LE TOURNANT DE MA VIE

CHAPITRE 2 : LES RETROUVAILLES

Nous marchons depuis trente minutes dans le parc de la villa. Dryss ne m'a toujours pas adressé la parole. Ce silence me glace le sang. En effet, je pense que quelque chose s'est brisé entre nous et je ne sais pas ce que c'est, ni comment le réparer. Je suis terrifié à l'idée de savoir ce qu'il veut me dire. Ne pouvant attendre plus longtemps, je m'arrête brusquement ce qui le fait sursauter. Puis, je me tourne vers lui.

- Bon... ça fait un moment qu'on marche et tu ne m'as toujours pas dit ce que tu voulais me dire, m'attristai-je qu'il y ait une telle distance entre nous.

Mon interlocuteur se tourne à son tour, mais il n'ose pas me regarder, son attention est focalisée sur ses chaussures. En le regardant, j'ai l'impression qu'il porte en lui un poids immense. Il a le dos voûté et ses épaules tombent. Il prend, malgré tout, son courage à deux mains et se lance :

- J'ai voulu te parler en dernier car je savais que ce serait plus long avec toi.

J'attends la suite avec impatience ne comprenant toujours pas où il voulait en venir. J'espérais silencieusement qu'il me donnerait des explications à sa disparition soudaine dans ma vie. Mes émeraudes restent fixées sur sa silhouette immobile.

- Je... je voulais m'excuser !

Il laisse un silence plutôt désagréable. Je ne sais pas quoi faire, ni où me mettre. Je suis là en face de lui, mais il n'a même pas la condescendance de me regarder. C'est légèrement décevant, mais je ne lui en tiendrai pas rigueur.

- Je... Je suis désolé pour tout Daël, sincèrement désolé, reprend-il avec une voix tremblante.

Il est loin d'être sûr de lui, mais une chose est sûre, c'est qu'il ne ment pas quand il dit qu'il est sincèrement désolé. Ça se voit, ses yeux se remplissent de larmes qu'il tente, tant bien que mal, de retenir. Il n'arrive plus à prononcer un seul mot. Ses lèvres sont comme soudées l'une à l'autre. Si durant cinq ans, j'ai réussi à enfouir au fond de moi la tristesse et la colère que me provoquait cette séparation, le voir ainsi me déchire le cœur. La boule dans ma gorge grossit à chaque minute qui s'écoule et mes yeux s'humidifient. Je fais le seul geste qui marchait à l'époque : je le serre fort contre moi. Il fond littéralement en larmes. Ce simple contact nous montre bien que rien n'est perdu entre nous. Un lien existe toujours. Même si ce n'est qu'un fil, le principal, c'est qu'il soit toujours là.

Quand Dryss reprend ses esprits, il se décolle en me prenant par le bras et m'emmène avec lui. Le ciel s'est assombri rapidement et les lampadaires sont bien trop espacés laissant une lumière faible sur notre chemin. Nous voyons à peine où nous allons. Malgré tout, je le suis sans me poser de question puisque je lui fais toujours confiance. On s'assoit sur l'un des nombreux bancs de l'espace vert.

- Je... je sais que je t'ai fait énormément de mal et je m'en excuse, commence-t-il, le regard dans le vide. Mais sache que, moi aussi, je souffre de cette distance que j'ai pu mettre entre nous.

Il laisse le temps filer quelques secondes. Les rayons de la lune éclairant l'espace, donnent au parc d'incroyables reflets argentés. L'imposant banc de pierre sur lequel nous sommes installés est inconfortable, froid, mais rien ne pouvait, en cet instant, me distraire des paroles de Dryss. Il soupire longuement tout en prenant son visage dans ses mains. Il a l'air tellement désemparé. Je n'ai qu'une envie, c'est de le prendre dans mes bras. Pourquoi je ne le fais pas ? J'ai simplement peur qu'il me rejette ou bien qu'il se taise à jamais.

- Ce n'était pas voulu, sanglote-t-il, je ne voulais pas. Et je l'ai mise avec tout le monde. Je ne suis vraiment pas à l'aise à cause de tout ça, mais je veux vous retrouver tous. Plongeant ses yeux d'un bleu profond dans les miens, il enchaîne : et surtout toi ! Je n'oublierai jamais tout ce qu'on a vécu ensemble, tous ces moments de joies, de délires, toutes ces blagues qu'on s'est faites. Tout ça me manque... Je m'en suis vite rendu compte, mais j'étais bloqué.