Chapitre 47 : Dario Anconetti

24 6 11
                                    

Année 2155

Les soldats se tournent vers moi en entendant ma voix.
Sauf qu'ils ne voient personne ; je suis toujours sous ma forme invisible.

« Qui est là ? Veuillez vous montrez de suite, qui que vous soyez ! » Lance un des hommes, l'air perturbé.

J'affiche un sourire joueur qu'ils ne peuvent pas voir et m'avance de quelques pas sans qu'ils ne puissent le remarquer.

« Où êtes-vous ? Je vous préviens, si vous ne vous montrez pas, nous allons venir, et pas les mains vides si vous voyez ce que cela signifie ! » Crie un autre garde, plus agressif que l'autre qui porte déjà sa main vers son revolver.

Je lance un bouton de ma veste dans le couloir à travers la porte ouverte pour les induire en erreur. L'astuce c'est que je peux rendre ce bouton invisible tant que je le vois, donc ces soldats croiront que je suis dans le couloir grâce au bruit que le bouton fera.
C'est dommage pour ma veste mais j'ai toujours un bouton de rechange dans la doublure, question de précaution d'un homme soigné.

« Il est parti par là, venez ! » Crie le soldat qui tient son revolver en se levant, emmenant avec lui 3 autres de ses collègues.

  « Samir, qu'est-ce que tu fais, viens ! Faut pas qu'il s'échappe ! » Demande-t-il en voyant qu'un des hommes ne le suit pas.

Le "Samir" en question se lève en croisant ses bras musclés. Un calme profond émane de lui, sans pour autant lui enlever une froideur qui rendrait quiconque perturbé par n'importe laquelle de ses actions. Imprévisible, c'est le mot qui lui colle le plus.
Son teint hâlé et ses cheveux noirs rasés presque jusqu'au crâne lui confèrent un air encore plus imposant que sa grande taille ne lui offre déjà.
Si je n'étais pas aussi grand et charismatique que lui, je pourrais me méfier de cet air distant.

« Il faut bien que quelqu'un reste ici si ce bruit est en réalité un piège pour que cet intru entre dans la pièce. Alors il vaut mieux que ce soit moi qui le cueille, et pas un de vous, aussi déterminés que vous l'êtes. Je m'occupe du côté tactique, il me semble que ce n'est pas votre fort ; allez défouler vos muscles sur cet ennemi invisible » Répond-il, la voix profonde et sèche à la fois.

Je dois admettre qu'il m'intéresse. Penser que ma diversion était un piège était déjà ingénieux, mais quand il a lancé que j'étais un ennemi invisible, un sourire satisfait s'est dessiné doucement sur mes lèvres. Enfin un adversaire à ma hauteur.
Enfin un tacticien...

Les autres partent l'esprit un peu agacé par la condescendance dont Samir à fait preuve en les rabaissant à de vulgaires soldats incapables de réfléchir comme lui le fait. Le soldat restant s'assied sur sa chaise, ses bras toujours croisés sur son torse musclé, un regard perçant qui se pose presque sur moi quand il prononce quelques phrases à voix basse :

« Ouh ouh, l'ennemi invisible... Tu peux venir, je suis seul maintenant, un seul obstacles pour obtenir ce que tu cherches... Si facile... Allez, viens, je ne vais pas te mordre, ou alors... Qui sait ? » Dit-il d'un air qui me glace le sang.

Ce type n'est pas normal. N'importe qui de sensé n'appellerait pas un ennemi dont il ne connaît pas les caractéristiques... Sauf si il est certain de gagner le combat. D'ailleurs, comment sait-il que je cherche un document ici ? Le document qui me renseignera sur la position de Bethany doit bien se trouver dans la pile de feuilles qui se trouve à ses côtés...
Je m'avance vers lui en faisant le moins de bruit possible. Dès qu'il tourne la tête ou pose son regard sur moi, je m'arrête d'un coup, je m'arrête même de respirer tellement la pression est grande. Il pourrait appeler les autres dès qu'il m'aperçoit, même si je sais que l'ego qu'il semble avoir n'a aucune envie d'être aidé dans son rôle de soldat.

Je ne suis plus qu'à quatre pas de lui. Un de plus et il sentira ma présence, aussi invisible soit-elle. Alors il faut que j'agisse d'un seul coup.

Je respire profondément.
J'ancre mes pieds sur le sol en direction du soldat.
J'expire tout l'air de mes poumons.
Je me focalise sur le moindre de ses mouvements.
Je respire une dernière fois.
Je fonds sur lui avant même qu'il ne détecte ma présence.

« Quoo-ahh...! » Crie-t-il, surpris, avant que je pose ma main sur sa bouche pour étouffer le son.

Je me sens tout de même coupable. Le pauvre, il ne me voit même pas et pourtant je m'apprête à lui réserver le même sort qu'à l'autre soldat qui a menacé Ava et Eren il y a peu.
Je resserre ma main sur sa bouche et bloque aussi sa respiration nasale.
Je ne compte pas le tuer, seulement le faire s'évanouir ; il n'est qu'une pièce dans l'engrenage d'Aris Reed, il ne mérite pas de mourir à sa place.

Sauf que... Cet imbécile bouge d'un coup sa tête et arrive à me mordre la main !
Je pousse un cri de douleur que je calme de suite afin de ne pas attirer les soldats, mais Samir profite de cette distraction pour avertir ses renforts de ma présence... Plus invisible.

Il a mordu tellement fort dans la chair de ma main que la douleur insoutenable m'a fait perdre ma pleine concentration qui me rendait invisible ! Désormais, il me voit et, sans même attendre les renforts que j'entends courir vers nous, sans même reprendre son souffle, il me lance un coup de poing dans la mâchoire.
Heureusement, je ne suis pas un guerrier né de la dernière pluie, j'esquive son coup et recule là où il n'arrivera pas à me toucher sans avancer.

Je tente de redevenir invisible mais le stress de le voir chercher son revolver d'un air vengeur, les cris des soldats qui sont maintenant devant la porte et la douleur de la blessure m'amènent à l'évidence.

Ce soir, je ne reverrai pas Ava comme chaque jour depuis quatre ans.
Peut-être même que je ne la reverrai jamais.
Il est temps de se dire au revoir, dans ce cas...

- Ava, je suis cerné par des soldats. Je ne peux plus leur échapper. Échappez-vous tous les quatre et fuyez au plus loin de cette maudite tour. J'essaierais de m'échapper dès que je le pourrais, mais l'espoir est mince... Alors, bonne chance Ava, je sais que tu sauras vivre sans moi, tu es si forte... Ton père serait fier de toi, et ta mère aussi. Si je la croise, je lui dirais à quel point tu es incroyable...

Je ferme les yeux qui s'humidifient quand je termine d'envoyer le message à Ava. Je lève les bras au-dessus de ma tête et repense à ce que m'a dit Ava tout à l'heure :

"Il sait qu'il est balnenien. Mais il ne sait pas que tu es son père. Je me suis dis que tu étais la personne la plus appropriée pour tout lui révéler... Tu as eu plus qu'assez de temps pour lui dire, il est l'heure de passer à l'action."

Oui... Il est plus que temps de lui dire.

Une seconde passe : je me représente l'esprit d'Eren.
Deux secondes : je me focalise sur la connexion de nos deux esprits.
Trois secondes : je lui envoie un message par télépathie.

- Eren. C'est Dario. Ava a déjà dû vous dire que je ne vous rejoindrai pas. Mais ça fait longtemps que je dois t'annoncer que... Je suis ton père. Tu pourras vérifier dans les archives, tout est noté sous ton nom. Akio Anconetti, fils de Dario Anconetti... J'aurais aimé plus te connaître et avoir eu le cran de te le dire en face quand il était encore temps, mais il ne faut pas se lamenter sur le passé, il faut voir de l'avant. Occupe toi d'Ava pour moi, je sais que nous séparer va beaucoup l'affecter... Je compte sur toi, Akio. J'espère ne pas t'avoir trop déçu  même si j'ai peu d'espoirs. Je... Je t'aime mon fils...

30 secondes : des menottes sont passées autour de mes poignets.
32 secondes : une larme unique coule vers l'éternité.

Le Test De L'Eden Où les histoires vivent. Découvrez maintenant