C'était un jour gris, pluvieux et désagréablement frais. Pard se réveilla de mauvaise humeur, l'estomac barbouillé, une migraine sournoise commençant à monter. Par ce temps et sous cette lumière glauque, cette partie de la forêt lui sembla particulièrement déplaisante. Une mousse visqueuse s'accrochait à des troncs tortueux. Des buissons d'épines partaient à l'assaut du sous-bois, rendant le progression difficile. La métamorphe cependant, préférait avancer encore plutôt que de repasser par le domaine de Ti Anh. À ses pieds, le chat renifla.
— Tu tiens vraiment à aller par là ? demanda-t-il.
— Tu n'es pas obligé de me suivre si tu as peur, répliqua Pard cassante.
Le petit félin n'insista pas, mais il demeura à ses côtés. Le paysage devenait sinistre. Aucun chant d'oiseaux ne se faisait entendre, tout n'était que chuintements, crissements et autres bruits pénibles et inquiétants. Plus d'une fois, un craquement brusque les fit sursauter tous les deux, comme si quelque chose ou quelqu'un voulait les dissuader d'aller plus loin.
Peu à peu, la nature su sol changea aussi. Il devenait plus spongieux, la mousse y était abondante, les champignons aussi, mais ils avaient un aspect tout à fait repoussant, jaune et gélatineux qui ne donnait pas envie d'y toucher. Ils rencontrèrent des plantes étranges qui ouvraient des fleurs bordées de piquants, comme autant de bouches affamées qui se refermaient sur les insectes qui avaient le malheur de s'y poser. D'autres fleurs, énormes, mais laides et à l'odeur fétide, s'étalaient de manière presque indécente au pied des arbres. Pard ne connaissait d'ailleurs aucune des essences qui poussaient là. Beaucoup de tronc arboraient d'impressionnantes épines, les branches étaient envahies par toutes sortes de lianes. La jeune fille crut même en voir une bouger à son approche.
Il y avait peu de bêtes, hormis des multitudes de serpents, trop colorés pour être honnêtes, des petites reinettes venimeuses et des araignées monstrueuses qui stationnaient dans tous les coins, braquant sur les intrus leurs grappes de petits yeux noirs. Leurs toiles tendaient de longs filets un peu partout et il était presque impossible de les éviter. Armée de son couteau de chasse, Pard en tailla des dizaines avec un certain dégoût. Elle n'avait jamais vu de toiles aussi épaisses et collantes. Elle sentait une espèce de réprobation flotter dans l'air quant à sa présence dans les parages sans bien saisir d'où elle venait. Malgré tout, rebrousser chemin étant impensable, elle s'enfonça encore davantage dans les bois devenus bourbier. Elle finit par déboucher sur un amas de roches granitiques disposées en cercle d'une manière qui n'avait rien de naturel. Est-ce que des hommes avaient vécu là à une époque reculée ?
Un étang aux eaux noires se trouvait au centre du cercle. Sa surface était parfaitement immobiles, mais des choses sombres se croisaient en dessous, toute une population de créatures qui ne goûtaient guère la lumière du jour qui, même par temps clair, ne devait pénétrer là qu'avec parcimonie. La jeune fille se pencha au-dessus de l'eau tentant d'apercevoir ce qu'elle prenait peut-être à tort pour des poissons quand des chuchotements se firent entendre tout autour d'elle. Elle ne comprit absolument pas la langue faite de sons mouillés et crachouillant, mais l'intonation ne laissait aucun doute : c'était de la colère qui montait ça et là. Les chuchotements devinrent grondements menaçants et sous ses pieds, Pard sentit la terre trembler.
Les yeux écarquillés de stupéfaction, elle vit le sol onduler. Quelque chose se déplaçait sous terre... ou plutôt, une myriade de choses qui toutes, convergeaient vers elle. Des racines émergèrent soudain, mais lorsque de longs corps ligneux apparurent, la jeune fille comprit que les racines étaient des membres, jambes et bras qui se tordaient dans tous les sens avec fureur. Les créatures avaient des visages presque humains avec des yeux verdâtres qui clignotaient au rythme de leurs mots courroucés. Une de ces choses, plus haute que ses comparses, tendit ses doigts sinueux vers Pard pour tenter de l'attraper. La métamorphe sortit son couteau et taillada sauvagement la peau dure comme le bois. Ce n'était sans doute guère plus qu'une égratignure pour un être de cette nature, mais la créature retira prudemment sa main.

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Pard
FantasíaParce qu'elle est différente Pard doit partir sous peine d'être exécutée par les siens... En quête d'identité et d'une place en ce monde, elle se lance dans un voyage sans destination précise.