Chapitre 40

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Jenny était sublime. Elle avait enfilé une combinaison noire qui lui permettait de dissimuler le pansement sur sa cuisse, et des talons encore plus vertigineux que les miens. Son charisme était vraiment à couper le souffle. Ses longs cheveux d'ébène tombaient en cascade sur son dos, on aurait facilement pu lui donner quatre ans de plus. Robin se faisait du souci, et à juste titre. Son sourire charmeur devait faire tourner les têtes.

La soirée battait son plein, et jamais depuis mon départ de chez mes parents je ne m'étais senti si bien. L'agitation, les conversations légères, les rires. Tout me rendait heureuse. Les membres de la meute, sans le savoir, pansaient lentement mes blessures. Juste en étant eux même, ils participaient à ma guérison.

Et concernant Robin... Je ne trouvais pas les mots pour définir ce qu'il nous unissait. Jamais je n'aurais un jour pensé pouvoir ressentir quelque chose d'aussi fort. Chacun de ses regards me faisait chavirer, chacune de ses caresses me faisait frissonner, et sa seule présence suffisait à me rappeler ce que c'était d'être en vie et de compter aux yeux de quelqu'un. Il m'arrivait souvent de m'imaginer à quoi aurait pu ressembler sa rencontre avec mes frères. Et à cette idée, un léger sourire flottait sur mes lèvres. Il les aurait séduits, par son amabilité et son altruisme, comme il l'avait fait avec tous les habitants d'Aston.

Justement, son attention ne cessait de revenir sur moi. Du fond de la pièce, il écoutait poliment ce que lui racontait Richard. Une main dans la poche de son jean, la manche de sa chemise remontée sur son tatouage, ses sentiments n'exprimaient que du calme, du bien-être, et de la plénitude. Malgré ça, il avait aussi hâte que moi que l'on se retrouve tous les deux.

J'étais assise sur le petit canapé en tissu, près d'Hélène. Les amies de Jenny avaient quitté la fête : la météo annonçait de grosses chutes de neige cette nuit, et leurs parents leur avaient seulement laissé la permission de minuit.

Si notre hypothèse était la bonne, je n'étais plus la seule sorcière dans la pièce, et Hélène essayait par tous les moyens de trouver des explications.

— Ma mère aussi était médecin. On est sans doute une famille de Soigneuses. Car je n'ai jamais été très douée pour comprendre les sentiments des autres. Cela dit, je n'ai pas l'impression d'user de pouvoirs particuliers lorsque je fais mon travail. Je fais ce qui doit l'être, c'est tout.

— Samuel m'a dit que les pouvoirs des sorcières étaient presque inexistants. Si ça se trouve, tout ce qu'il en reste, c'est une inclinaison dans certains domaines, ou un petit quelque chose en plus.

Elle acquiesça en réfléchissant.

— Mais pourquoi pourrais-tu te transformer ? Où est-ce que tu puises ton pouvoir si la magie n'existe plus ?

Je me passai une main sur le visage. J'avais l'impression que plus j'en apprenais sur moi et moins j'en savais.

— Je ne sais pas. Je pense que je vais faire une pause avec tout ça, avouai-je, un peu coupable à l'idée de perdre du temps. Après tout ce qu'il s'est passé, on a à peine eu du temps pour nous. Une fois que la neige aura disparu, on se rendra dans la meute de Damian. Ça facilitera la logistique, et ça nous laisse quelques mois pour réfléchir.

J'avais décidé la veille de ne pas me précipiter. Bientôt, la vallée serait presque coupée du monde. Et je voulais mettre ce moment à profit. Je me sentais maintenant comme dans un cocon dans les montagnes. Elles me rassuraient et je rechignais à les quitter. Et c'était la période idéale pour nous retrouver, Robin et moi. À l'idée que l'on puisse être isolés, tous les deux, à la maison, mon cœur s'emballa légèrement.

— Je comprends, lâcha-t-elle. Et avec un peu de recul, tu pourras...

Je me redressai, paniquée, en cherchant l'alpha des yeux. Sa fureur, aussi tranchante qu'un poignard, avait soudainement envahi tout mon esprit. Je me levai et me précipitai vers la porte arrière de la maison. Ralentis par mes talons, je les retirai d'un geste et remarquai à peine que tous les loups-garous présents m'emboitaient le pas. Malgré l'obscurité, je le voyais nettement, de dos, les poings serrés, ses épaules tendues. Je courus jusqu'à lui, insensible à la morsure du froid sur mes pieds. Je m'arrêtai pour analyser la situation. Ses yeux, fixés sur Matt, trahissaient toute la haine qu'il avait pour lui. Mon regard convergea par la silhouette filiforme qui sanglotait près d'eux : Jenny.

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