Chapitre 8 🌙

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« Les épreuves nous rappellent que même dans la nuit la plus sombre, il y a des étoiles qui brillent encore. »

Le lendemain, la demeure s'emplissait de visiteurs venus exprimer leurs condoléances.

Pendant les trois jours de deuil, Houda habitait dans la maison comme une étrangère, évitée par Karima comme si elle portait en elle la peste. Le regard de sa cadette était redoutable, chargé d'une haine tenace envers elle. À ses yeux, celle qui l'avait aimé jadis était désormais une meurtrière. La simple évocation du nom d'Houda était comme une déchirure dans le cœur de Karima, un rappel cuisant de ce qu'elle avait perdu.

Elle revoyait le visage paisible de son nourrisson, qui était figé dans un dernier souffle qui ne venait pas.

Ces souvenirs dévastateurs se faufilaient dans chaque recoin de sa mémoire, tels des spectres imprévisibles. Elle se retrouvait souvent plongée dans les abysses de la tristesse, incapable d'échapper à l'emprise de son deuil. Les nuits étaient les pires. Dans le silence, les images revenaient avec une netteté cruelle. Elle revivait la froideur clinique de la salle, le cri étouffé qui avait secoué son être alors que la réalité s'abattait sur elle.

Chaque journée était une lutte pour elle, une lutte contre le grand vide qui s'était creusé en elle. Elle tentait désespérément de trouver un sens à cette tragédie, de donner un sens à la vie qui avait été brisée et à celle qui continuait autour d'elle malgré tout. Mais chaque battement de son cœur, chaque souffle qu'elle prenait, portait le poids de l'absence et du souvenir douloureux de son enfant perdu.

Jour après jour, Nasma et Zam-Zam s'efforcèrent de la convaincre de renouer le dialogue avec leur sœur aînée, mais malheureusement leurs efforts furent avérés en vain. Les liens qui autrefois unissaient ces sœurs étaient rompus, et une nouvelle réalité s'était installée, altérant leur relation.

* *
*

En fin d'après-midi, Houda prépara son sac pour se rendre à l'hôpital pôle de Domoni où elle devait travailler au laboratoire de nuit avec sa collègue dévouée, Sawda. Leur garde était chargée. Installée devant son poste de travail, Houda commença par vérifier les échantillons collectés tout au long de la journée par d'autres techniciens. Chaque tube de prélèvement était soigneusement étiqueté avec le nom du patient, la date et le type d'analyse requise.

Elle suivit méticuleusement les procédures standardisées pour chaque type de test, garantissant ainsi la précision et la fiabilité des résultats. Pendant ce temps, Sawda se déplaçait continuellement pour effectuer des prélèvements à chaque appel, que ce soit aux urgences ou à la maternité.

Au petit matin, lorsque les premières lueurs du jour éclairaient le laboratoire, les autres membres de l'équipe revenaient, prêts à entamer une nouvelle journée de travail. Malgré ce nouvel élan, Houda ne se sentait pas du tout rafraîchie. Ses paupières étaient lourdes, le manque de sommeil rendant chaque clignement d'œil difficile.

Alors, dans le calme de sa chambre, épuisée, elle se déshabilla et se glissa dans son lit. Son esprit refusait néanmoins de se taire. En fermant les yeux, elle espérait trouver le réconfort du sommeil, ses pensées s'éloignant peu à peu après une bonne heure passé.

Néanmoins, une sensation étrange la tira brusquement de son voyage onirique. Des gouttes d'eau éclaboussèrent son visage, et c'est là qu'elle repéra Zam-Zam penchée au-dessus d'elle, un sourire malicieux sur les lèvres. Houda la fixa avec incrédulité, son esprit encore confus entre le monde du rêve et de la réalité.

___ Qu'est-ce qui te prend ? Murmura -t-elle, la voix enrouée.

Zam-Zam sauta sur le lit et se tint devant elle.

___ Réveille-toi, la belle au bois dormant ! Aujourd'hui, c'est une journée spéciale et je ne veux surtout pas voir ma sœur préférée clouer au lit toute la journée.

La révélation s'insinua doucement dans son esprit et elle gémit en essayant de se cacher sous son drap.

___ Je suis trop fatiguée pour sortir, je n'en ai pas envie.

Zam-Zam secoua la tête avec détermination, tandis que sa grande sœur marmonnait quelque chose d'incompréhensible. Elle ignora ses protestations en se penchant un peu plus près.

___ Regarde-toi, Houda ! On dirait vraiment que tu viens de sortir d'un film d'horreur. Tes cernes sont si prononcées qu'on a l'impression que tu participe à un concours de « qui peut avoir l'air le plus épuisé » ! !

Houda souffla d'exaspération, tandis qu'un léger sourire apparut sur son visage. Zam-Zam avait toujours ce talent de lui arracher un sourire, même quand elle n'en a pas envie. Elle savait que sa petite sœur avait raison.

___ D'accord. Je vais me préparer, mais uniquement parce que c'est ton anniversaire, déclara-t-elle en se levant du lit.

La plus jeune sortit en courant, exprimant sa joie dans la maison. Houda sourit en se demandant comment une femme de vingt et un ans pouvait encore agir comme une gamine. Par contre, elle soupira en regardant son téléphone, qui indiquait seize heures et demie.

Le temps dédié à la prière du Dhuhr était déjà révolu. Ce rituel religieux, autrefois un pilier stable dans sa vie, s'était transformé en un fardeau au fil des jours. Tout avait commencé par la négligence de la prière matinale, qu'elle avait omise exprès, puis progressivement, elle avait abandonné les quatre autres, créant une distance croissante entre elle et Dieu. Au lieu de renforcer ses liens avec Celui qui allège les fardeaux, cette tristesse la maintenait à l'écart du repentir, devenant ainsi sa propre forme de punition pour tout ce qu'elle avait fait.

Quelques instants plus tard, elles déambulaient sous le soleil brûlant à travers les ruelles étroites et sinueuses de Momoni. Elles avaient entendu parler d'un lieu particulier à l'extrémité du quartier, où autrefois on déposait de la nourriture pour les djinns. En atteignant le bout du chemin, Houda se tint au bord de la falaise, contemplant l'immensité azurée de la mer devant elle. Son cœur battait fort, non seulement en raison de la beauté du paysage, mais aussi à cause du vertige qui l'envahissait.

Elle se tourna vers ses sœurs, le souffle court et leur demanda d'avancer pendant qu'elle les attendait là. Impatientes et moqueuses, ces dernières partirent sans un regard en arrière.

Houda chercha refuge à l'abri du vent dans une structure en cours de construction, offrant ainsi une vue directe sur l'océan. Elle choisit consciemment cet endroit pour pouvoir être seule avec ses pensées. Ses yeux étaient fixés sur les vagues ondulantes de la mer, chaque mouvement lui évoquer des souvenirs douloureux, des fragments du passé qu'elle aurait préféré oublier. Les contours de sa vision s'estompèrent tandis que des larmes embuaient ses yeux. Sous le poids des souvenirs, elle ferma les paupières dans une tentative désespérée d'échapper à la douleur qui remontait en elle. Les vagues, avec leur rythme apaisant, semblaient l'inviter à plonger au cœur de son propre tumulte émotionnel.

Soudainement, une pensée l'effleura, fugace et effrayante. Elle s'approcha, son cœur tambourinant dans sa poitrine, tandis que le vent caressait son visage.

Un Coup du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant