Chapitre 12

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Le premier décembre. On a déjà bouclé trois mois ici. Et même si c'est légèrement routinier, j'avoue ne pas avoir vu le temps passer. Alors que j'allais sortir dans le parc, pour profiter de mon après-midi libre, je me fais apostropher.

- Estella !

- Qui... oh, c'est toi.

- Caches ta joie surtout.

- Désolé Jake. Tu as un problème ?

- Je voulais simplement te parler, en fait.

- Pourtant, on se voit ce soir. Non ?

- Si, et c'est justement à ce propos que je voulais te voir.

- D'accord. Tu n'as qu'à venir avec moi alors. On va discuter dehors.

Je reprends mon chemin. Nous finissons par arriver près du lac. Je m'assois à quelques mètres du bord. Il a déjà gelé. C'est vraiment magnifique.

- De quoi est-ce que tu voulais me parler ?

- Je ne te pensais pas nostalgique...

- C'est vraiment le sujet que tu veux aborder ?

- Non.

Je sais que je ne suis pas vraiment aimable là. Mais c'est lui qui a insisté pour qu'on discute. Il finit par se laisser tomber à côté de moi en soupirant.

- À propos des entraînements, on sait tous ce qu'il y a à savoir pour des premières années. On va faire quoi maintenant ?

- Et bien, si je ne me suis pas trompée dans mes calculs, en mettant trois mois pour chaque année d'étude... à la fin du mois de novembre de notre troisième année, on aura fini nos études.

- Sérieusement ? Mais, tu sais qu'on n'a pas les manuels correspondant aux autres années ?

- À quoi ça a servi qu'on apprenne le sort de duplication alors ?

- Je vois. Je crois que je vais te laisser.

Voyant que je ne répond pas, il se lève et commence à s'éloigner.

- Attends. Je suis désolée.

- Pourquoi ?

- Je ne suis pas vraiment de bonne compagnie aujourd'hui.

- Je suis certain que tu as une bonne raison. Et je pense que je vais te laisser, c'est mieux.

- Trois ans.

- Euh...

- Aujourd'hui, ça fait trois ans.

Je l'entends revenir et se rasseoir.

- Il s'est passé quoi, il y a trois ans ?

- J'ai... J'ai dû...

Je n'y arriverai pas. Je ramène mes genoux contre moi et plonge ma tête dans mes bras.

- Tu n'es pas obligée de me le dire. Si c'est trop difficile.

- Ils... au tout début, Ils envoyaient leurs soldats. Ce n'était pas des humains, alors c'était plus simple.

Il ne me demande pas de préciser ce qui était si simple, il s'en doute. Constatant qu'il ne m'interrompra pas, je poursuis.

- Je les agaçait. Alors Ils ont cherché une de mes faiblesse. Et quoi de mieux que d'envoyer mes amis ? C'est vrai que... j'ai essayé les premières fois... de les convaincre de venir avec moi. Tu parles... Ils leur font un lavage de cerveau, j'en suis quasiment certaine.

Je fais une pause. C'est super compliqué d'en parler, mais je crois que j'en ai besoin.

- Au bout du troisième, j'ai arrêté d'essayer. Je... je me suis fait une raison. Enfin, je crois. Ou alors j'ai juste monté des murailles autour de cœur. C'est bien possible.

Juste le bruit du vent dans les arbres, et nos respirations. Ça fait du bien.

- Alors, les fois suivantes... je ne discutait plus... je... je tirais sans réfléchir. Une seconde d'hésitation et j'étais perdue. Et puis... Ils... Ils ont envoyé...

Aller, un peu de courage. Après, j'irais un peu mieux. N'est-ce pas ?

- C'était ma meilleure amie. Je m'étais promis de ne plus réfléchir, mais à ce moment... je... je n'ai pas pu faire autrement.

Tient, sa respiration s'est coupée.

- Tu te souviens, quand tu m'as demandé d'où venait ma cicatrice dans le dos ? J'ai... j'ai trop réfléchi ce jour-là. Je voulais vraiment la convaincre...

Je n'ose même pas le regarder. Je l'entends simplement respirer, lentement.

- Tu dois bien savoir ce qu'Ils font à ceux qui rejoignent leur armée ? Ils les améliorent, augmentent leur vitesse, leur force, leurs sens... Je... je n'ai pas fait attention. Elle était bien plus rapide et... c'est son épée qui m'a fait ça. D'un coup. Net et précis. Sur toute la diagonale...

De mon épaule droite jusqu'à ma hanche gauche.

- C'est à ce moment que j'ai compris qu'elle était perdue. Je... je n'avais pas le choix. Ce... c'était elle ou moi. Alors... je... je l'ai...

Je n'y arrive pas. Vraiment... c'est trop dur.

- Il y avait de la neige, déjà. Elle... elle s'est effondrée... avec ses cheveux qui lui faisaient une auréole. Elle était magnifique. On aurait dit un ange.

Elle aurait pu en être un jusqu'au bout... s'Ils ne l'avaient pas habillée d'une de leur affreuse tenue.

- Elle ne saignait pas. Je... je ne pouvais pas m'y résoudre. Alors... je... j'ai juste... provoqué un... un arrêt cardiaque.

Voilà. Je l'ai dit. Ça fait vraiment du bien.

- Je l'ai laissée à cet endroit. C'était près d'un grand lac, comme celui-ci.

Je ne rajoute rien. Laissant un silence apaisant prendre place.

Il prend la parole au bout de plusieurs minutes.

- Elle ressemblait à quoi ?

- Elle était blonde. De longs cheveux ondulés. Et ses yeux... on faisait la paire. Tout le monde disait qu'on était comme un ange et un démon. Mais tu vois, c'était nos yeux qui parlaient. J'ai les yeux couleur ambre, elle les avait bleus presque noirs. Des cheveux blonds lumineux et des yeux extrêmement sombres, étrange pour un ange, non ?

- Assez...

- Elle était innocente et mignonne, pourtant... elle pouvait se transformer en vraie démone. Alors que moi... j'étais celle qui la calmait. J'en ai évité des meurtres...

Je laisse échapper un léger rire. C'est vraiment libérateur d'en parler.

- Merci.

Je n'ai toujours pas relevé la tête, mais je le sens se tourner vers moi.

- Pourquoi tu me remercies ?

- Pour m'avoir écoutée. Ça fait du bien, alors merci.

- C'est normal. Je t'ai dit que je voulais vraiment devenir ton ami.

- Aller, on rentre.

Je me relève d'un bond, sous son regard franchement étonné.

- Ces manuels ne vont pas se trouver tous seuls.

Il me fait un grand sourire et me rejoins.

- C'est vrai. 

Je réussirai... Pour toi ~ { Partie 1 }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant