Chapitre 19 : Ava Clark

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Année 2155

Je lève la tête vers le ciel étoilé, des constellations apparaissent, disparaissent et virevoltent dans l'espace.

J'arrive à voir la constellation du Capricorne, son étoile la plus brillante, le Dabih, qui brille 1500 fois plus que le Soleil, mais est à peine visible par le fait de sa distance de 150 années lumières...

Parfois, je m'imagine sur une planète que le Dabih illuminerai de mille feux. Il y ferait toujours jour, les animaux seront en union avec la nature et les "Hommes" seraient heureux de vivre là-bas.

Je ferme les yeux et médite sur les paroles de Felix. En restant avec lui, je serais assurée d'avoir une vie parfaite... Je serais protégée, j'aurais un emploi important, je pourrais changer le monde.

Mais je deviendrais folle. Je n'aurais pas une vie parfaite, j'aurais une vie que je ne pourrais plus contrôler. Je ne pourrais pas aimer, créer, chanter, je n'aurais plus aucune liberté.

Mais si je refusais, ce serait encore pire. Je serais envoyée à Abstractia, plus aucuns droits, plus de mémoire de qui j'étais. Plus aucune personne sur qui compter...

Mais ce n'est pas comme si j'avais déjà quelqu'un sur qui compter ici. Je n'ai pas de famille. Aris Reed m'a raconté qu'ils sont partis et m'ont abandonnés dans leur maison. Des soldats, bizarrement en train de passer devant chez eux, ont vu qu'il n'y avait personne. Ils sont entrés de force et ont vu une jeune fille de douze ans enfermée dans sa chambre.

Et puis ils m'ont emmenée à la Tour. Ils ont apparemment pris pitié et je me réveille dans cette maudite Tour depuis quatre ans.

Je n'ai pas d'amis non plus. Comment en avoir quand les seules personnes que vous côtoyez sont des soldats ?

Je suis seule, et mon seul moyen de ne plus l'être sera d'accepter la proposition de Felix.

Je m'approche du bord de la Tour, regarde cette hauteur vertigineuse et me retiens à la barrière de sécurité.

Une larme coule. Je ne l'empêche pas.

Les lumières au loin commencent à s'éteindre et j'ai envie de les suivre et de m'éteindre à mon tour.

« Ava ? »

La porte du toit-terrasse s'ouvre et j'entends une voix d'homme douce et grave. Je me retourne et efface ma larme, l'homme me regarde, ses cheveux ont un peu grisonnés depuis que je le connais, mais ses yeux sombres sont toujours alertes à chaque sentiment que mon visage n'arrive pas à retenir.

Dario Anconetti est comme un père pour moi. C'est lui qui m'a le plus intégrée ici, lui qui me conduisait à chaque cours dans les longs couloirs, lui qui m'expliquait toutes les situations possibles et imaginables qui se sont passées ici à la Tour.

Il s'approche de moi et regarde à son tour le ciel.

« Qu'est-ce qui se passe ? Tu viens toujours ici quand quelque chose te déprime. » Me dit-il doucement en me posant une main sur l'épaule.

« Tu me connais trop bien... C'est Felix, le problème. » Je lui répond en soufflant.

« Qu'est-ce qu'il a fait cette fois ? Il a mis une cravate trop serrée ? Dans ce cas là je te comprends, c'est vraiment de mauvais goût et c'est pas très pratique... » Me dit-il en riant, dessinant un faible sourire sur mon visage.

Je me retourne face à lui et il repose ses yeux sombres sur moi. Je m'éloigne afin de ne pas voir l'horreur sur son visage lorsque je lui annonce la nouvelle.

« Il m'a proposé un marché. Un mariage. Si j'accepte, je reste ici. Si je refuse, je vais à Abstractia. Ça ne me laisse pas beaucoup de choix, n'est-ce pas ?  »

Je n'entend que le bruit de sa respiration pendant quelques instants alors qu'il comprend finalement ce que cela veut dire.

« Quoi ? Il veut... te forcer à le marier ? C'est dégoûtant ! » S'écrie-t-il en me rejoignant, le regard outré par ce que je lui ai annoncé.

« Tu vas accepter ? » Continue-t-il en me prenant la main, me témoignant son soutien.

Je serre dans ma main un petit objet et lui montre, le regard baissé.

Une magnifique bague étincelante d'argent et de saphirs lui apparaît, le symbole de l'Eden à son centre.

« Je suis bien obligée, je n'ai aucune envie de perdre la mémoire. Et puis, il a dit que je serais heureuse... Je ne devrais pas être à plaindre, pleins de gens aimeraient être à ma place. C'est vrai, peut-être que je devrais juste me taire et accepter cette faveur... »

« Ava, je t'interdis de dire ça ! C'est lui qui ne te mérite pas ! Lui qui devrait culpabiliser pour te faire un marché si vicieux. Comment peut-il penser que c'est équitable ? » S'écrie-t-il en face de moi, la voix montant dans les aigus avec sa colère.

« Mais je ne peux rien faire ! Je suis prisonnière d'ici et personne d'autre ne le sait. Je n'ai même pas de famille, ou d'amis qui pourraient m'aider... Sauf toi. Alors je me dois de rester ici pour ne pas te perdre, Dario. »

Il m'enlace et je me laisse aller en faisant couler quelques gouttes brillantes de mes yeux. Je ne peux compter que sur lui ici, et je crois que son aide me sera encore plus utile durant les mois à venir...

« Je vais accepter. C'est la réponse la plus juste à... tout ça. Mais promets moi que tu seras toujours avec moi... » Je lui murmure, serrant toujours son uniforme argenté entre mes bras.

« Promis. Maintenant rentrons, tu vas attraper froid. »

Il m'accompagne jusqu'à la porte de ma chambre et me souhaite une bonne nuit, après un dernier câlin porteur de chance.

Je rentre doucement dans ma chambre en me disant que c'est peut-être une des dernières fois que je l'habiterais seule. Je prend le premier morceau de papier qui me tombe sous la main et écrit trois mots d'une écriture soignée.

Je repose le message devant ma porte en sachant que Felix se lèvera de bonne heure pour connaître le dernier mot de l'histoire. Dans tous les cas, un soldat lui portera bien le petit papier où j'ai inscrit trois mot qui me condamnent à une existence hors du commun.

« J'accepte, Felix. »

Le Test De L'Eden Où les histoires vivent. Découvrez maintenant