Chapitre : 1

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« Le voyage le plus long commence souvent par un pas hésitant et une décision courageuse. »

Les semaines passèrent, et avec elles, Houda s'efforça de reconstruire sa vie. C'était un défi de chaque instant. Au début, la nouvelle routine religieuse était presque impossible à suivre. Se lever tôt pour la prière de l'aube était une épreuve quotidienne. Les draps chauds et l'appel du sommeil la retenaient toujours, la tentation de rester allongée était forte. Mais elle savait qu'elle ne pouvait pas abandonner, pas cette fois.

Elle se souvenait des paroles du prédicateur Nader Abou Anas, qu'elle avait écoutée attentivement. Elles résonnaient encore dans sa tête : Reste ferme sur le droit chemin, même quand tout autour de toi semble t'éloigner de Lui.

Lentement, elle commença à s'adapter, à changer des habitudes qu'elle avait depuis toujours. Peu à peu, elle se détacha des influences négatives de son passé, de ces personnes qui l'entraînaient dans des comportements destructeurs. Elle devint plus sélective, choisissant de s'entourer de ceux qui l'inspiraient à être meilleure.

Malgré les difficultés initiales, ces changements avaient peu à peu pris racine dans sa vie quotidienne.

Ce soir-là, dans la chambre qu'elle partageait avec ses sœurs, Houda rangea silencieusement ses affaires. Le soir tombait doucement sur l'île et la lumière du bougie jetait une lueur chaude sur la pièce. Ses cheveux tressés étaient tirés en arrière, dégageant son visage, marqué par les premières épreuves de son voyage intérieur.

Non loin d'elle, Nasma, la troisième de la fratrie, était plongée dans une activité automatique, pliant soigneusement ses vêtements, mais son esprit toujours ailleurs. Sa peau plus sombre que ses aînées, brillait sous la lumière, et épouser les ombres avec douceur. Sans ses lunettes, ses traits avaient une certaine douceur, un air rêveur.

Zam-Zam, la benjamine, était d'un tout autre genre. Elle était une boule d'énergie, jetant ses vêtements dans sa valise avec une indifférence totale. Plus claire de peau, elle illuminait la pièce par son rire et ses bavardages incessants. Les tee-shirts et pantalons volaient dans l'air avant de tomber en désordre sur le sol. Mais cela ne la dérangait pas.

Karima, quant à elle, prenait son temps. Avec ses petites joues rondes et son air mélancolique, elle triait des photos et lettres. Chaque souvenir était précieux pour elle et les rangeait dans un petit sac. Dehors, la pluie battait contre le toit en tôle.

Enveloppées dans leurs couvertures, les filles s'étaient perdues dans le monde des rêves, bercées par le murmure des feuilles des cocotiers dansant au rythme du vent.

Le matin, ils étaient tous réunis à l'arrêt de bus, prêts à partir. Houda ressentait un poids dans sa poitrine. Ses sœurs ignoraient toujours du pourquoi ils partaient et cela la rendait nerveuse. Elle aurait voulu tout leur dire, expliquer la raison de ce déménagement, mais elle savait qu'il y avait des choses qu'elle ne pouvait partager, des secrets qu'elle devait garder pour elle-même. Le regard de ses sœurs, innocentes, pleines de curiosité, la frappait. Mais elle ne pouvait pas briser leur monde en leur révélant la vérité. Elle mordilla sa lèvre inférieure, hésitant entre le désir de parler et la nécessité de garder le silence.

Le bus arriva enfin, son moteur grondant comme un géant endormi qui s'éveillait. L'aînée prit une profonde inspiration pour masquer ses émotions et monta à bord avec un enthousiasme feint. Elle choisit une place près de la fenêtre et s'installa sur les chaises inconfortables. Le cuir usé était rugueux sous ses doigts, mais elle ne prêta pas attention à l'inconfort physique, son esprit était déjà préoccupé. Ses yeux scrutèrent discrètement les visages des passagers qui montaient à leur tour, cherchant tout signe de reconnaissance ou de familiarité. Elle se demandait si quelqu'un parmi eux connaissait son secret, si quelqu'un pouvait lire la culpabilité dans ses yeux.

