Chapitre 13

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Je me dépêche de sortir du train, j'ai rendez-vous à 15h30 pour visiter ma potentielle coloc. J'ai un bon 40 minutes de retard quand je sonne en bas de l'immeuble. Sans rien me demander, quelqu'un me débloque la porte et je monte les escaliers pour me rendre au 4ème et dernier étage sans ascenseur. Ils ont l'air cool de faire rentrer n'importe qui comme ça.

La porte de l'appartement est ouverte. J'entre dans un salon meublé de canapé troués, de chaises dépareillées et de meubles bancals. Une quinzaine de personnes sont assises par terre, en train de se faire passer ce qui vu l'odeur est un joint sacrément dosé. Je crois que rien qu'en respirant l'air ambiant 5 minutes, je pourrais devenir stone. Ça ou un hôtel poisseux. Je remarque également quelques pancartes sur lesquelles je peux lire « GOUVERNEMENT DEMISSION TELLE EST NOTRE MISSION ». Ça a le mérite d'aller droit au but et en plus il y a une rime. Ça ou un hôtel poisseux, je continue de me répéter dans ma tête. Un des mecs assis par terre se lève et vient me voir.

- Salut, Noémie c'est ça ?

- Oui, je lui réponds en essayant de mettre dans ma voix autant d'enthousiasme que lui, mais je sais pertinemment que je n'y arrive pas.

- Ta chambre est là, dit-il en me montrant une pièce du doigt, voilà les clés, bienvenue.

Okayyyyyyy. Apparemment ici pas d'entretien pour entrer. En même temps, c'est dans la digne lignée de ce qu'il se passe depuis mon arrivée devant l'immeuble. Je m'avance prudemment vers « ma chambre ». Une moquette tachée, un lit dont un pied a été remplacé par une poubelle (pratique ce pied 2 en 1), et quelques vieux habits qui traînent encore un peu partout, pas de doute, je dois vite trouver un boulot pour me casser d'ici.

Les jours suivants sont affreux, je cherche désespérément un travail, j'envisage même quelques illégalités au bois de Boulogne tellement je suis prête à tout pour me barrer d'ici. Et le 3ème jour, le miracle se produit : un job dans ma branche, entretien dès le lendemain. Je prends donc contact avec l'entreprise en question, Galan et Portier, et j'obtiens un entretien le lendemain à 9h.

8h05, je prends le métro et me rend au siège de Galan et Portier. Je suis décalquée. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, pas à cause du stress, pas parque que j'ai fumé toute la nuit avec mes super colocs, mais parce que j'ai dû subir leur répétition pour la manif de samedi, de 23h à 4h. Sérieusement vous ne pouvez-pas imaginer, « gouvernement démission telle est notre mission » en boucle pendant 5 heures non-stop, entrainement à s'échapper en cas de contrôle de police et en cas d'arrestation, résistance à la torture verbale. En gros un mec qui hurle sur un autre mec pendant une demi-heure et l'autre ne doit rien dire, en même temps vu les revendications, je ne sais pas trop s'il aurait vraiment grand-chose à dire...

C'est le patron en personne qui s'occupe du recrutement. La cinquantaine, un peu bedonnant et avec une calvitie bien avancée, il a l'air assez gentil. Il me met tout de suite à l'aise et j'ai l'impression que l'entretien se passe très bien. En fait ce n'est pas une impression :

- Mademoiselle Dupin, veuillez m'excuser une minute, dit-il en sortant de son bureau.
Mesdemoiselles, je suis au regret de vous dire que le poste est pourvu, il revient alors vers moi en me tendant sa main droite, félicitations, vous commencez lundi à 8h30. Je vous laisse au bon soin de Christelle, l'assistante de Monsieur Galan, qui va s'occuper de vous faire visiter et de vous présenter votre futur travail.

Christelle est vraiment gentille le courant passe bien et heureusement car nous aurons souvent à interagir l'une avec l'autre. Elle joue le rôle de guide à la perfection. En sortant je sais déjà tout ce qu'il faut pour être la parfaire assistante de Monsieur Portier.

Je décide que maintenant que mon contrat est signé, il est temps de chercher un nouveau logement, la plaisanterie a assez duré. Un appart, impossible à cause de la période d'essai, mais une autre coloc, ça se tente.

Et c'est ainsi que je me retrouve à 18h30 à rencontrer 2 mecs, Benjamin et Julien, et une fille, Emma. Apparemment Emma était leur précédente coloc et elle s'est mise en couple avec Julien, ce qui a laissé une chambre vide. Au début ils ont décidé de rester comme ça mais Benjamin en avait marre de tenir la chandelle alors ils se sont décidés à chercher une quatrième personne.

- Du coup tu habites où pour l'instant Noémie ?

Et là je pars dans un monologue. Je ne sais pas raconter une histoire à moitié, donc je leur explique tout, de Lucon à l'horrible colocation chez les anti-gouvernements. Je les vois se jeter des regards avec de grands yeux. J'aurais dû abréger mon histoire. Thomas me le dit tout le temps, « Tu parles trop Nono j'en peux plus », mais c'est plus fort que moi, et ça va me coûter un super appart avec des gens qui ont l'air tout aussi super et surtout tellement normaux. Je tente bien un dernier « ça ou un hôtel poisseux » pour éviter de me mettre à pleurer, et ruiner ainsi les dernières chances qu'il me reste de me faire accepter ici, mais en toute honnêteté, est-ce que ma colocation actuelle est vraiment mieux qu'un hôtel miteux ? J'en suis de moins en moins sûre.

Mince ils se lèvent tous les 3, ils ont dû repérer ma folie et ils se préparent surement à m'attraper par les bras et les jambes pour me jeter hors de leur immeuble, ils ont dû comprendre que j'avais élaboré un plan machiavélique visant à détourner leur attention après l'annonce de mon rejet, pour courir m'enfermer dans ce qui aurait pu être ma chambre. Est-ce qu'elle a une serrure cette porte ? M****, mon stratagème risque de tomber à l'eau.

C'est sexy-bogosse-blondinet, Benjamin pour les initiés, qui prend la parole.

- Bienvenue coloc, tu peux emménager quand tu veux, la place est dispo.

Et les 3 se jettent sur moi pour un câlin collectif.

Putain de BossOù les histoires vivent. Découvrez maintenant