distant, leur relation s'étant refroidie comme une brise d'hiver.

Malgré tout, Houda continuait de sourire en public, cachant ses craintes et ses regrets derrière une façade soigneusement construite. Mais la nuit, lorsqu'elle était seule, ses pensées devenaient insupportablement bruyantes. Elle imaginait son avenir et se voyait souvent mise de côté, sa valeur diminuée aux yeux de la société.

Aujourd'hui, elle récoltait ce qu'elle avait semé.
Elle avait fait la prière de consultation comme convenu et à plusieurs reprises, priant de tout son cœur pour obtenir une réponse claire.
Toutefois, elle ne vit rien en rêve qui la concernait, ni rien de changeant dans son jugement. Son cœur ne parvint pas à accepter cette idée. Elle refusait d'assumer le rôle de la seconde épouse, car cela ravivait ses souvenirs. Cette culpabilité la rongeait jusqu'aux os.

Elle donna sa réponse à son amie sans hésitation, ne voulant pas être une deuxième épouse. Mais cela ne s'arrêtait pas là, elle ne se sentait pas prête à se marier, pas tant qu'elle n'aurait pas fait la paix avec elle-même. Dans les ultimes jours du mois de ramadan, Houda se consacra corps et âme à la spiritualité. Au cœur de ces dix derniers jours se cachait la Nuit du Destin, Laylat al-Qadr, une nuit dont la valeur surpassait mille mois. Une nuit, disait-on, où les vies étaient bouleversées et les chemins tracés ou réorientés.

Laylat al-Qadr était bien plus qu'une simple nuit, c'était un moment où les croyants se tournaient vers le ciel avec ferveur, où les âmes étaient en communion avec le Seigneur. C'était durant cette nuit que le Coran avait été révélé au Prophète Muhammad (que la paix soit sur lui ). Une nuit durant laquelle les destinées de toutes les créatures de l'année à venir étaient scellées, la vie et la mort inscrites dans le grand livre du Destin. Le moment où les portes de la miséricorde divine s'ouvraient grandement, où les péchés étaient pardonnés et où les prières étaient exaucées.

Houda avait l'intention de profiter de cette période de grâce pour se rapprocher de Dieu, pour se purifier et se préparer à affronter son passé.

* *
*

Hafsoit s'affairait en cuisine, préparant avec soin de pois d'Angole au lait de coco, le plat préféré de son mari. Pourtant, son esprit était ailleurs, perdu dans les méandres de ses pensées. La réponse attendue de Houda ne la surprit pas, mais elle ne put s'empêcher de se sentir soulager de même de se préoccuper de la suite, sachant qu'une autre prendrait sa place.

Le poids de son incapacité à mener une grossesse à terme pesait lourdement sur elle, mais elle comprenait que c'était sa part d'épreuve et rien ne pouvait la modifier. Les fausses couches subies au cours des premières années avaient été des épreuves pénibles, chaque goutte de sang versée lui rappelant durement sa défaite.

Fayal, son époux, avait été un soutien précieux dans cette longue période de sa vie. Bien qu'il s'agissait au départ d'un mariage arrangé, sa bienveillance et son respect lui avaient permis de développer de l'affection pour lui, voire même de l'amour.

Elle qui n'avait pas eu la chance de poursuivre des études universitaires, ses parents n'ayant pas les moyens financiers nécessaires. Cependant, son mari l'avait encouragée après leur mariage à poursuivre ses études, et il avait même pris sur lui en l'aidant à étudier.

Aujourd'hui, elle était fière du métier qu'elle exerçait dans une école, où elle gèrait les finances, accueillant les parents qui venaient payer la scolarité de leurs enfants.

Malgré tout, le désir d'avoir des enfants brûlait toujours en elle. Les fausses couches étaient toujours un sujet tabou sur lequel elle n'osait pas parler, même pas à sa famille, depuis sa dernière conversation avec sa belle-mère.

___ Pourquoi prends-tu autant de temps pour avoir un enfant ? Il faut être jeune pour cela, ainsi tu seras tranquille plus tard, s'était-elle entendu dire, une remarque qui creusait encore plus le gouffre de son chagrin.

__ Je suis retombée enceinte, Louanges à Dieu, après quatre fausses couches.

La réaction de sa belle-mère ne fut pas celle qu'elle attendait.

___ Tu es sûre ? demanda-t-elle, presque comme si elle doutait de la véracité de ses paroles. Puis, après un moment, elle ajouta un Ok, c'est bien.

C'etait plus tard qu'elle comprit que cette dernière avait secrètement comploté derrière son dos, visant à marier son fils à une autre femme. Son mari refusa, affirmant son attachement à sa femme qui portait son enfant.

Cependant, un coup du destin frappa de nouveau ultérieurement. Elle entamait son sixième mois de grossesse et une interruption de grossesse brutale et périlleuse l'agita, qui avait faillit l'envoyer dans l'autre monde. Depuis cet événement traumatisant, elle ne parvint plus à concevoir.

Les souvenirs douloureux l'envahirent alors, faisant de nouveau couler ses larmes. Mais elle se reprit rapidement en entendant la voix de son mari.

___ As salamou anlaykum, dit-il, rompant le silence.

Elle lui répondit avec un sourire radieux.

___ Ça va ? demanda-t-il, percevant peut-être la fissure dans son masque de bonne humeur.

___ Oui, mentit-elle.

___ D'accord, répondit-il doucement, comme s'il cherchait ses mots.

La pièce fut tomber dans le silence. Chacun regardant l'autre sans dire un mot.

___ Je veux te parler de lui, reprit-il, en lui montrant ce qu'il tenait dans ses bras.

Un Coup du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant