Chapitre 5 🌙

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« Les cœurs les plus proches portent les secrets les plus lourds, mais c'est en partageant ces fardeaux qu'ils trouvent leur véritable force. »

Karima marchait de long en large dans sa chambre, l'anxiété se manifestait sur son visage. Elle se voyait comme une hypocrite envers sa sœur. Chaque fois qu'elle essayait de s'ouvrir, elle se heurtait à un mur. Son courage s'amenuisant comme l'air d'un ballon se dégonflant. Elle se promit alors de lui en parler aujourd'hui, sentant que c'était peut-être le moment ou jamais.

Elle se dirigea vers la porte, frappant avec appréhension, mais aucune réponse ne vint. En ouvrant, elle découvrit que la chambre était vide. Elle se rappela soudainement que sa grande sœur avait commencé à travailler à l'hôpital de Domoni.

Comment avait-elle pu oublier alors que la veille même, Houda était venue la voir dans sa chambre, le visage illuminé ?

___ Je suis prise, je suis prise ! avait-elle crié, toute excitée.

___ Calme-toi et raconte.

___ J'ai postulé au laboratoire de Domoni et on vient de m'appeler, j'ai été acceptée !

___ C'est fabuleux !

Karima retourna dans sa chambre, rassembla ses affaires pour son cours de l'après-midi et prit rapidement un repas avant de partir pour attraper le bus vers l'université.

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Houda était nerveuse alors que la date de son mariage approchait à grand pas, prévu au cœur du mois d'août. Les préparatifs étaient en plein essor et sa mère était constamment absorbée à participer aux autres mariages dans l'espoir que ces faveurs soient réciproques. Le temps pressait, et à chacune de ses retour, la pile de tissus cousus destinés pour la cérémonie n'en finissait pas de s'accumuler.

Houda s'ennuyait beaucoup et se trouvait dans l'incapacité de quitter la maison, car la tradition exigeaient que la future mariée demeure à domicile, se consacrant entièrement à son apparence en portant le masque appelé « M'sindzanu », reconnu pour conférer une peau lisse. Elle était dégoûtée de ne pas pouvoir se rendre au travail. C'était son seul moyen de se changer les idées. À l'hôpital, en voyant les femmes enceintes et les personnes malades dans des situations si difficiles, elle se rappelait souvent cet adage : Sans les problèmes des autres, mes propres soucis m'auraient consumée.

La promise saisit le bois de santal et le frotta de manière circulaire avec les deux mains sur la pierre du corail en y ajoutant du henné. Une pâte jaune se forma et elle appliqua cette mixture sur son visage, s'assurant de bien la répartir sur chaque centimètre.

Tard dans la nuit, elle fut réveillée par une envie pressante. En sortant aux toilettes, elle marcha silencieusement dans le couloir obscur et parvint à la chambre de sa cadette. Des murmures provenaient de l'intérieur, signalant qu'elle était éveillée. Tout de suite, elle envisagea d'entrer pour la taquiner, mais ce qu'elle entendit la figea sur place.

Houda retint son souffle, écoutant attentivement chaque mot prononcé de l'autre côté de la porte. Les paroles murmurées étaient si intimes, chargées d'émotions déchirantes, que son cœur se serra dans sa poitrine. Elle se retira discrètement avant d'être repérée. En rejoignant sa chambre, elle s'affala sur le lit sans même prendre la peine de se couvrir d'un drap.

Le jour suivant, Houda attendit avec impatience le moment où elle pourrait se retrouver seule avec Karima. Lorsqu'enfin l'opportunité se présenta, l'aînée prit une grande inspiration et se lança.

___ Karima, il faut que je te parle, commença-t-elle. J'ai malgré moi entendu ta conversation hier soir. Est ce que c'est bien lui, Malik ?

Karima afficha une expression de déni sur son visage.

___ Ce n'est pas tes affaires, tu as mal entendu, répondit-elle sèchement.

Déçue par sa réaction, Houda l'observa intensément. Elle ne voulait pas l'offusquer mais plutôt lui permettre de s'ouvrir.

___ Je suis ta sœur, je m'inquiète pour toi, c'est tout. Je ne cherche pas à m'immiscer dans ta vie ni à te juger. Je veux juste te comprendre.

Karima soupira. Les murs qu'elle avait érigés pour se protéger commençaient à se fissurer.

___ Je sais que tu t'inquiètes, mais il y a des choses que je préfère garder pour moi en ce moment. C'est compliqué, Houda.

___ D'accord. Si jamais tu veux en parler, n'hésite pas.

___ Merci.

Alors qu'elle s'apprêtait à sortir, Karima s'arrêta. Elle se tourna vers sa grande sœur, les yeux remplis de larmes prêtes à déborder.

___ Houda... je... je ne sais même pas comment te dire ça... J'ai peur que ce soit trop tard, mais tu dois connaître la vérité. Elle prit une profonde inspiration, ses mains tremblant légèrement. Malik... Malik était mon petit ami. Quand papa lui a parlé de venir demander la main de l'aînée, il a accepté sans hésiter, pensant qu'il s'agissait de moi. Mais quand il est venu, et qu'il t'a vue à ma place,... Il a été pris au dépourvu, il ne savait pas quoi faire... Il m'a suppliée de te l'expliquer, mais...je n'ai pas eu le courage. J'avais tellement peur de te blesser, j'ai été incapable de le faire, surtout en apprenant vraiment ta situation.

Houda se tut, ne s'imaginant pas que sa sœur abandonnerait l'homme qui l'aimait pour sa foutu réputation. Malgré cela, elle était heureuse que sa sœur ait pensé à elle, mais ne voulait en aucun cas être la cause de sa tristesse, qu'elle lisait dans ses yeux à ce moment-ci.

Karima, quant à elle, ne parvenait plus à masquer son inquiétude. Elle fixait ses mains, jouant nerveusement avec ses doigts, incapable de rencontrer le regard de son aînée.

___ Je ne pensais pas que ça serait aussi dur, avoua-t-elle d'une voix à peine audible, comme si le fait de prononcer ces mots rendait la situation encore plus réelle.

Houda sentit son cœur se serrer. Voir sa sœur si tourmentée, lui était insupportable. Elle prenait soudain conscience du sacrifice énorme que Karima avait consenti et cela la bouleversait.

___ Ne renonce pas à ton bonheur pour moi. Je ne veux pas être la cause de tes regrets à venir et ton bonheur compte autant que le mien.

___ Papa ne va pas être content, ajouta cette dernière, ses yeux se remplissant de larmes qu'elle s'efforçait de contenir.

___ C'est vrai, papa ne va peut-être pas comprendre tout de suite. admit-elle. Mais ce n'est plus à toi de porter ce fardeau. Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes. Il veut le meilleur pour nous, mais nous devons lui montrer que le meilleur pour toi, c'est d'être avec Malik.

Elle prit doucement la main de sa cadette dans la sienne, cherchant à lui transmettre un soutien réconfortant.

___ Je ne veux plus que tu t'inquiètes à cause de ça. Je ferai le nécessaire pour que tu épouses Malik.

Karima esquissa un faible sourire en retour. Elle savait que la route serait difficile, mais à cet instant, le soutien de sa sœur lui donnaient la force de croire à un happy-end .

Un Coup du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant