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Chapitre 26

Jenny était blême. J'essayai maladroitement de la rassurer autant que moi. En vérité, j'étais complètement paniquée. Robin avait raccroché précipitamment, et je ne connaissais pas l'étendue des blessures de Matt. S'était-il pris un méchant coup de griffes ou était-il à l'article de la mort ?

— Je suis sûre que ça ira, répétai-je en boucle. Ça ne doit pas être grand-chose.

Elle restait étrangement silencieuse, elle qui était d'ordinaire si bavarde.

— Robin gèrera tout ça, il doit avoir l'habitude de tous ces « trucs », ajoutai-je au cas où des oreilles indiscrètes nous écouteraient.

Je ne savais absolument pas s'il avait déjà fait face à une situation pareille. J'imaginai que oui, étant donné qu'il me répétait sans cesse que les rapports entre loups de clans différents étaient compliqués. Mais lui qui ne supportait pas qu'on s'en prenne à sa meute, il devait enrager.

Jenny avait les larmes aux yeux, je posai ma main sur son genou pour la rassurer.

— Tu t'inquiètes pour Matt ?

Elle hésita.

— Je le connais depuis plusieurs années, j'espère qu'il ne lui est rien arrivé de grave, c'est tout.

Jenny était encore jeune, et plus impressionnable que moi. J'étais complètement terrifiée par ce qu'il venait d'arriver, alors je comprenais qu'elle soit dans tous ses états.

— Robin m'a dit qu'il n'était pas originaire de la vallée, tu sais d'où il vient ? lui demandai-je pour lui changer les esprits.

— Il est arrivé il y a cinq ans à peu près, avec James. Ils se sont enfuis de leur meute. L'alpha qui les dirigeait venait d'être tué, et celui qui a pris le pouvoir a également tué son second, leur père. C'est vraiment des gens terrifiants. Il est parti avec James, et ils ont erré un moment, avant d'atterrir dans la vallée. Robin et les autres se sont vite rendu compte de sa présence, chuchota-t-elle. Je ne sais pas trop comment ça s'est déroulé, mais mon frère l'a inclus à la meute. Matt est encore tellement reconnaissant qu'il ferait n'importe quoi pour lui.

Il devait être jeune lors de son arrivée, car le second avait à peu près mon âge. Cette épreuve avait dû le traumatiser, jamais je n'aurais pu penser qu'il avait un passé aussi douloureux. Il avait toujours le sourire et blaguait sans cesse. James n'était qu'un gamin à l'époque, j'imagine tout le courage nécessaire qu'il lui avait fallu pour fuir avec son frère. Comme quoi, chacun avait des cicatrices invisibles.

Après le voyage en train le plus long de ma vie, nous descendîmes enfin sur le quai. Conor nous attendait, le visage fermé, ses yeux couverts par des lunettes de soleil, et Juliette gazouillant dans ses bras. La météo était pourtant maussade, il ressemblait à un type qui avait une affreuse gueule de bois.

Nous le suivîmes presque en courant jusqu'à sa voiture, puis il attacha l'enfant dans son siège auto avec une vitesse et une dextérité propre aux loups-garous, j'avais à peine eu le temps de boucler ma ceinture.

Après avoir mis le contact, il fit marche arrière en trombe, et s'engagea sur la route principale. Il jeta ses lunettes sur le tableau de bord. Elles dissimulaient ses iris, bien trop jaune pour appartenir à un humain. J'entendais Juliette qui jouait avec les cheveux de Jenny à l'arrière, au moins elle serait distraite le temps du trajet.

— Tes yeux ?

Il balaya ma question du revers de la main.

— Mon loup est aux aguets, petite, j'aurai adoré pouvoir arracher les tripes de ce type.