Chaud

EPISODE 6 : 27°C (#3)

Au bout d'une semaine de vacances, la mère d'Ilyès l'appelle pour savoir quand il rentre. Elle est scandalisée de savoir qu'il reste une semaine de plus. À croire qu'Ilyès ne lui en avait jamais parlé.

─ Tu m'avais promis de garder ton frère à partir de lundi ? Comment je fais, moi, maintenant ?

Ilyès n'a jamais rien promis. Elle met dans sa bouche les paroles qui l'arrangent le mieux. Ils s'engueulent quelques minutes, pendant qu'Ilyès arpente le jardin. Il réussit à obtenir gain de cause – qu'aurait-elle fait sinon ? Sa mère ne serait pas venue le chercher par la peau du cou (ou peut-être que si, elle est capable de tout).

Quand il raccroche, Jérémie ramasse son linge sec sur l'étendoir. Les deux garçons se regardent sans un mot, une tension est palpable dans leurs yeux. Jérémie cède le premier, et esquisse un sourire béat. Ilyès tourne la tête au soleil pour que personne ne décèle le sien. Au moment où Ilyès passe la baie vitrée, Don débarque dans le salon. Il traîne derrière lui un nuage de déodorant Axe. Son visage a disparu sous un bob de pêcheur et des lunettes de soleil rondes. Il proclame :

─ Ce soir... grosse rée-soi des familles. Si, si, si !

─ Tu fais exprès d'être beauf ou ils t'ont modifié génétiquement à la naissance ?

Don l'ignore et rappe des paroles de Koba LaD. Dans la journée, ils ont fait la connaissance d'une bande d'adolescents sur la plage, le courant est bien passé, ils les ont invités à une fête sur la plage. Don a repéré une ou deux filles sur lesquelles mettre le grappin. C'est la raison pour laquelle il cocotte comme si on l'avait baigné dans de l'eau de Cologne. Ce garçon est inarrêtable.

Soudain, Don attrape Ilyès par les épaules, et lui murmure:

─ Ce soir, mon frérot, ce soir, je baise. Je sens que c'est la bonne. Les couilles bleues, c'est fini pour moi.

─ Quel poète, chantonne Jérémie en rentrant.

─ C'est vrai ! La dernière fois, ah, les gars, si vous saviez mon seum. J'étais à ça, genre à ça.

Il montre un écart ridicule entre son pouce et son index. Ilyès a envie de faire une blague sur la taille de son pénis, mais sa curiosité prend le dessus :

─ Comment ça ? Avec qui ?

─ Avec l'une des meufs, là. Siloë.

─ Avec Siloë ? manque de s'étrangler Jérémie.

─ Celle qui a les plus gros seins.

Ilyès et Jérémie se regardent et corrigent :

─ Avec Danaé !

Don acquiesce.

─ Danaé, voilà. On a chanté, tu vois, puis après, petit slow, mains sur les hanches, je te paie un verre. Petit muret, petite musique, petit joint, on s'est embrassés et tout. C'était chaud de ouf. Ah, les gars, je bandais, mais je bandais tellement, tout mon corps était tendu.

Ilyès n'a pas cligné des yeux depuis trente secondes, abasourdi. Où ? Quand ? Comment ? Il est passé à côté d'un scoop comme ça ? Et Don qui n'en parle pas ?

─ Et après ?

─ Après, elle est allée se coucher. Elle était bourrée et défoncée, j'allais rien faire, tu vois. Mais je me disais qu'on en reparlerait le lendemain. Bah... rien, que tchi. Zéro message, même pas un sourire. La meuf s'en bat les couilles. Et les miennes sont bleues.

Les garçons rigolent. C'est la malédiction de Don : il n'a aucun mal à emballer des filles, mais il ne va jamais plus loin. Ilyès pense qu'il bave trop, ça les fait fuir.