LE TOURNANT DE MA VIE

CHAPITRE 3 : UN GESTE AMICAL

Je sors de mes rêves en étant secoué par le bras. J'ouvre les yeux difficilement après avoir dormi seulement quelques heures puis je remarque que c'est Kélan qui vient de me réveiller. J'aurais préféré sommeiller encore et encore. Il est assis sur le rebord du canapé et à côté de lui se trouve Harsen avec des yeux brûlant d'impatience. Confus, quelques instants, mes yeux scrutent la pièce de fond en comble. Le soleil est déjà sorti et éclaire le salon où je me trouve. Je me demande quelle heure il est ? Au bout de plusieurs minutes, je sais où je suis et avec qui. Quand je tourne ma tête, je vois tous les membres de la série rassemblés autour de nous, le visage illuminé, qui nous observe. J'ai l'impression d'être une bête de foire. Mon ami aux lunettes rectangulaires m'explique rapidement que Harsen est descendu le premier et qu'il est vite remonté pour réveiller tout le monde afin que chacun puisse observer le rapprochement. Merci à Harsen d'avoir ameuté tout le groupe. Au départ, je ne comprenais pas puisque j'avais la tête dans le brouillard. Puis, je me rends compte que Dryss dort dans mes bras. Je lui caresse les cheveux en lui chuchotant son prénom, histoire qu'il se lève à son tour. Il se réveille tel un chiot qui ouvre ses yeux pour la première fois. Il est trop craquant. Quand il comprend qu'il est dans les bras d'un autre homme que son petit ami, il panique et se détache brusquement de moi tout en s'excusant.

- Alors, on veut tout savoir ! Vous avez fricoté ? Avouez-le ! s'enthousiasme Harsen avec un air vicieux.

Je me mets à rire puis je rétorque avec le plus grand sérieux :

- Pourquoi veux-tu savoir ? Tu es jaloux ? Tu aurais aimé être à ma place ? Pas vrai ? Je prends le même air vicieux que lui sur le visage.

Ce dernier me fait une grimace et Kélan frappe l'épaule de ce vicelard.

- Pour une fois, il t'a cloué le bec et bien comme il faut. Allez, viens ! Laisse-les se remettre de leur très courte nuit, enjoint-il en nous faisant un clin d'œil. Ils vont nous rejoindre quand ils seront prêts. Il se lève et embarque l'asiatique avec lui vers la salle où le petit-déjeuner nous attendait.

Mon compagnon de canapé fuit mon regard, il est très embarrassé. J'essaie de le rassurer en disant que ce n'est pas un drame, qu'on s'est juste endormi sans s'en rendre compte. Il est complètement terrifié. Ses mains se triturent entre elles et ses yeux tremblent. Il est assis en tailleur et se balance d'avant en arrière comme le ferait un autiste en pleine crise.

- Il ne faut pas que Bill soit au courant. Il ne faut pas que Bill soit au courant, marmonne-t-il dans l'incompréhension.

Je déchiffre, non sans difficulté, cette phrase qui tourne en boucle comme un disque rayé, mais quand celle-ci prend enfin sens pour moi, c'est un électrochoc. Je pose mes mains sur ses épaules et plonge mes yeux dans les siens.

- Dryss, tout va bien avec Bill ? m'inquiètai-je.

Aucune réponse. Évidemment, il fallait s'en douter, vu l'état dans lequel il est.

- Réponds-moi ! m'affolai-je, le faisant sortir de son monde dans un sursaut.

- Tout va bien. Qu'est-ce que tu vas t'imaginer ?

Il fuit mon regard et je n'aime pas ça. Quelque chose cloche. Pourquoi n'avait-il pas répondu dès ma première question sur sa relation avec son compagnon ? Son comportement est très étrange. Il se lève, son dos craque.

- Ben alors, on devient vieux ? Dormir dans un canapé n'est déjà plus de ton âge ! le charriai-je pour détendre l'atmosphère.

Il me sourit timidement après cette réflexion. Il me connaît comme quelqu'un qui veut tout savoir, non pas pour être intrusif, mais parce que je m'inquiète pour tout le monde. J'ai ce besoin en permanence d'être au courant des états d'âmes et d'esprits de mes amis pour ne pas me tourmenter en m'imaginant des choses. Souvent les pires choses qui puissent arriver. Mais cette fois-ci, je respecte son choix en changeant de sujet. Quand je me lève, plusieurs craquements se font ressentir dans mon corps.