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Chapitre 16

— Alex ? Tu es prête ?

La voix de Robin au rez-de-chaussée me sortit de mes rêveries. Campée devant le miroir de la salle de bain, j'avais pris quelques secondes pour détailler mon visage. Mes cernes avaient presque disparu : je dormais beaucoup mieux depuis quelques jours, même s'il m'arrivait encore de m'éveiller en sursaut dans des draps humides de transpiration. Même mes joues me paraissaient moins creusées. Avec tout ce que Robin et Jacinthes me forçaient à manger, ça n'avait rien d'étonnant. J'avais aussi dû légèrement desserrer ma ceinture qui maintenait mon jean beaucoup trop grand.

Je détachai mes cheveux trop souvent tressés de manière désinvolte et les brossai rapidement. La réalité me frappa soudain : je ressemblais à celle que j'étais un an plus tôt, je retrouvais peu à peu un semblant de vitalité.

— J'arrive !

J'attrapai mon pull sur son lit et dévalai les escaliers. Il m'attendait, la main sur la poignée de la porte. Il était bientôt midi.

Une petite lueur s'alluma dans ses yeux, et un sourire discret apparu sur son visage. Cependant, il ne dit rien, et me tendit ma veste. Sa bonne humeur flottait agréablement dans l'atmosphère, nourissant encore la mienne.

Je m'étais levée tard car nous avions passé en revue nos morceaux préférés pendant une partie de la nuit, l'un à côté de l'autre. Sa culture musicale était à la hauteur de la mienne, il était aussi mélomane que moi. Même mon frère Axel, qui me surpassait de loin, aurait trouvé en lui un interlocuteur à la hauteur.

Nous profitions de ces moments ensemble, le jour de notre séparation n'allait plus tarder. À cette pensée, mon cœur se serra. J'essayais par tous les moyens d'oublier ce jour fatidique, et de savourer le présent.

Pour l'heure, nous devions nous rendre chez son père pour déjeuner, et nous étions en retard.

Je le précédai à l'extérieur et il nous conduisit jusqu'à la vallée. Le pick up finit par s'engouffrer dans un large chemin en pleine forêt et se stationna devant le chalet.

Il était petit, de plain-pied, tout en bois. Une avancée sur toute la longueur de la maison renforçait cette impression d'exiguïté. De grands sapins l'entouraient, ombrageant tout autour de nous. Heureusement, le temps était clair, et quelques rayons parvenaient à percer le feuillage. L'été, ce devait vraiment être agréable de vivre ici, préservé de la lourde chaleur qui s'abattait à cette saison. Quant à l'hiver... Je ne préférais pas y penser. Les journées étaient courtes et en plus, les arbres devaient empêcher la lumière d'atteindre le sol.

Le père de Robin ouvrit la porte pour nous accueillir sous le porche. À notre vue, un large sourire dévora son visage, que je devinais malgré la barbe parsemée de blanc qui recouvrait sa mâchoire taillée au couteau. Ce sourire franc, vif, je le connaissais : c'était exactement le même que celui de son fils.

Je sortis de la voiture pour rejoindre Robin qui m'attendait.

J'aurais aimé sentir le contact de sa main pour me donner un peu de courage. Je n'avais jamais été très à l'aise avec les inconnus. Je refrénai mon envie et la glissai discrètement dans la poche arrière de mon jean, devinant la sienne qui me guidait, à quelques centimètres du bas de mon dos.

— Papa, voici Alex, j'imagine que Jenny t'a déjà parlé d'elle.

— Bonjour Alex, effectivement, j'ai presque l'impression de te connaître, s'esclaffa-t-il. Je suis ravi de te rencontrer.

Il me serra la main chaleureusement.

— Bonjour, c'est un plaisir pour moi aussi.

Maintenant que je le voyais de plus près, il ressemblait trait pour trait à Robin. Seuls ses cheveux poivre et sel et les marques de l'âge sur son visage les différenciaient. Sa carrure était moins développée sous son épaisse chemise à carreaux. L'homme qui m'accompagnait était légèrement plus grand, mais leurs expressions et l'éclat de leurs yeux étaient les mêmes. Je fus gênée par le regard de fierté qu'il adressa à son fils. Il lui frappa vigoureusement l'épaule, puis nous invita chaleureusement à entrer.