Chapitre 6 (partie1)

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Sayana

— Je suis vraiment contente d'être sortie de l'infirmerie! Même si je ne peux pas reprendre le sport tout de suite, au moins je ne suis plus clouée au lit.

Finalement, ils m'avaient gardé deux jours de plus. On était lundi et je pouvais enfin retourner en cours.

Mes camarades de classe étaient en train de me poser plein de questions sur ce qu'il s'était passé, mais je restais la plus évasive possible. Dans tous les cas, je ne pouvais pas leur raconter comment j'avais réussi à me casser autant d'os puisque je n'avais toujours aucun souvenir de mon accident, à cause du choc, m'a-t-on dit. Pour ce qui était de ma convalescence, je n'allais certainement pas frimer d'avoir perdu mon stana l'espace de quelques jours, surtout que tout était revenu à la normale la veille. Finalement, je m'étais inquiétée pour rien.

Sam et le professeur Kumar ne m'avaient pas encore fait part des résultats des prises de sang. J'étais quand même assez curieuse étant donné que ce n'était pas un de leur médicament qui m'avait rendu mes capacités puisqu'ils ne m'avaient administré aucun traitement. De plus, ils m'avaient refait un prélèvement hier avant de me laisser partir.

Retrouver mon stana a été un vrai soulagement, autant sur le plan physique qu'émotionnel. Je me suis sentie revivre. Pas que les sorts de soins de Sam aient été inefficaces, mais l'autoguérison est tout de même plus rapide et donc moins douloureuse.

En revanche, je faisais toujours ces drôles de rêves qui me paraissaient si réels, mais de peur qu'on me dise que ce n'était pas normal, je n'en avais parlé à personne.

— Tu nous as fait peur quand même! me dit une rouquine assise à mes côtés.

— J'en suis désolée! Mais maintenant, tout est rentré dans l'ordre!

Je cherchais Elora du regard. Elle avait encore disparu. Était-ce parce qu'elle ne voulait pas se retrouver au milieu de l'attroupement que ma présence créait?

Ou alors elle s'est peut-être fait une autre amie?

Cette pensée me fit sourire, mais m'attrista également. Elle aurait pu m'en parler si c'était le cas.

Elora était revenue me rendre visite samedi et dimanche, mais je l'avais trouvé un peu bizarre et elle m'avait semblé avoir l'esprit ailleurs. Elle n'avait pas cessé de regarder vers la porte, comme si elle était pressée de sortir.

Quant au garçon aux cheveux bleus, il n'avait pas donné signe de vie depuis la nuit durant laquelle il avait fait la promesse de m'aider à comprendre ce qui se passait. Je ne savais pas trop quoi penser de lui. J'avais l'impression de le connaître plus que ce que mes souvenirs me laissaient croire, mais en même temps, pourquoi n'était-il pas revenu me faire part de ses découvertes? Finalement, ça ne m'aurait peut-être pas avancé à grand-chose, mais dans les faits, il n'avait pas tenu parole.

La cloche sonna la fin de la pause déjeuner. Les élèves s'éparpillèrent pour aller récupérer leurs affaires avant de rejoindre leurs salles de classe. Toujours pas d'Elora en vue... De toute façon, je la retrouverai en cours de langue.

Je m'assis à ma place habituelle. Mon amie n'était pas encore là, mais il lui arrivait d'être parfois encore plus en retard que moi donc je ne m'inquiétais pas.

Sauf que la deuxième sonnerie retentit et que le prof commença son speech alors que la chaise à côté de moi restait désespérément vide.

Elora n'avait jamais séché de cours, je me demandais bien pourquoi elle manquait à l'appelle cette après-midi. En même temps, si elle avait vraiment été très en retard, je l'aurais mal vu se présenter au milieu d'une session et se retrouver au centre de l'attention. Elle avait juste dû être un peu plus à la bourre que d'habitude.

— Psst!

Jason, le garçon assis au bureau derrière moi, venait de donner un coup de pied dans ma chaise pour m'interpeler.

— Qu'y a-t-il Jason? ai-je chuchoté très bas sans me retourner.

Ce garçon était un oami. Avec son stana de loup, je savais qu'il pouvait m'entendre sans problème. Je suis certaine qu'en ce moment, il devait même percevoir jusqu'aux battements de mon cœur. Il attendit que le prof ait le dos tourné pour se pencher vers moi et me glissa un papier dans la poche.

— T'as l'air inquiète de pas voir ta pote aujourd'hui... C'est elle qui m'a donné ça pour toi ce midi.

J'étais complètement abasourdie. Déjà que je la voyais mal parler à Jason, mais en plus, elle lui avait donné un message pour moi ? Était-elle si fâchée contre moi qu'elle ne voulait même plus me parler ?

— T'inquiète, elle m'a dit qu'il n'y avait rien de grave, souffla Jason en se rasseyant.

Je n'ai rien répondu. Ça ne ressemblait pas du tout à Elora toute cette histoire.

— Tout va bien Sayana ?

Je mis un moment à me rendre compte que c'était le prof qui s'adressait à moi. C'était un vieil homme avec de petites lunettes rondes. Il était de nature très douce et ses cours étaient habituellement passionnants.

Mais aujourd'hui, j'avais la tête ailleurs.

— Oui, il n'y a pas de problème, Mr Saito, ai-je menti.

— Si tu as besoin de faire une pause et d'aller à l'infirmerie, préviens-moi.

Sur ce il se retourna vers le tableau noir et repris ses explications là ou il s'était arrêté.

Je peinais à prendre des notes tellement mes pensées étaient occupées par le message de mon amie. J'avais décidé de ne pas le lire tout de suite puisqu'apparemment, ce n'était rien de grave.

Mais quand même, j'étais de nature curieuse.

Ma main glissa vers ma poche tandis que Mr Saito nous expliquait qu'il existait entre trois mille et sept mille langues différentes sur terre. Il y avait même des pays qui comptaient plus de 180 dialectes ! Comment les hommes pouvaient-ils se comprendre entre eux?

En dépliant la missive, je ne reconnus pas l'écriture inégale et saccadée d'Elora. Les lettres étaient rondes, avec un trait presque artistique.

"rdv dès que tu peux au stade. Elora"

C'est signé "Elora", mais ce n'est pas son écriture ? C'est louche...

Automatiquement, mon regard se porta vers le dehors. Bien sûr, le stade n'était pas visible d'ici...

Avant même que je m'en sois rendu compte, j'étais debout et repoussais ma chaise avec fracas. Vingt-six paires d'yeux se tournèrent vers moi.

— Euh... je... excusez moi, est-ce que je peux... aller aux toilettes s'il vous plaît ?

Je n'attendais pas la réponse de Mr Saito et me précipitais vers la porte. Le vieil homme hocha finalement la tête, interloqué. J'ai quitté la pièce alors que j'entrevoyais le regard interrogateur que Jason me lançait. Il devait sûrement avoir lu le mot, il ne tarderait pas à comprendre le pourquoi de mon départ soudain.

OtherWorld - 1. Et cognoscetis veritatemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant