Chapitre 7 🌙

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« Les mots peuvent blesser, mais c'est le silence qui laisse les cicatrices les plus profondes. »

À l'hôpital, elle fut rapidement prise en charge. Les médecins et les infirmières s'affairèrent autour d'elle, essayant de raviver la lueur de la vie dans ses yeux. Sa mère, préoccupée, récitait des versets coraniques en pleurant, ses larmes tombant sur le sol. Pendant ce temps, son mari, visiblement inquiet, faisait les cent pas depuis une heure. Chaque minute qui passait semblait être une éternité d'angoisse et d'incertitude.

Houda resta immobile, les yeux rivés sur la porte de la salle d'urgence, revivant intérieurement le cri déchirant qu'elle avait poussé en découvrant sa sœur à terre, un cri étouffé par l'horreur de la situation. Son premier réflexe, dans cette scène cauchemardesque, avait été de vérifier fébrilement si Karima était toujours en vie.

À l'intérieur de la salle d'opération, le chirurgien se prépara à intervenir tandis que l'anesthésiste administra une anesthésie générale à la patiente. Cette dernière se trouvait dans un état tel qu'il était impossible de procéder à une césarienne locale.  Revêtu de sa tenue stérile, le chirurgien se tint prêt. La salle, plongée dans une lumière blanche et clinique, dévoilait chaque recoin de l'espace dédié à cette intervention cruciale. Étendue sur la table d'opération, la patiente était entourée d'une équipe médicale attentive. Les professionnels de la santé se concentraient sur la procédure, et peu de temps après, le moment tant attendu arriva : le bébé fut délicatement retiré du ventre de sa mère.

Aux alentours de cinq heures du matin, l'hôpital s'éveilla lentement. Un infirmier, se frayant un chemin à travers la marée humaine, éleva sa voix dans le couloir bondé.

___ Qui fait partie de la famille de madame Karima Mahmoud ?

___ Moi ! Moi ! répondit promptement Malik.

Ils se levèrent tous d'un bond, se précipitant vers lui, qui leur fit signe de le suivre. Ils s'engagèrent dans le dédale des couloirs blancs, les pas résonnant.

___ La patiente est stable. Elle est réveillée.

Un soupir de soulagement s'échappa des membres de la famille, comme un poids qui se levait de leurs épaules. Les yeux de Habiba brillèrent de larmes de gratitude.

Le père de Karima, s'avança pour poser des questions sur l'état de sa fille, mais il se ravisa.

___ Par contre, elle a perdu le bébé. Dit l'infirmier pour les prévenir avant d'entrer.

Un silence de plomb s'abattit sur la petite assemblée, une tristesse immense s'insinuant dans leurs cœurs déjà éprouvés. Les sourires de soulagement s'effacèrent. La nouvelle se répandit comme un écho funeste, transformant la victoire de la stabilité en une défaite amère. Ils se tinrent tous là, face à cette douloureuse réalité, unis dans leur peine pour Karima et pour le petit être qui ne verrait jamais le jour.

En entrant dans la chambre, Ils la trouvèrent, assise sur le lit d'hôpital, les épaules secouées par des sanglots et son visage déformé par la détresse. Malik, se dirigea vers elle, la prenant doucement dans ses bras. Les autres membres de la famille restèrent en retrait.

C'est alors que Karima, les yeux rougis et brûlants à force de pleurer, observa sa grande sœur d'une façon accusatrice. Les mots jaillirent de sa bouche tremblante, emportés par l'ouragan de sa souffrance.

___ C'est de ta faute, tout ça est arrivé à cause de toi !! cria-t-elle, sa voix chargée de ressentiment.

Ses parents, le cœur serré, tentèrent de la raisonner, mais elle était submergée par sa peine et continua de plus belle.

___ Maman n'a cessé de te rappeler d'assécher l'eau par terre... et maintenant, à cause de ton insouciance, j'ai perdu mon bébée !

Houda se sentit accablée par les paroles de sa sœur. La culpabilité pesa sur ses épaules. Les mots de Karima résonnaient dans sa tête, réveillant une conscience naguère endormie. C'était vrai, elle avait tendance à oublier d'essuyer l'eau après avoir versée son contenu dans la poubelle de toilette. Cette simple négligence, apparemment insignifiante, avait conduit à une tragédie inimaginable.

Les larmes embuèrent ses yeux alors qu'elle sortait de la chambre, incapable de soutenir les coups d'œil réprobateur de sa sœur. Les émotions tourbillonnaient en elle. Elle se dirigea vers l'extérieur, cherchant un peu d'air frais pour apaiser son esprit tourmenté. Dehors, le monde semblait indifférent à sa douleur. Elle s'assit sur le rebord de l'hôpital, laissant ses pensées errer dans le tumulte de ses émotions. Elle se rongeait les ongles compulsivement, espérant trouver un semblant de réconfort. Ses ongles étaient si courts qu'on pouvait voir le rouge de la chair. Enfin, Houda se résolue de rentrer seule à la maison et marcha d'un pas hésitant.

Dès qu'elle franchit le seuil de la maison, ses petites sœurs l'accueillirent avec une avalanche de questions. Pourtant, elle ne prit pas la peine de répondre et à la place, ce furent les larmes qui refirent surface, trahissant sa détresse bien plus puissant que des mots ne pourraient le décrire.

Elle se laissa tomber sur le canapé, les mains tremblantes essayant en vain de sécher ses larmes. Nasma et Zam-Zam se turent, comprenant que ce n'était pas le moment.
Après plusieurs minutes, elle trouva enfin la force de parler. Sa voix était fragile, presque étouffée par l'émotion, tandis qu'elle leur expliquait.

Ses proches l'écoutaient en silence.

Après avoir partagé ce fardeau, elle se retira dans sa chambre. Les larmes coulèrent librement sur son visage et le lit sur lequel elle reposait devint un sanctuaire. La fatigue physique se mêlait à l'épuisement émotionnel. Une prière muette s'éleva de son cœur brisé, une supplication même silencieuse adressée au ciel : « Je suis fatiguée, je veux mourir ».

Ses mains tremblaient et ses doigts serraient les draps comme si cela pouvait soulager son âme tourmentée. Les souvenirs de la journée tournaient en boucle dans son esprit, chaque détail amplifiant son sentiment d'impuissance. L'obscurité de la chambre reflétait son état intérieur, une obscurité pleine de tristesse et d'un désir intense de trouver enfin la paix.

Un Coup du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant