Chaud

EPISODE 4 : 24°C (#4)

Quand le premier jour des vacances est riche en émotions, les suivants paraissent fades.

Deuxième jour, les garçons n'ont pas bougé. Siloë et Danaé étaient en visite touristique, Don a passé sa journée à se moucher – il a attrapé froid pendant sa baignade, le petit chou. Ils ont fait un barbecue dans le jardin minuscule de Loup : un carré d'herbe cramée encerclé par une palissade en roseau. Au moins, Jérémie a pu discuter avec leur hôte, et se remémorer les bons souvenirs, quand il amenait Don et lui chez les scouts, et qu'ils mettaient la musique à fond dans sa voiture. Couchés à trois heures du matin, réveillé à six heures pour Jérémie. Il n'avait pas pu dormir, il est allé courir.

Quatrième jour, même scénario, Ilyès l'a cueilli à la rentrée de sa course, en allant pisser. Pas un mot. Ils ont bu un café ensemble et se sont recouchés. Cette fois, Jérémie a réussi à pousser jusqu'à midi, épuisé par l'effort. Au réveil, il a envoyé un message à Siloë : « Dispo ? » Réponse dans la minute : « Nope, accrobranche aujourd'hui 😭 » Les gars sont allés à la plage seuls. Ils ont mangé des glaces qui coulaient sur leurs poignets et collaient aux doigts. Jérémie a pris une boule vanille dans un pot. Il ne l'a même pas fini, il l'a refilée à Don. Ilyès a convaincu Jérémie de se baigner. L'expérience n'a rien eu de plaisante, il ne réitéra pas.

Avant de rentrer, ils font un détour par au supermarché du coin pour acheter de l'alcool. Don veut se soûler la gueule ce soir-là, car :

─ Sans déconner, on est en vacances depuis trois jours, et on est restés affreusement sobres.

Dans la voiture, Jérémie envoie des messages à Siloë. Il la persuade de venir, ce soir. « allez, dis à ton père que c'est juste un barbecue », elle rétorque : « non mais tu connais pas mon père !! il acceptera jamais... » Jérémie soupire, quand il dit aux autres que c'est mort, pour les filles. Ils ne bronchent pas. En fait, les garçons s'en fichent pas mal, de ces nanas. Jérémie croit bien qu'il est le seul à s'intéresser à elles. Même Don semble avoir oublié ses plans pour pécho Danaé. Cela tient peut-être à son trouble de l'attention. Il a peut-être carrément oublié l'existence des filles...

En caisse, Ilyès paie. On lui demande sa carte d'identité, et il faut un temps de réflexion à la caissière pour faire le calcul mental entre la date de naissance qu'elle affiche et celle sur l'écran de sa caisse. Quand tous les chiffres se sont correctement arrangés dans sa tête, elle bipe les bouteilles, les barquettes de saucisses et les paquets de chips. Don a glissé sur le tapis un tube de sauce samouraï. Les gars en avaient marre du ketchup. Ils ont passé dix minutes devant le rayon pour lui trouver un substitut.

─ Gros, a dit Ilyès, tu vois la vidéo du mec qui québlo sur les sauces ? Bah, je le comprends, maintenant. J'ai jamais vu autant de sauces.

Ils rentrent à la maison. Loup fume sur le pas de sa porte. Des enfants jouent au foot dans la rue, ils ont improvisé des buts avec divers objets : un seau, un pull, un tuyau d'arrosage. Loup les observe, ou bien, il est chargé de les surveiller, car quand le match devient houleux, il en appelle un par son prénom pour le réprimander. Les garçons extirpent leurs sacs de courses du coffre, le verre des bouteilles carillonnent sous leur pas.

─ Soirée ? devine Loup.

─ Yes, répond son frère.

─ J'ai invité une pote à venir manger, ça vous dérange si on se joint à vous ?

─ Mon gars, l'interpelle Ilyès, on est littéralement chez toi. Tu fais ce que tu veux.

Loup acquiesce, écrase son mégot contre le mur en pierre et se lève pour les laisser passer. Quand Jérémie passe devant lui, leurs torses se frôlent, son cœur tambourine dans sa poitrine.