Ensuite, l'automobile démarra, se frayant un chemin dans les rues agitées de la ville de Moroni. La jeune femme regardait les rues s'éloigner à travers la fenêtre, les marchés colorés de Volo-volo, les étals de fruits frais et les vendeurs criant leurs offres. Les odeurs d'épices et de viande grillée flottaient dans l'air. La vie continuait, indifférente à son départ, mais en elle, c'était tout un monde qui s'était effondré.

Le trajet jusqu'à l'aéroport de Hahaya était long, chaque minute semblant étirer le temps, chaque seconde un pas supplémentaire dans l'inconnu.

Par la suite, le bus se gara finalement devant l'imposante entrée de l'aéroport international de Moroni Prince Said Mohamed Cheikh. Les grandes lettres majestueuses de l'inscription brillaient sous les rayons du soleil, accueillant les voyageurs d'une promesse d'aventure. Une fois à l'intérieur, la petite famille se dirigea vers le comptoir d'enregistrement, où ils posèrent leurs bagages sur la balance, les yeux fixés sur les chiffres clignotants. Chaque seconde semblait interminable jusqu'à ce que le poids soit enfin accepté et un soupir de soulagement s'échappa de leurs lèvres, avant de se diriger vers la salle d'attente, animée par les voix des voyageurs.

Houda et ses sœurs partagèrent des anecdotes et échangèrent des regards complices, tandis que leurs parents discutaient discrètement. Lors de l'annonce pour leur vol AB Aviation, ils se levèrent, récupérèrent leurs affaires et se rendirent à la porte d'embarquement. L'avion les attendait sur le tarmac, ses ailes étincelants. Il paraissait fragile, prêt à les transporter vers des nouveaux horizons.

À travers les hublots, les passagers virent l'île de la Grande Comore se rétrécir et se fondre dans l'océan bleu. Le vol dura environ quarante minutes, qui défilèrent à la fois vite et avec une étrange lenteur.

Houda observa le paysage qui se déroulait sous ses yeux tandis que l'avion amorçait sa descente. Bientôt, ils aperçurent l'aéroport d'Anjouan qui paraissait plus intime que celui de Ngazidja. Il atterrit finalement et les passagers, impatients, suivirent les procédures, se levant et récupérant leurs bagages à main. Ensuite, ils se préparèrent à récupérer leurs valises enregistrées, jetées sans ménagement, comme si elles ne valaient rien.

Après un moment d'attente, Mahmoud, leur père, trouva enfin leurs valises. La famille sortit alors de l'aéroport à la recherche d'un moyen de transport, un bus ou un taxi, qui pourrait les emmener à bon port. Finalement, ils aperçurent plusieurs bus stationnés à proximité et Mahmoud se dirigea rapidement vers l'un d'eux, en expliquant au chauffeur qu'ils devaient se rendre à Domoni. Ce dernier acquiesça et l'aida à charger les bagages lourds à l'arrière. Ils cherchèrent ensuite les sièges disponibles et s'installèrent aussitôt. Puis, quittèrent l'aéroport de Ouani.

Sur le trajet, leurs mères, Habiba citait les noms de chaque endroit. Elle expliqua à ses enfants, qui avaient quitté « l'île au parfum » très jeunes, à l'exception de Zam-Zam, née à Ngazidja, que leur père avait décidé de déménager sur la grande île en raison de la forte demande pour son travail.

L'environnement naturel et les villages qu'ils traversaient, rendait le voyage moins accablant. Et, il faisait déjà nuit lorsqu'ils arrivèrent dans la ville, Mahmoud se leva de son siège et cria au chauffeur qu'ils devaient descendre là.

Un Coup du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant