Chapitre 10 ~ Ne rien dire

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Le reste de la semaine se déroule sans histoires. Je ne discute pas avec Léonie, Victor agit comme d'habitude et Octave ne tente plus de me faire avouer ma pseudo culpabilité. Je pourrais presque m'imaginer que rien ne s'est produit, qu'Eugène Ormier n'est qu'un nom du passé, perdu dans ma mémoire embrumée. Mais le vendredi soir, en traversant le jardin pour rentrer à la maison, je me heurte à Victor et Léonie, plongés dans une discussion animée.

« La police est là, m'accueille mon cousin. On est pressés.

— La... la police ? »

Il acquiesce et je le dévisage. J'ai du mal à assimiler l'information. La police. Chez nous. Léonie a un alibi plus que bancal, un appel passé à Leïla suffira à tout dévoiler.

« Tu n'as pas été chez Leïla, donc, poursuit Victor en regardant ma sœur. Je m'en doutais, en même temps, je ne vous vois jamais ensemble. Tu le savais, Théo ?

— Elle me l'a dit, réponds-je en haussant les épaules, préférant ne pas en dire plus pour ne pas m'enfoncer davantage.

— Tu as dormi dehors ? »

Léonie hoche la tête.

« On ne peut pas leur dire ça. Vraiment, pourquoi cette nuit ? »

Je me demande pour la dixième fois pourquoi Victor nous aide, d'autant qu'il semble toujours suspicieux. Mais nous n'avons pas le temps pour de telles interrogations.

« T'as de la chance, poursuit mon cousin face au silence de Léonie, j'ai un ami qui me doit quelques trucs. Lucas Bisson, dans ta classe. Il dira que tu es allée chez lui de dix-huit heures à onze heures. Vous avez joué à un jeu vidéo, disons Assassin's Creed, et regardé un film, genre... Hunger Games. S'ils te posent des questions plus poussées, il habite à Villeurbanne, au 31, rue Louis Guérin, au premier étage. Il vit avec sa mère et ses deux sœurs qui ont huit et treize ans. Sa mère et l'aînée de ses sœurs sont brunes, la plus jeune est blonde. Leur appartement est plutôt petit, le salon dès que tu entres, une porte vers la cuisine en face, la salle de bains à droite et sa chambre, celles de sa mère et de ses sœurs à gauche.

— O... OK, souffle Léonie. Mais...

— Vas-y, coupe fermement Victor, ils vont se poser des questions. Lucas confirmera. »

Victor ne me quitte pas des yeux tandis que nous nous éloignons vers la maison. Le message est clair : on en parlera, crois-moi. Je me promets la même chose. Le fait qu'il nous apporte tant d'aide sans que nous lui ayons rien demandé est étonnant, et quand bien même ce serait désintéressé, l'idée que ce Lucas lui doive quelques trucs ne me dit rien qui vaille.

La voix perçante de Marie nous alerte avant même que nous n'ayons pénétré dans la maison.

« Non, certainement pas ! Ces enfants sont sous ma responsabilité.

— L'aîné n'est plus mineur, madame.

— Vous ne le soupçonnez quand même pas de ça ! proteste-t-elle, indignée.

— Il s'agit uniquement d'une convocation. Une audition, pas une garde à vue.

— Je ne tolèrerai...

— C'est bon, Marie », coupé-je en entrant.

Je jette un regard circulaire autour de moi. Marie est debout près de la table, face à deux policiers en uniforme. Assise sur une chaise, Léonie fixe un point droit devant elle, le visage inexpressif. Raphaël n'est nulle part en vue, pas plus que Yann ou Émile.

« Tout va bien, reprends-je d'un ton bien plus calme que je le suis, c'est une simple audition. Ça ne dure que quatre heures. Et ça ne veut pas dire que je suis suspect. » Je me tourne vers les policiers. « Est-ce que je le suis ? »

Les larmes de la lionneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant