Chapitre 38

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Je débouche sur une grande salle bétonnée sans fenêtre, où sont entreposées de nombreuses caisses en bois. L'air qui emplit la pièce est chargé de poussière et acide, comme si l'humidité s'était accumulée ou que des chats avaient uriné de partout. J'avance doucement, rappant mes genoux sur le sol bétonné sans faire de bruit et en suivant Muhammad du mieux que je puisse me le permettre pour l'instant. La pièce est plongée dans une semi-obscurité, seulement éclairée par de petites lampes suspendues par un fils, au plafond.

Tout en suivant la trace de Muhammad, je surveille du coup de l'œil les deux soldats qui sont postés au fond de la salle, devant une porte. Eux aussi portent l'uniforme sombre de l'armée, comme le reste des soldats qui surveillent la maison. Pourtant, je ne dois pas oublier qu'au moindre bruit, ils seront alertés.

—Ma femme est restée avec son père, jusqu'à ce que je rentre de mission, dit l'un des deux soldats : Elle n'est pas rassurée quand je pars en mission alors, elle en profite pour rendre visite à toute la famille, histoire de ne pas rester seule, tu vois.

Je m'arrête net au son de la voix et serre les poings contre le béton, comme pétrifié. Les entendre me fait peur, pourtant, le soldat ne me parle pas à moi. J'évacue l'air de mes poumons et reprends ma route, tremblante mais toujours alerte.

—Ouais, ce n'est pas facile à gérer. La mienne, elle n'a pas le temps d'aller voir qui que ce soit, elle garde nos 5 enfants, elle n'a pas le temps de s'ennuyer ou de penser à moi, répond l'autre.

—Et toi, Fred, ta femme?

Le soldat qui marche d'un pas nonchalant a quelques mètres de ma position, leur fait un doigt d'honneur, clôturant les questions des deux soldats.

—Tsss, répond le soldat.

Le silence revient et nous enrobe de nouveau comme un étau. Finalement, je préfère qu'ils parlent. Leurs discussions font du bruit et me rassurent. S'ils parlent, ils deviennent sourds à mes gestes lents et lourds. Heureusement, les caisses me permettent de me frayer un chemin invisible aux trois soldats jusqu'aux garçons. Arrivés vers le fond de la salle, Rachid me fait signe de passer devant lui et d'aller sur le côté droit, vers une ouverture sombre dans le mur. Je me glisse dans le noir sur la pointe des pieds, le plus vite possible. Aussitôt à l'intérieur, mes yeux deviennent aveugle, envahis d'un voile sombre. Instinctivement, je pose une main sur le mur et me relève en tâtonnant le béton froid. Mes yeux s'habituent petit à petit à l'obscurité, dévoilant, un couloir éclairé uniquement par la lumière de derrière moi.

Ouf, il n'y a personne.

Je sors la petite lampe de ma poche et éclaire le couloir. Devant moi, au fond se trouve une porte et une autre sur ma droite. J'ignore où elle mène. Cette maison est un vrai dédale de chemins. La question est : Où sont Henri et ma mère ?

Je m'approche à pas de loup vers la porte a droite et pose mon oreille contre la porte.

Silence.

Pour autant, ce n'est pas parce que je n'entends rien qu'il n'y a personne. Je dois rester prudente ! Je pose une main sur la poignée, prête à entrer. J'inspire le plus d'air possible pour me donner du courage mais une main se pose sur mon épaule. J'étouffe un cri avant de remarquer la présence de Muhammad. Aussitôt, il me fait signe de ne pas faire de bruit et me montre la porte d'un signe de tête. Je recule lentement, tandis qu'il s'avance vers la porte.

Qu'y a-t-il derrière ces portes?

Il pose son oreille sur la première des portes, puis recule. Soudain, Tarek arrive derrière nous et d'un geste du menton, Muhammad lui montre les deux portes. Tarek s'approche aussitôt et pose son appareil sur les deux portes. Le signal rouge de l'appareil passe aussitôt au vert, ce qui veut dire qu'il n'y a personne derrière ses portes. Je suis à la fois soulagé et déçu, parce que ça veut dire qu'Henri et ma mère ne sont pas là.

To HimOù les histoires vivent. Découvrez maintenant