J'avais oublié à quel point ma chambre à l'Utopie était petite. Jacinthe nous avait ouvert son hôtel au milieu de la nuit, à peine choquée de nous trouver sur le pas de sa porte, couverts de sang et dans un état déplorable. Elle ne posa aucune question, et nous donna tranquillement les clés de la chambre comme si nous étions des clients lambda.
J'allais un peu mieux, malgré la transformation qui m'avait vidée. Pleurer m'avait fait du bien, et j'avais laissé Robin prendre le contrôle de mon esprit. Il m'insufflait un tel parfum de sérénité que j'avais seulement envie de fermer les yeux pour ne me réveiller que l'année prochaine.
Il fit tout de même couler un bain, et je m'installai dans l'eau avec délectation. Il se glissa derrière moi, et le contact prolongé de sa peau aida mes dernières angoisses à s'envoler.
J'étais parfois déroutée par sa personnalité. Avec moi, il n'était que douceur, compréhension, et générosité. C'était un véritable roc auquel je pouvais me raccrocher. Il n'avait jamais de doutes, ne se posait aucune question. Je ne pensais pas avoir rencontré quelqu'un d'aussi fiable au cours de ma vie.
Mais je savais que son comportement avec les autres était différent. À cause de son statut d'alpha, il se devait d'être autoritaire, respecté, et ne montrer aucune faille. Et c'était un rôle difficile. Stressant, et avec beaucoup de responsabilités. L'image du loup refermant sa gueule sur la nuque d'Elias surgit dans mon esprit, mais je la chassai rapidement. Il avait fait son devoir d'alpha, et même si parfois il semblait penser le contraire, il était fait pour ça. Certes, cela dérangeait la part d'humanité en moi. Mais j'avais bien compris que les loups-garous avaient moins en commun avec les hommes qu'on aurait pu le penser. Ils avaient gardé des loups leur hiérarchie, ainsi que leur brutalité.
Ses doigts se baladaient tranquillement le long de mon bras, et son cœur battait moins vite qu'à l'accoutumée. Il était détendu. Après tous ces jours d'angoisse à attendre le retour d'Elias, nous pouvions enfin être un peu plus sereins.
Je jouais distraitement avec les bulles de savon. La nuit était presque terminée, il était largement temps de dormir. Mais aucun de nous deux ne voulait mettre un terme à ce moment.
Malgré moi, je rompis le silence d'une voix faible.
— Tu crois que c'est possible cette histoire de sorcières ? Enfin, je veux dire, tu crois que je pourrais vraiment être l'une de leur descendante ?
Il prit son temps pour répondre. Il réfléchissait, cherchait ses mots.
— Je pense oui. Je serais plutôt mal placé pour ne pas croire au surnaturel. On ne sait pas grand-chose d'elles, donc ce sera difficile à prouver. Mais tu es différente. Même avant la transfusion, tu l'étais déjà. Notre lien était puissant, dès le début. Quand je t'ai rencontré, il m'a déstabilisé. Lorsque tu n'étais pas près de moi, mon cerveau était en boucle, mon loup était instable, il tournait en rond, était toujours à ta recherche. J'avais l'impression qu'il me manquait une partie de moi, et que c'était toi.
Il marqua une pause, puis reprit.
— Quand Samuel a parlé de leur pouvoir, ça ne m'a pas étonné que tu puisses en avoir une partie en toi. Tu as une sensibilité supérieure à la normale. Tu es plus observatrice, à l'écoute, et réfléchie que n'importe quel humain que je connais. Peut-être que ces qualités viennent un peu de tes ancêtres, ou peut-être pas d'ailleurs. Mais dans tous les cas, les origines de ton pouvoir n'ont pas vraiment d'importance. Que ce soit les sorcières, les loups-garous, peu importe. Tout ce qui compte, c'est que tu sois heureuse, et qu'on soit réuni. À partir de là, tu accepteras ce que tu veux. Je t'aiderai à découvrir ce qu'il se passe, ou ne chercherai pas plus loin si tu ne veux rien savoir.
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WilkołakiAlexia vit avec son deuil depuis plus d'un an. Pour tenter d'anesthésier la douleur, elle a pris la route et finance sa vie de vagabonde grâce à ses photographies. Alors qu'elle se rend dans la Vallée de l'Aube pour les cascades, elle rencontre Robi...