EPISODE 2 : 22°C (#3)

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Moi, je pense qu'il est gay.

Ilyès laisse échapper un râle agacé. Ils viennent à peine de se réveiller, il n'a pas pris son premier café, et Don est déjà sur les chapeaux de roues. Face à l'irritation de son ami, Don tempère :

Attends, attends, écoute au moins ce que j'ai à dire. Il est gay mais ses parents ne l'acceptent pas, c'est pour ça qu'ils l'ont envoyé en thérapie de conversion. Là-bas, il a dupé tout le monde en faisant croire qu'il était redevenu hétéro, mais c'est faux. C'est pour ça qu'il n'en parle pas. Il faut absolument que personne ne sache qu'il est gay.

Un silence feutré transperce la pièce. Les volets ne laissent filtrer qu'un trait pointillé de jour. Ilyès ne perçoit rien d'autre que la silhouette de Don à côté de lui. Et son pif. Merde, son pif est énorme. Le garçon secoue la tête, à bout.

Tu sais qu'il y a des personnes qui sont vraiment envoyées de force dans ces camps de thérapie. C'est pas des trucs à prendre à la légère, reproche-t-il à Don.

Je prends pas ça à la légère ! se défend son ami. Est-ce que j'ai l'air de déconner ? Je crois à fond que c'est arrivé à Jérémie.

Ilyès lève les yeux au ciel. De ses doigts, il effleure son torse collant de sueur. La nuit a été caniculaire et la météo annonce que celles à venir seront pires. Don ne sait pas la fermer, il reprend :

Puis, j'ai lu quelque part qu'un gars sur trois est gay. Si c'est pas toi, si c'est pas moi...

C'est peut-être toi, propose Ilyès.

Il dit ça pour la blague, Don prend les choses avec sérieux.

Tu rigoles mais c'est possible ! J'ai jamais rien fait avec une meuf. Si ça se trouve, je vais détester. A priori, je te dirais non, mais c'est pas impossible. Je mets une option dessus.

Tu sucerais les orteils d'un mec, alors ? rit Ilyès.

Que les orteils !

Un sourire béat sur les lèvres, Ilyès écoute les sons de la maison. Le frère de Don est parti en mer avant le lever du soleil. Il revient tout juste. La baraque est exiguë, les murs sont fins. Quand Loup tire de l'eau dans la cuisine, les garçons entendent la tuyauterie s'animer au-dessus de leurs têtes. Ilyès perçoit les pas, les conversations, presque les respirations. Don dit :

Je pourrais demander à Jérémie s'il veut que je lui suce les orteils. Pour essayer. C'est mon pote depuis des années, il me doit bien ça...

Ilyès en a trop entendu, il craint aussi que Don ne s'excite tout seul. Il n'a pas envie d'être couché dans le même lit qu'un Don qui a la gaule. Pas encore une fois. Ilyès écrase son oreiller sur la figure de Don pour qu'il la ferme, et se lève. Il lui a semblé entendre la porte d'entrée s'ouvrir. Jérémie a dû rentrer. En se réveillant, les garçons ont trouvé son lit vide, il a dû sortir faire un tour pour ne pas les déranger. Ilyès sort de la chambre, torse nu, Don le suit.

Dans la lumière dorée de la matinée, Loup se grille une clope à l'ombre. Le type ne parle pas beaucoup. La veille, il s'est couché tôt, avec un « bonne nuit » pour seul salut. Ilyès l'aime bien. Avec son caractère taciturne, difficile de croire qu'il partage le sang de Don. Les deux frères sont comme le jour et la nuit. Jérémie est là aussi, chaussé d'une paire de baskets bigarrées et d'un short de sport qui lui tombe à peine sur la cuisse. Ses jambes sont pâles et glabres, si fines qu'Ilyès pourrait les briser d'une seule pression. Pour un athlète, Ilyès a toujours trouvé Jérémie affreusement maigre. Il s'est un peu épaissi depuis la dernière fois qu'il l'a vu, mais ses jambes ressemblent toujours à celles d'un poulet. Leur ami dépose un sac de croissants sur la table. L'odeur du beurre leur chatouille les narines.

ChaudOù les histoires vivent. Découvrez maintenant