Chapitre 38

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Le vent était glacial. Mes cheveux blonds battaient furieusement mon visage, les bourrasques entraînaient les feuilles qui tourbillonnaient au ras du sol. Ce qui nous attendait m'effrayait. Nous n'avions aucune idée de ce que nous allions trouver. Je resserrai mon châle autour de mes épaules et enfouis ma main dans la fourrure du loup gris à mes côtés. Il leva ses yeux d'or vers moi et mes doutes s'envolèrent.

Nous allions nous battre, et nous allions gagner.

Mes paupières papillonnèrent pour habituer mes iris à la lumière qui perçait à travers les persiennes de notre chambre que nous avions réintégrée quelques jours plus tôt. Ce rêve n'avait rien à voir avec les cauchemars qui m'habitaient d'ordinaire.

Je n'étais pas cette femme, ce loup n'était pas Robin.

Mon subconscient me jouait des tours, extrapolait notre situation pour me faire vivre d'autres aventures, comme si ma vie n'en était pas assez ponctuée...

Je soupirai, roulai sur le côté et butai contre le corps de l'alpha.

Embrumé par le sommeil, il grogna et enroula ses bras autour de moi. Son souffle brûlant chatouillait mon oreille et j'écartai la couverture : pas besoin de ce genre d'artifice lorsque vous aviez un loup-garou dans votre lit. Je blottis mon visage dans son cou et fermai les yeux. J'étais là où il fallait que je sois. Lui seul pouvait m'aider à me reconstruire, à oublier la femme que j'étais devenu au profit de celle que j'étais avant. Notre lien était là, je pouvais le sentir, palpitant au rythme de nos cœurs. Nous nous étions trouvés. Apaisée par sa respiration profonde et régulière, je me rendormis.

***

Robin avait organisé une activité pour renforcer le lien de meute et pour décompresser. Il avait serré la vis lors des récents évènements, et il était temps qu'ils laissent ça derrière eux. Les loups-garous devaient se voir régulièrement. C'étaient des individus sociaux, ils avaient un besoin viscéral d'être ensemble, de partager, de communiquer. Avant mon arrivée, l'alpha passait le plus clair de son temps libre avec eux. Mais depuis, les choses avaient changé. Il était alors nécessaire pour l'équilibre de la meute de continuer à se voir le plus possible. Et j'adorai être avec eux. Ils étaient, en ce moment, ce qu'il se rapprochait le plus d'une famille pour moi. Je retrouvai un peu de mes frères en eux, et ça me faisait du bien.

Nous étions donc en route pour un match de hockey sur glace entre loups-garous. À mon humble avis, cette rencontre allait s'avérer musclée.

J'avais fait connaissance avec ma nouvelle qualité de louve-garou. Et après plusieurs mutations qui m'avaient — je dois l'avouer — bien amusé, j'étais aussi à l'aise dans ma peau de loup que sous forme humaine. Je redécouvrais tout : les paysages, la lumière, et les odeurs. J'avais pleinement conscience de ce qui m'entourait, et mes anciennes perceptions me paraissaient bien fades. Mes photos étaient d'ailleurs bien meilleures. Mon œil était plus précis, plus aiguisé.

Je courais au côté de l'alpha, quasiment deux fois plus grand que moi. Malgré ça, j'étais presque aussi rapidement que lui, et me faufilais avec bien plus d'aisance entre les troncs au sol et la végétation. La sensation de la neige fraîche dans laquelle s'enfonçaient mes pattes, l'odeur de la forêt, le vent glacé qui faisait danser ma fourrure et dont je ne sentais pas la morsure : j'adorai tout ça. Moi qui avais toujours aimé la nature, les grands espaces, jamais je n'aurais pensé pouvoir en profiter de cette manière.

Le loup noir me jeta un coup d'œil, et voyant que je suivais la cadence, força sur ses pattes pour accélérer. Il bondit au-dessus d'un arbre à demi déraciné, alors que je passai aisément en dessous sans avoir perdu la moindre vitesse. Il réatterrit dans un bruit sourd à quelques centimètres de moi, m'envoyant un paquet de neige sur la fourrure.

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