Un soleil radieux inondait la forge. Aldébaran essuya d'un revers de main la sueur qui lui dégoulinait sur le visage. La chaleur du foyer rendait chacune de ses cicatrices plus douloureuses encore. La guérisseuse avait fait de son mieux, mais elle l'avait prévenu qu'il faudrait de longs mois, des années peut-être, pour que sa peau retrouve son insensibilité d'autrefois. Les dents serrées il donna un dernier coup de marteau sur la lame qu'il travaillait avant de la plonger dans un seau où elle produisit en grésillant un nuage de vapeur. Cette garce de Pard ! Comment avait-elle pu le repousser de cette manière ? N'était-il pas un parti inespéré pour cette petite souillon ? Il rageait surtout de la savoir libre et en vie quelque part. Son clan avait échoué à l'attraper. Certes, cette famille d'incapables s'était acquittée d'une forte somme d'argent à titre de dédommagement pour les blessures infligées par la jeune fille, mais le forgeron était insatisfait. Il n'avait pu ni assouvir les désirs qu'il nourrissait à son égard, ni contempler sa dépouille.
Un léger craquement de bois lui fit lever les yeux et il resta bouché bée. Pard se tenait à quelques mètres de lui ! Elle le dévisageait avec un sourire moqueur. Était-elle donc inconsciente ? Ce n'était pas le cas d'Aldébaran... Il n'était pas précisément un grand penseur, mais son esprit pour le coup fonctionna très vite : non seulement il avait obtenu de l'argent en réparation des torts causées par Pard, mais il allait en plus pouvoir se venger sur la jeune fille elle-même et prendre par la force les faveurs qu'elle lui avait refusées. Il dompta sa colère et sortit tranquillement de la forge, se dirigeant d'un pas lent vers sa proie qui ne bougeait pas d'un pouce. Son bas-ventre s'enflamma à l'idée de tout ce qu'il allait pouvoir lui faire. D'abord il la prendrait, brutalement, pour qu'elle comprenne à quel point il était fort. Ensuite, il la corrigerait pour le mal qu'elle lui avait fait et enfin, il l'enfermerait quelque part à l'abri des regards pour user d'elle quand bon lui semblerait. Un jour, quand il se lasserait de son corps, il se débarrasserait d'elle sans que personne ne vienne lui réclamer de comptes.
Juste quand il allait se saisir d'elle, elle s'éloigna en bondissant, gracile antilope aux yeux doux qui s'arrêta un peu plus loin pour le regarder. Elle voulait jouer ? Parfait, il ne demandait pas mieux ! Il se glissa à sa suite, se demandant ce qu'elle avait en tête. Pensait-elle l'attendrir en s'offrant à lui et retrouver ainsi sa place dans le clan ? Quelle naïveté ! Comme il lui tardait de poser les mains sur elle... Elle changea subitement de forme et s'envola à tire-d'aile vers la cime d'un arbre. Aldébaran se hissa sur la branche la plus basse. Il avait passé son enfance à jouer dans les arbres. Il était sans conteste le meilleur grimpeur du clan. Ce n'est pas ainsi qu'elle le sèmerait ! Sans la quitter des yeux, il monta avec calme et efficacité. Parvenu à sa hauteur, il s'attendait à ce qu'elle s'échappe de nouveau. Au lieu de ça, elle prit sa forme de chat et lui griffa méchamment la main. Instinctivement, il protégea son visage et elle en profita pour s'attaquer à son autre main, avant de s'en prendre à don dos. La petite peste était rapide et ses griffes redoutables !
Ce qui devait arriver arriva. Il perdit l'équilibre et dégringola de l'arbre. Il tomba à plat sur le dos et sentit une grosse racine s'imprimer entre ses omoplates. Il se redressa en grognant. Pard était descendue elle aussi. Le poil de son dos et sa queue étaient hérissés et elle crachait avec colère. Ridicule ! Il se fit bison, la toisant de toute sa hauteur. Immédiatement, elle se transforma aussi et il vit apparaître devant lui une énorme éléphante. Pour la première fois de sa vie, il se sentit petit. Lorsqu'elle le percuta de plein fouet, il se sentit faible aussi... La douleur dans sa nuque l'obligea à reprendre forme humaine. Il s'aperçut avec horreur qu'il était incapable de bouger le bas de son corps. Le visage souriant de Part se pencha sur lui :
— Reste tranquille, dit-elle. Je crois bien que ta colonne vertébrale est brisée. C'est dommage. Le clan vient de perdre son forgeron... Enfin, pas tout à fait : je vais te ramener au village. On verra bien s'ils prennent soin de toi ou non. Qu'est-ce que tu en penses ? Es-tu assez populaire pour qu'on se préoccupe de ton sort ?

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Pard
FantasyParce qu'elle est différente Pard doit partir sous peine d'être exécutée par les siens... En quête d'identité et d'une place en ce monde, elle se lance dans un voyage sans destination précise.