Chapitre 29

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     Le chant la portait... Elle volait au-dessus de la forêt qui s'étendait sans fin. Les arbres régnaient sur le monde, plongeant leurs racines jusqu'au cœur de la terre et envoyant leurs branches à l'assaut du ciel. Les cycles de vie se succédaient : vie, mort et renaissance. Des animaux commençaient à apparaître parmi les arbres, cherchant leur abri protecteur, se nourrissant de leurs feuilles, de leurs fleurs et de leurs graines. Puis de la fumée s'éleva au loin. Les hommes étaient là. Avec leurs haches brillantes, ils abattaient les géants de bois. De nombreuses voix végétales s'éteignirent sous leurs coups. Pard aurait voulu leur crier d'arrêter, mais les événements suivirent leur cours. La forêt s'éclaircit puis se morcela. Le temps des arbres était passé... celui des hommes commençait.

Le chant changea de ton. Elle glissa au sol et courut à travers les fourrés. La vie était partout, dans les petits êtres comme dans les plus grands. Chacun se nourrissait puis servait de nourriture à son tour. La forêt était là, toujours, mère nourricière et demeure à la fois. La jeune fille tendit la main et des dizaines de créatures vinrent successivement s'y percher. Des oiseaux curieux qui la regardèrent de côté, des écureuils craintifs qui l'effleurèrent de leur museau, des fouines, des lézards, des serpents... Le peuple des bois en entier vint la visiter. Son visage et son odeur furent présentés à tous. Partout où elle irait, on la reconnaîtrait.

Le chant devint allègre et des formes bleues éthérées se pressèrent autour d'elle. L'amour l'enveloppa. Ils étaient ses frères et sœurs, ses amis, ses compagnons... Parfois, elle distinguait des crocs, des griffes, un pelage hirsute ou soyeux, des plumes, des bois... Puis des visages se présentèrent à elle. L'esprit loup était un homme austère, l'esprit ours un homme jovial et l'esprit chat, une femme facétieuse. On lui caressa les cheveux, des baisers tombèrent sur ses joues et son front. Pard exulta. Elle était l'une d'eux. Semblable à eux, mais unique. Le chant gagna en intensité et elle mêla sa voix aux leurs. Elle chanta de toute son âme.

Le silence se fit soudain. Céléna était assise sur son trône et ils se déployèrent autours d'elle. Pard se dressa seule face à eux. Une part d'elle aurait aimé s'incliner devant l'esprit de la forêt, mais ce qu'il y avait de plus individualiste en elle s'y refusait. Elle ne ploierait le genou devant personne et resterait maîtresse de son destin. C'était à prendre ou à laisser !

— Nous prenons, dit la voix tranquille de l'esprit. Nous t'acceptons telle que tu es ! Sois la bienvenue parmi le peuple de la forêt !

— Est-ce que je demeurerai libre d'aller et venir où bon me semble ? demanda Pard prudente.

— Tu es libre, y compris de renoncer à ton rôle de gardienne si tu le souhaites. J'ai confiance en toi, tu sauras faire la part des choses et mettre de côté tes intérêts personnels lorsque le sort de la forêt en dépendra.

— Est-ce qu'il y a d'autres gardiens ?

— Non, mais il y en a que nous aimerions accueillir dans nos rangs...

— Gorok ?

— Oui, le disciple de Ti Anh semble tout désigné pour ça. Sais-tu que son père était un gardien de cette forêt avant lui ?

— Un humain ? Mais comment a-t-il pu passer les épreuves avec succès ?

Céléna rit.

— Elles sont différentes pour chacun, répondit-elle. Son initiation a été tout autre que la tienne car tu n'as pas les mêmes limites. Pour tout te dire, tu es sans conteste la gardienne la plus puissante que nous ayons jamais eu !

— J'irai chercher Gorok.

— Il ne voudra peut-être pas te suivre, la prévint Céléna.

— Il me suivra, affirma Pard.

PardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant