Chapitre 10

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La semaine suivante, je rends visite à ma mère, espérant qu'elle mette de l'ordre dans mes pensées confuses. Ma mère est assez diplomate et mine de rien, elle a toujours réussi à comprendre les gens. C'est une qualité qu'elle a dû travailler en tant qu'artiste peintre. Moi, je n'ai jamais eu ce don, je ne sais pas être fine et diplomate. Pour ma situation actuelle, j'aimerai qu'elle me prête sa sagesse. J'aimerai connaitre ses conseils sur Henri parce que dans le fond, je pense que je peux lui faire confiance.

Je pousse la porte de la chambre 205, celle où réside ma mère. Je la trouve debout devant la table où trône un bouquet de lys. Elle n'a pas dû m'entendre car elle ne bouge pas. Elle sourit en touchant du bout des doigts l'une des pétales. C'est alors que je remarque qu'elle porte son chemisier blanc préférer. Celui avec des motifs fleuris.

—Encore, ton ami qui t'offre ces fleurs? Lui dis-je un sourire en coin.

Ma mère sursaute aussitôt et se retourne vers moi. Elle a les joues un peu roses mais ne semble pas gênée. Elle replace une mèche derrière son oreille.

—Je te vois venir, coquine, mais Charles est juste un ami, il n'y a rien de plus entre nous.

—Un ami qui vient te voir avec des bouquets de fleurs. Si tu veux mon avis, cet ami t'apprécie plus que tu ne le penses, lui dis-je en m'approchant.

—C'est quelqu'un de bien et avec lui, je peux discuter de certaines choses. C'est une personne instruite qui a énormément de principes, surtout en matière de peinture. Il aime beaucoup Picasso et ses peintures qui ont dénoncé les horreurs de la guerre.

Elle se penche en avant et sens l'une des fleurs pour camoufler un sourire mais je ne suis pas dupe, ma mère apprécie Charles et ses attentions.

—En l'écoutant parler, j'avais presque envie de reprendre mes pinceaux, finit-elle par dire.

J'ouvre les yeux en grand, surprise d'entendre ma mère parler de recommencé à peindre. Depuis son cancer, elle n'a pas retouché un seul pinceau. Je pensais qu'elle avait arrêté à cause de la fatigue du cancer mais maintenant qu'elle me parle de Charles, je commence à comprendre que c'était "l'envie" qui lui manquer. Une envie que Charles a pu raviver.

—Mouais, dis-je en marmonnant : Toi au moins, tu n'as pas de soucis pour comprendre les gens...

Ma mère s'assoit sur la chaise à côté de la table et croise les bras. Elle me détaille quelques secondes:

—Eve, tu vas bien ?

—Bien sûr, qu'est-ce que te fait dire que j'ai un truc, lui dis-je en m'asseyant à côté d'elle.

—Cette petite ride du lion sur ton front!

Je pose un doigt sur mon front, pile entre les sourcils.

—Maman, je n'ai pas de ride, je suis encore jeune moi!

—Oh, il n'y a pas d'âge pour les soucis. Dis-moi ce qui te tracasse.

Je croise les mains pour calmer cette envie furieuse de me ronger les ongles.

—En fait, c'est à propos d'Henri...

Je lui raconte les derniers jours, notamment la soirée chez Frank Holler. Je ralentis au moment où je lui explique que je me suis introduite dans son bureau par effraction, guettant sa réaction mais ma mère ne me dit rien pendant l'histoire. Elle écoute soigneusement mes propos mais quand je finis mon histoire, elle secoue la tête en me regardant :

To HimOù les histoires vivent. Découvrez maintenant