Chapitre 24 🌙

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« Quelquefois, les échos du passé reviennent pour nous rappeler les chemins que nous n'avons pas empruntés. »

L'ambiance festive était présent dès le lever du soleil. Les sœurs s'étaient réunies tôt le matin pour entamer les préparatifs. Les gâteaux ont été soigneusement disposés sur la table du salon, aux côtés des friandises. Nasma se chargeait de faire les décorations, veillant à ce que chaque détail soit à sa place. Pendant ce temps, leur mère, experte, guidait Zam-Zam dans la cuisson du pilao à la viande. Les arômes se répandaient dans toute la maison, créant une ambiance appétissante.

Soudain, l'entrée de la maison s'ouvrit, laissant entrer une bouffée d'air frais. Le père de Houda fit son entrée, accompagné de ses amis et de leurs enfants. Ils étaient venus apporter à la famille les chaleureuses salutations de l'Eid, en leur serrant la main et récitant : « Allahuma djaenlna mina l'Eid wal fayizine sinina baenda sinina » ( Ô Allah, accorde-nous la grâce de vivre l'Aïd et d'être parmi ceux qui réussissent, année après année ).

La journée se déroula magnifiquement, marquée par l'effervescence des membres de la famille venant leur rendre visite. L'Eid al-Fitr était l'occasion par excellence pour réunir toute la famille, une opportunité unique de se retrouver sans aucune excuse.

Aux alentours de l'après-midi, Houda et ses sœurs se préparèrent pour sortir. Elles enfilèrent leurs plus beaux habits et chaussèrent des souliers neufs. Elles mirent du khol dans leurs yeux. Elles marchèrent d'un pas décidé jusqu'au stade, où se déroulait un match. À l'entrée, Nasma et Eam-Zam achetèrent leurs billets avec enthousiasme, impatientes de rejoindre les spectateurs déjà installés dans les gradins.

Le stade était animé, regorgeant de personnes de tous âges, petits et grands. L'atmosphère était électrique, vibrant au rythme des exclamations et des acclamations. Les odeurs alléchantes des snacks flottaient dans l'air, ajoutant à l'excitation générale.

Houda refusa de les suivre, elle n'était pas dans son élément. En se promenant dans les environs, elle entendit des passants parler d'un concours de récitation coranique à Pangahari. Elle se dirigea vers le lieu du concours. Arrivée sur place, elle découvrit une scène fabuleuse où de jeunes enfants et adolescents récitaient les versets coraniques. L'un des membres du jury les guida en indiquant le verset, et ils continuèrent de réciter par cœur.
Après, un temps fut accordé aux professeurs pour délibérer, puis le présentateur appela le premier gagnant sur l'estrade récupérer son prix. Ensuite, il appela les autres, un par un, jusqu'à ce que chaque récitant soit récompensé pour son effort.

Alors que la plupart des spectateurs commençaient à s'en aller, Houda resta sur place, figée par une émotion qu'elle peinait à nommer. Elle remarqua quelques enfants qui se couraient après, riant et jouant innocemment. Une lueur de mélancolie traversa son regard alors qu'elle les observait.
Elle imaginait une autre vie, une où elle aurait gardé ses enfants. Elle les voyait courir autour d'elle, entendait leurs rires joyeux, sentait leurs petites mains dans les siennes. Ces visions étaient à la fois belles et déchirantes, des fantômes d'un futur qui ne s'était jamais réalisé.

Peut-être aurait-elle pu choisir de donner naissance à ses enfants et de les placer en adoption, tout comme sa propre mère l'avait fait avec elle. Car si cette dernière avait décidé d'avorter, elle ne serait peut-être pas ici aujourd'hui. En fin de compte, elle doit tout aujourd'hui à sa mère biologique. Elle avait une dette à vie envers elle et à chaque fois qu'elle était payé, elle lui envoyait un peu, c'était la moindre chose qu'elle pouvait faire pour la remercier.

Houda se souvient de ce jour où, assise sur la plage de Moya, sa mère biologique lui confia l'histoire de sa naissance. Elle avait appris que sa venue au monde était le résultat d'une relation hors mariage, une situation délicate qui aurait pu prendre une tout autre tournure. Mais son père biologique a insisté pour qu'elle ne soit pas avortée, assumant la responsabilité de soutenir sa mère pendant la grossesse.

Son départ pour Mayotte était censé apporter un nouveau départ. Il s'était rendu là-bas pour exercer son métier de carreleur, une compétence dans laquelle il excellait et son cousin lui avait embauché. Après qu'il aie accepté, il lui loua un navire spécial pour le transporter jusqu'à l'île.

Mais, sept mois plus tard, il cessa d'envoyer de l'argent à Dalila. Aux derniers nouvelles, il était marié à une maoraise. Face à l'abandon cruel de son copain et ne recevant plus de nouvelles de lui, elle avait décidé de se rendre chez sa grande sœur à Domoni pour accoucher, épuisée par les reproches incessants de sa mère. Consciente des risques liés à une interruption de grossesse, elle avait choisi de la mener à terme et d'abandonner l'enfant à l'hôpital après l'accouchement.

Absorbée dans ses pensées, Houda ne remarqua pas la présence de quelqu'un qui se tint derrière elle.

___ Tsi djiviwa soiffi yivo nahu wona bo Houda ( je suis très heureux de te revoir ô Houda ). S'exprima l'individu.

Houda sentit son souffle se couper, comme si le monde avait ralenti autour d'elle. La voix qui avait pénétré son esprit, elle la reconnaissait si bien. Son parfum, doux et familier, la ramena instantanément à une époque où leur amour était tout ce qui comptait.

Elle se tint immobile, le dos droit malgré les tremblements invisibles qui secouaient ses mains. Houda lutta contre l'envie irrésistible de fermer les yeux, de mettre son ongle dans sa bouche et de fuir cette confrontation imprévue. Mais, elle tint bon.

Le silence présent entre eux parlait plus que des mots. Le vent, complice silencieux de ce face-à-face soufflait doucement, faisant danser les déchets éparpillés à leurs pieds.

Il s'avança pour se placer juste en face d'elle, et son regard se posa sur son ex-petite amie, la détaillant de la tête aux pieds.

___ Tu as bien grandi, dit-il d'une voix douce, brisant le silence qui pesait sur eux. Un peu mince, mais c'est bien toi en personne.

Houda osa enfin affronter son regard. Ses doigts étaient serrés en poings, une tentative désespérée pour ne pas perdre le contrôle de ses émotions. Elle avait l'impression que le temps s'était figé, que le monde entier avait cessé d'exister, à l'exception de cet homme qui se tenait devant elle.

___ Que fais-tu ici ? demanda-t-elle, cherchant un point de discussion neutre, évitant de plonger trop profondément dans le passé.

Il esquissa un sourire vainqueur, comme s'il comprenait les motivations de sa question.

___Je suis venu jusqu'ici pour toi. répondit-il simplement.

Alors que le silence s'installait entre eux, Houda se demandait comment elle allait gérer cette rencontre inattendue avec Zaher, l'homme qu'elle avait essayé d'éviter toutes ces années.

Un Coup du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant